Gas­light

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Le film "Gaslight", réalisé en 1944 par George Cukor, conte l'histoire d'une femme sombrant dans la folie dans une maison hantée par le souvenir d'une morte.

Publikationsdatum
16-01-2014
Revision
13-10-2015

Réalisé en 1944, Gaslight (Hantise en français) est une étrange proposition de George Cukor qui mêle film noir et mélodrame sur fond de maison hantée. Proche en ce sens de Rebecca de Hitchcock, sorti en 1940, auquel il est souvent associé, le film repose effectivement sur un personnage de femme sombrant dans la folie dans une maison hantée par le souvenir d’une morte. Si l’équation entre espace, folie et féminité/sexualité est un ressort scénaristique récurrent à cette époque, dans Gaslight ces entités se déploient autour de deux phénomènes atmosphériques singuliers : le fameux smog londonien et l’éclairage au gaz. Londres accueille en effet la maison dans laquelle la plus grande partie de l’intrigue est située : c’est dans ce décor victorien qu’un meurtre est commis au début du film. Paula (Ingrid Bergman), nièce de la victime, est envoyée en Italie pour se remettre de l’assassinat de sa tante, chanteuse lyrique très connue. Des années passent. Elle fait la connaissance d’un pianiste qu’elle épouse rapidement, qui la convainc malgré ses réticences de se réinstaller à Londres dans la maison de son enfance. Progressivement dévorée par sa propre demeure, alors que son époux semble de plus en plus froid et cassant avec elle, l’esprit de la jeune femme s’égare. 
La force de la mise en scène de Cukor, qui s’identifie sans doute en partie à cette forme dégénérescente du contrôle absolu, établit graduellement le personnage du mari comme étant le manipulateur qui actionne les éléments contribuant au malaise de Paula. Le système de contrôle et de surveillance qu’il orchestre prend la maison comme point de cristallisation, celle-ci étant filmée, dès le début du film, comme une sorte de navire échoué au milieu du brouillard londonien. L’éclairage public au gaz trouve dans ce cas toute sa justification. Cependant, à l’intérieur de la maison, c’est justement en jouant sur l’intensité de l’éclairage que le mari parvient à persuader sa femme qu’elle perd la raison. Les hallucinations auxquelles elle pense être soumise reposent sur une baisse bien réelle de la lumière qu’il opère depuis le grenier où il se glisse le soir, produisant à ces occasions des bruits de pas que sa femme est incapable d’identifier – les attribuant à ses crises de démence. De nombreux plans à tendance expressionniste cadrent alors l’espace intérieur depuis le plafond, comme si une force invisible s’était effectivement installée là, pour mieux fondre sur sa victime. L’espace semble se soumettre à l’affaiblissement de la visibilité. La raison vacille. Le film frôle alors le fantastique.
La maison se ferme sur elle-même, Paula n’a plus le droit d’en sortir ou même de recevoir. Le sauvetage ne peut plus venir que de l’extérieur. Un jeune enquêteur, incarné par Joseph Cotten, vient rompre le scénario funeste et force la porte de la jeune femme, faisant toute la lumière
Comme l’on pouvait s’en douter, lorsqu’elles sont cinématographiquement nouées, les questions de l’espace et de la féminité produisent des opérations de connaissance – et pas forcément des scènes d’hystérie. Comme chez Hitchcock ou Lang, le fait de reprendre possession de sa raison revient à retrouver ses marques dans l’espace : il s’agit à chaque fois de cheminements qui permettent à ces personnages de femmes d’affirmer leur subjectivité.

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