Fai­re l’éco­le com­me un quar­tier

Réalisation

Le nouveau collège fribourgeois de Gambach, conçu par Aeby Aumann Emery architectes, a été officiellement inauguré fin septembre

Publikationsdatum
02-10-2014
Revision
25-10-2015

Proche de la gare, mais déjà pavillonnaire, le quartier du nouveau collège de Gambach entame la transition de l’hypercentre à la périphérie fribourgeoise. Entre les villas de maître Heimatstil, avec leurs toits incrustés de lucarnes, et les nombreuses écoles, dont le superbe bâtiment de l’université Miséricorde conçu à la fin des années 1930 par Denis Honegger et Fernand Dumas, le nouvel édifice scolaire – l’un des trois principaux collèges du canton, inauguré officiellement le 27 septembre dernier – se dresse sur un terrain de 12 000 m2 délimité par les escaliers du Guintzet et les avenues Gambach et Weck-Reynold. Jusqu’au milieu des années 2000, cette parcelle, alors propriété des sœurs Ursulines, comptait un bâtiment scolaire construit en 1914, auquel se sont ajoutées plusieurs annexes – un internat, une salle de sport et une chapelle. Au fil des ans, le site scolaire s’est étatisé et a fait l’objet d’une gestion conjointe entre les sœurs et l’Etat. Faute de place, ce dernier louait 17 salles de classe à l’Ecole libre publique, située de l’autre côté de la route, au sud du terrain. 
En raison de l’augmentation croissante du nombre d’élèves, l’Etat de Fribourg lance en 2005 un concours d’architecture en procédure ouverte pour l’extension et la rénovation du collège, dans le but d’y accueillir quelque 850 élèves. La même année, le Grand Conseil adopte un décret relatif à l’acquisition de la propriété du collège. Une quarantaine de bureaux participent au concours, pour la plupart suisses, mais aussi allemands ou italiens. C’est le projet d’Emile Aeby et Patrick Aumann qui remporte les faveurs du jury. Associés à Stéphane Emery, les architectes fondent alors leur bureau à Fribourg, dans le but de concrétiser ce projet. Ce dernier est mis à l’enquête publique en 2007, sans aucune opposition. Un an plus tard, la population accepte en votation populaire le crédit de 68 millions de francs pour la rénovation et l’extension du collège. 

Un projet, quatre bâtiments


Pour trouver une réponse pertinente à la fois à la ville et à la zone villa, le bureau Aeby Aumann Emery architectes a choisi de morceler le programme en un îlot ouvert, plutôt que de le concentrer dans un seul bâtiment. L’école bâtie en 1914 a été rénovée, tandis que l’internat, la chapelle et la salle de sport construits dans les années 1960 ont été démolis pour laisser place à trois nouvelles constructions, dont deux sont identiques. « Par ce parti pris, nous avons souhaité créer trois grands volumes à l’allure domestique, des lieux où les étudiants et les enseignants puissent se sentir bien. Cela donne une composition de trois écoles à l’échelle du quartier », précise Emile Aeby, associé du bureau fribourgeois. 
Les bâtiments jumeaux, disposés sur deux axes différents, se partagent les 43 salles de classe standardisées et deux salles de sport. Pour dissimuler ces deux gros volumes de 7,5 m de haut, celles-ci ont été enterrées mais bénéficient, grâce à la déclivité du terrain, de la lumière du jour. Elles sont par ailleurs reliées par un cheminement souterrain. Le troisième bâtiment neuf héberge une grande aula qui fait aussi office de salle de spectacles, une cafétéria, une bibliothèque, une salle de musique et des salles de sciences naturelles. Les salles des maîtres, l’administration et les classes d’arts plastiques sont situées dans le bâtiment existant. 
Sans pasticher les constructions voisines, les architectes en ont emprunté une palette d’éléments. « Nous avons travaillé avec des tons, des matériaux et des textures présents sur place. L’école existante nous a servi de bâtiment-témoin. » Les Fribourgeois ont par exemple réinterprété le principe d’encadrement des fenêtres en cernant les ouvertures des nouveaux bâtiments de béton (pour les fenêtres des salles de classe) et de métal (pour celles des espaces de circulation). Le crépi grossier, les toitures en pente et les lucarnes sont autant d’éléments issus du bâti environnant. 

