Pro­me­na­de sur l'O­lym­pe

Ici est ailleurs

Eugène donne ses impressions sur la rénovation du Musée Olympique de Lausanne

Publikationsdatum
25-07-2014
Revision
18-10-2015

Derrière moi, le lac Léman. Devant moi, le majestueux parc olympique et son musée sur la colline, inauguré en 1993. Deux ans de rénovation, 55 millions de francs de budget (bigre, la moitié de ce qu’a coûté le Rolex Learning Center !). Bref, une visite s’impose. 
Première constatation : un nouveau lieu est né. Désormais, le parvis de la fontaine monumentale en béton de marbre blanc de Carrare concassé s’appelle «L’Espace Jacques Rogge», président du CIO de 2001 à 2013. Quant on sait qu’à chaque visite les guides ne manquent pas de rappeler que le musée est «le cadeau du marquis Juan Antonio Samaranch, président du CIO de 1980 à 2001, à la Ville de Lausanne», on finit par se demander si l’autocélébration ne va pas trop loin.
Trêve de médisances, montons le grand escalier qui s’offre à nous. Le parc s’étale sur la droite. Son concepteur, José Lardet, avait su créer un véritable jardin de sculptures. Seule faute de goût, un grand escalator. Heureusement, le nouveau paysagiste Jean-Yves Le Baron l’a remplacé par cet escalier, axe majeur du jardin. Sur les marches, les noms des derniers porteurs de la flamme olympique ont été gravés. 
Ça commence avec: «1936 Berlin: Fritz Schilgen.» Tiens? 1936, ce ne serait pas les fameux Jeux olympiques du IIIe Reich? Gagné. Et le CIO aura beau jouer les amnésiques, le relais de la flamme n’en reste pas moins une invention du régime nazie. Gwbbels l’avait intégrée dans ses délires mystiques sur le feu sacré de la nation allemande.
En montant les marches, on redécouvre qu’aux JO d’hiver d’Albertville, l’allumeur de la vasque n’était autre qu’un… footballeur. Michel Platini, aujourd’hui président de l’UEFA. Décidément, le sport mène à tout, à condition de ne pas en sortir. 
Sur la gauche, un touriste chinois imite une sculpture de bronze représentant «un jeune athlète ceignant sa tête du bandeau de la victoire». Amusant. Car l’œuvre elle-même, réalisée par l’artiste grec Tzanoulinos en 1998, est une copie d’une sculpture de Polyclète datant de 420 av. J.-C. 
A droite de l’escalier, un touriste russe se fait photographier imitant le geste d’un lanceur de disque en bronze. Mais la sculpture elle-même est une imitation réalisée en 1989 par un artiste grec Georgopoulos à partir de l’œuvre originale de Dimitriadis (toujours un grec!), Le Discobole Finlandais, premier prix de sculpture du concours d’art des JO de Paris de 1924. 
Car dès 1912, à l’initiative de Pierre de Coubertin, les Jeux olympiques distribuent des médailles d’or, d’argent et de bronze dans le domaine des beaux-arts. Thème imposé: le sport, bien sûr.
Sur le parvis trône la flamme olympique dans sa vasque. Rien de nouveau par rapport à l’ancienne disposition. Sur la droite par contre, une piste de cent mètres attend les visiteurs les plus sportifs. Quelle heureuse idée: intégrer dans le parc la distance phare des olympiades.
Evidemment, personne n’a osé toucher à l’enveloppe extérieure du musée, dessinée par Pedro Ramírez Vásquez et Jean-Pierre Cahen. Par contre, l’intérieur et le dernier étage ont été entièrement repensés par le bureau B+W Architecture. On a tout bonnement vidé la boîte et reconstruit autrement, permettant ainsi à la surface d’exposition permanente de passer de 2000 à 3000 m2.
Le vaste hall d’entrée, avec sa nouvelle spirale en béton et son desk d’accueil, font penser à un aéroport plongé dans la pénombre. Ici, les écrans et les beamers sont à la fête. Curieusement, visiter les expos n’est pas une nécessité dans ce musée. Comme beaucoup de visiteurs, «je visiterai une autre fois».
En haut de la rampe, une volée de marches m’attend et me voilà au TOM Café. La terrasse a disparu, remplacée par deux salles lumineuses et modulables. Les gens admirent le lac et les Alpes, sans voir qu’au-dessus de leur tête se trouve une prouesse technique. Un toit composé de poutres en béton fibré à ultra-hautes performances. Fines, résistantes et de très grande dimension. On se croirait sous une pergola ! 
Café bu, je me promène dans la partie haute du parc. Là, un vrai éclat de rire m’attend. Depuis l’entrée nord, cinq pistes d’athlétisme ont été peintes sur l’allée centrale. Au départ de chacune d’elles, une des valeurs olympiques : fair-play, excellence, respect, amitié, paix. Sauf que voilà : la ligne « paix » bute dans une bordure au bout de dix mètres, tandis qu’au bout de cinquante mètres, les pistes « respect » et « amitié » s’évasent et se transforment en… place de parking pour handicapé. Symbolisme? Surréalisme? 
Et tout à coup, je me souviens ! Il manque un truc. Un mètre carré a disparu. J’inspecte chaque recoin du parc. Mais je ne le trouve plus. Un mètre carré des Ramblas de Barcelone, offert à la Ville de Lausanne. Un morceau de ville dans une autre ville. Pendant des années, je suis venu pour lire et rêver devant ce carré pavé et protégé par une barrière, telle une relique.
Avis aux amateurs: j’échange dix torches olympiques contre un mètre carré d’ici est ailleurs.