1400 m, une altitude sous influence
Sous l’effet du réchauffement climatique, la force de gravité s’est inversée dans les territoires alpins. Certains paysages remontent la pente: la végétation, à la recherche d’un seuil de température adéquat pour son développement; les humains, pour vivre et se détendre toujours plus haut en altitude. Ce dernier phénomène, même s’il n’est pas récent, pose aujourd’hui la question des forces et des limites des ressources naturelles. La principale cause d’évolution vient d’un décalage dans la vitesse de développement entre le temps, très long, de production du paysage et celui, très court, de consommation de la ressource sol. Et ce phénomène touche en particulier les territoires de la moyenne montagne. Il s’agit d’un seuil dans le territoire alpin, un dernier rempart accessible à l’urbanisation et à ses modes de communication. Mais devant la diversité des occupations, cet entre-deux – très sollicité – accueille des formes fragiles de cohabitation.
Depuis plus de 15 ans, l’association Altitude 1400 soulève les drames du mitage du paysage, une dynamique foncière mordante, un gaspillage de sol et un environnement bouleversé. Les travaux de l’association nous ont ouvert l’opportunité de saisir ce repère altimétrique qui passe d’une rive à l’autre, de l’ubac à l’adret, de la vallée principale aux vallées latérales. Cette altitude est autant un fond de vallée, un piémont, une pente plus ou moins escarpée ou un replat.1 Nos intentions se situent dans la continuité de leurs engagements. C’est le point de départ de notre enquête, loin d’être exhaustive, mais ciblée sur la transformation et la qualité des paysages. L’objectif est de prendre le pouls de réalités disjointes à cette altitude de la moyenne montagne.
Nos premières observations, à l’étage des mayens et des départs des télécabines du domaine skiable, se sont étoffées au fur et à mesure des entretiens menés avec des professionnel·les et habitant·es. Elles et ils témoignent de pistes de solution sur les questions des ressources, du vivre ensemble, de la qualité de paysage, de la durabilité des systèmes. Si 1400 m fonctionne dans une logique verticale, comme le fait une commune avec ses basses et ses hautes terres, le territoire et le paysage s’étendent aussi partout horizontalement. Explorer ces évolutions sur cette même altitude, qui se trouve en première ligne des altérations dues au changement climatique, rend d’autant plus nécessaire d’adapter ces liens hérités du passé dans le soin apporté aux enjeux paysagers. Adoptée à l’automne 2022 par le Conseil d’État valaisan, la Conception Paysage cantonale (CPc-VS) initie ce projet. Loin d’être un document de synthèse sur l’importance de reconnaître et protéger une diversité de paysages, il porte l’ambition première de donner une cohérence aux collaborations de tous les acteurs publics et privés autour d’un socle commun: une planification par le paysage.
Note
1 Parcourir la courbe de niveau 1400 m: hepiadata.hesge.ch/apps/1400m.html. Exploration altimétrique à travers le bassin versant du lac Léman et du Rhône réalisée par Alain Dubois, groupe de recherche MIP, filière architecture du paysage, HEPIA.
La revue s’associe au festival Alt+1000 en proposant une discussion sur l’altitude 1400 m avec les autrices du dossier, Laurence Crémel et Mathilde de Laage, le samedi 9 septembre, à 17:00 au lac des Taillères. Plus d'information sur notre agenda