Compacité et respiration


Ce qui frappe dans le projet des architectes fribourgeois, ce sont les perspectives générées par des dégagements maîtrisés, des couloirs traversants et des porte-à-faux imposants. Depuis les salles de classe et les espaces de circulation, le contact avec l’extérieur est permanent, avec un point de vue sur les espaces verts, la cour intérieure formée par les quatre bâtiments ou la ville en contrebas d’où surgissent la cathédrale et le pont de la Poya. De la même manière, les retranchements pratiqués aux rez-de-chaussée des bâtiments neufs permettent des échappées sur le dehors. « Pour parvenir à ce résultat précis, nous avons effectué un travail considérable en volume, avec de grandes maquettes. » Du coup, même si les constructions sont compactes, on n’éprouve jamais ce sentiment d’oppression qui caractérise parfois les couloirs des établissements scolaires. 
La cour intérieure de l’îlot ouvert est une réminiscence de l’ancien jardin romantique et renouvelle le cheminement qui serpentait alors. « A l’époque, le jardin était luxuriant, la parcelle était cernée par une ceinture végétale, le collège était presque imperceptible. Nous avons décidé de le rendre visible. » Tous les arbres, dont une partie étaient malades, ont été abattus, à l’exception d’un hêtre majestueux. Mais un nombre identique d’arbres a été replanté. « Nous avons reboisé le jardin avec deux essences : le hêtre et le pin sylvestre, qui reste vert toute l’année. » La pelouse se décline quant à elle selon trois variantes : du gazon tondu pour s’allonger, du gravier-gazon pour se déplacer et de la prairie pour contempler.
Les circulations de l’espace extérieur, flanquées sporadiquement de mobilier en béton circulaire, sont incrustées de pièces en laiton, œuvre de l’artiste lausannois Daniel Schlaepfer. Cette écriture abstraite, qui se veut un écho aux aiguilles de pin, pénètre discrètement dans les halls d’entrée et se dore au gré des passages.

 

Maison et rural de Villarepos

Le bureau fribourgeois Aeby Aumann Emery architectes est aussi l’auteur d’une remarquable construction dans le canton de Fribourg, à Villarepos (photo). Sur mandat direct, les architectes ont conçu une habitation familiale de 5,5 pièces jouxtant un rural pour le bétail. Réalisé en 2009 et 2010, le bâtiment bipartite a reçu une mention spéciale du jury Architizer A+Awards 2014 et le prix du jury décerné par les rédacteurs du magazine zurichois Ideales Heim 2012. Il a également été nominé cette année parmi 19 autres projets dans le cadre de la Distinction Romande d’Architecture (DRA3).

 

Yoki

Sur la parcelle où se dresse le collège de Gambach, trois bâtiments construits dans les années 1960 ont été démolis pour laisser place aux nouvelles constructions. Parmi eux, une chapelle (photo) qui abritait un vitrail de l’artiste fribourgeois Emile Aebischer, plus connu sous le nom de Yoki, père de l’actuel président de l’EPFL. Le Service des biens culturels de Fribourg a demandé à ce que l’œuvre soit intégrée dans la rénovation et l’extension du collège. Les architectes ont ainsi imaginé une salle de méditation pour accueillir le vitrail abstrait.

 

Fiche technique

Maître d’ouvrage : Etat de Fribourg 
Architecte: Aeby Aumann Emery architectes, Fribourg
Architecte paysagiste: Paysagestion SA, Lausanne
Ingénieur civil: Groupement d’ingénieurs BT Brasey ingénieurs SA + Tremblet SA, Fribourg et Genève
Artiste: Daniel Schlaepfer Lausanne

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