La chaufferie du design de Charleroi
A Charleroi, le bureau liégeois Baumans-Deffet finalise une reconversion riche en symboles: l'ancienne chaufferie de l'université du travail sera à partir d'août 2022 un lieu dédié au design.
L'Université du Travail, inaugurée en 1911 pour stimuler l'enseignement technique du grand pôle industriel qu'était Charleroi, est restée figée dans son heure de gloire: la première moitié du 20e siècle et la prospérité des bassins houillers, infatigables fournisseurs d'énergie dense. Ceci jusqu'au premier choc pétrolier de 1973 et la confirmation d'un déclin déjà amorcé dans les années 60. La désindustrialisation rendra progressivement obsolète et disproportionné ce superbe outil de formation professionnelle, dans une région qui perdait année après année ses fleurons économiques. Cette évolution va également éroder le caractère influent des assemblées et autres groupes de travail de ce haut lieu de l'émancipation wallonne. Reste un ensemble de bâtiments d'une très belle facture, imprégnés de la mélancolie des institutions prestigieuses qui tournent au ralenti mais gardent leur place dans la mémoire collective d'une ville.
Charleroi n'est plus le centre industriel prospère qui a fait sa renommée. Des grandes villes wallonnes, c'est celle qui peine le plus à sortir du marasme de 50 ans de déclin. En traversant les anciens axes commerciaux de la ville avec ses belles maisons bourgeoises, il est difficile de ne pas penser à des villes devenues emblématiques pour leur décroissance subie, comme Leipzig, Liverpool ou Détroit.
La réhabilitation de l'Université du travail est un élément pivot de la renaissance de la ville, et la reconversion de la chaufferie est la clé de voûte de ce chantier étalé sur plusieurs décennies. Le beau bâtiment en briques rouges présente toutes les caractéristiques de l'architecture industrielle de la première moitié du 20e siècle, où le fonctionnalisme moderniste, par définition abstrait, s’autorise une certaine expressivité formelle. Le volume imposant déploie le dynamisme de sa compacité, accentuée par la forte pente et la verticalité de ses ouvertures. La chaufferie était une petite usine urbaine dans un ensemble censé former des ouvriers spécialisés. Toute une symbolique qui s'est délitée avec le temps et que la reconversion remet à l'ordre du jour. Car la reconversion est aussi emblématique d'un basculement vers une société décarbonée. Éviscérée des machines et des cuves à fioul qu'elle abritait, la chaufferie devient aujourd’hui le symbole d’une société qui se déleste des énergies denses. L’espace dégagé par l’abandon de la fonction énergétique devient praticable. Outre ce revirement emblématique, la chaufferie libérée se révèle très généreuse dans les vues qu'elle rend possibles sur le paysage périurbain de Charleroi. C'est aussi un bâtiment repère dont la visibilité est décuplée par son positionnement au sommet d'une pente escarpée.
La transformation elle-même est minimale. Aucun lissage ne vient recouvrir les traces du passé, les espaces intérieurs jusqu'alors impraticables deviennent un espace d'exposition et de réunion d'un lieu consacré au design. Des carreaux usés mais solides aux passerelles de service réemployées, le choix est celui du maintien de tout ce qui peut être conservé et de la mise aux normes de tout ce qui ne l'est plus. La qualité du grand espace intérieur transforme la chaufferie en un espace polyvalent ouvert et accueillant, symbole de ce que la transition énergétique rend possible dans une ville pour laquelle les énergies denses auront été successivement une aubaine et une malédiction.
Informations générales
Programme: Public et communautaire
Lieu: Charleroi
Construction: 2018-2022
Co-conception: Baumans-Deffet, Architecture et Urbanisme
Série La Belgique à l'heure de la reconversion généralisée - 5 Projets
Article de cadrage: La Belgique à l'heure de la reconversion généralisée
Projets
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La chaufferie du design de Charleroi, par Baumans-Deffet, Architecture et Urbanisme