Ca­sernes et places d’armes de Suisse

Découverte d’un patrimoine qui forme l’un des plus grands parcs immobiliers du pays.

Date de publication
18-01-2016
Revision
18-01-2016

La construction de casernes et d’hébergements pour les troupes est un phénomène européen du début du 18e siècle. Cette évolution n’est observée qu’à la fin de ce même siècle en Suisse, épargnée par les guerres d’alors. C’est surtout lors de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide que la Suisse a massivement investi dans le dispositif et les infrastructures de défense, à tel point que le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) est devenu le plus important propriétaire immobilier du pays1

Ce parc immobilier, confié en gestion à armasuisse Immobilier et dont la valeur de rachat est évaluée à plus de 26 milliards de francs, comprend quelque 13 500 bâtiments et sites, ainsi que 24 000 hectares de terrains. Pour valoriser ce patrimoine, le DDPS a établi un inventaire des immeubles militaires dignes de protection, un instrument de travail pour les services immobiliers du département. 

Sorte de pendant sélectif de cet inventaire, Casernes et places d’armes en Suisse se concentre sur 14 places d’armes suisses de différentes époques, témoins de la diversité architecturale de ce patrimoine. Chaque chapitre – un par place d’armes – se développe en trois parties: histoire, architecture et usage militaire actuel du lieu. 

Cinquième tome de la collection Pages blanches édité par la Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS)2, l’ouvrage s’attache en quelque 200 pages et autant de photographies – vues d’ensemble qui permettent d’appréhender l’implantation des bâtiments, vues rapprochées, détails et intérieurs – à faire découvrir le patrimoine hors du commun que constituent les casernes et places d’armes nationales et à montrer que le bâtiment militaire procède d’un double mouvement : comme un signal, un repère, il doit être vu, mais également se faire discret dans le territoire où il est implanté.

Le Fort Airolo, véritable système de fortifications achevé en 1890 sur les plans de l’ingénieur Daniel Freiherr, situé à l’entrée sud du tunnel du Gothard à 1300 mètres d’altitude, se fond par exemple dans le paysage et contraste avec les casernes érigées à la fin du 20e siècle. Son but: bloquer les accès aux hauts sommets alpins. Les bases du concept de Réduit national, développé ensuite par le général Guisan, étaient ainsi jetées, indiquent les auteurs.

Autre exemple présenté dans Casernes et places d’armes en Suisse, la place d’armes de Thoune est la plus ancienne de Suisse. La caserne, dont la construction est achevée en 1867, présente une particularité sur le plan architectural: ses tours et ses coursives ouvertes sont inspirées de constructions d’Europe du Sud et de l’Est. Le concours d’architecture pour sa construction, dont le jury était notamment composé de Gottfried Semper, est remporté par Casper Joseph Jeuch. Mais le projet lauréat et les autres projets soumis ne conviennent pas au Conseil fédéral, qui octroie alors un mandat direct à l’ingénieur cantonal genevois Leopold Stanislaus Blotnitcki et à Felix Wilhelm Kubly, architecte de Saint-Gall. 

La publication de la SHAS, qui s’ouvre sur une riche introduction historique, est bien documentée et donne un aperçu intéressant de ce patrimoine hors norme. On peut toutefois regretter que la question de la réhabilitation ne soit que brièvement évoquée, alors même que la réforme Armée XXI, adoptée par le peuple en 2003 avec 76% des suffrages, prévoit la réduction des effectifs et le changement d’affectation de nombreuses casernes.


Notes

1. Documentation sur l’inventaire des constructions militaires en suisse (HOBIM) 

2. La Société d’histoire de l’art en Suisse (SHAS) est une société privée d’utilité publique fondée en 1880 dont l’objectif est de garantir l’avenir du patrimoine culturel national. Elle édite notamment depuis les années 1950 la revue Art + Architecture en Suisse et, depuis 2012, le guide numérique consacré à l’architecture Swiss art to go.


Réhabilitation de places d’armes

Genève: Les premières installations militaires de Genève furent érigées par John Camoletti, auteur du Victoria Hall, de 1875 à 1877 à Plainpalais. Elles comprenaient un arsenal, une caserne et un manège avec écuries. En 1958, l’installation qui lui succéda, la caserne des Vernets, fut inaugurée. A son tour, la caserne des Vernets devrait céder sa place. Le périmètre de cinq hectares – première pierre du PAV, qui s’étend, lui, sur 230 hectares – doit en effet accueillir 1500 logements, dont 600 logements sociaux, autant d’habitations à loyer libre et 300 logements pour étudiants. Le nouveau visage de la caserne, développé par le bureau lausannois FHV et les Genevois d’ADR suite à un concours d’architecture en procédure ouverte à deux degrés, a été dévoilé au printemps de 2014. Le début du chantier est prévu dès l’horizon 2020 de manière coordonnée avec la délocalisation de l’armée. Le Canton de Genève doit mettre à disposition de l’armée d’autres terrains – à surfaces et infrastructures égales. Lors des prochaines votations, le 28 février 2016, la population genevoise devra dire si elle accepte la loi ouvrant un crédit d’ouvrage de 20 millions de francs pour la reconstruction d’un bâtiment de stationnement de troupe sur le site de Meyrin-Mategnin contribuant à la libération du site des Vernets.

Sion: Suite à la réforme Armée XXI, l’affectation des deux arsenaux (l’un cantonal, l’autre fédéral) a été modifiée. Ils ont été mis à la disposition de la Médiathèque Valais, de la direction du Service de la culture et de la Bibliothèque cantonale en 2000, après le départ des militaires. A terme, ce centre pour la culture accueillera aussi les Archives de l’Etat du Valais et d’autres bibliothèques. La réhabilitation de l’arsenal cantonal, construit en 1895 par l’élève de Gottfried Semper Joseph de Kalbermatten, s’est achevée à l’été 2014. La rénovation du second arsenal, datant de 1917, et la construction d’un bâtiment de liaison tout en plis entre les deux édifices existants – menées également par le bureau Meier & Associés – devraient être terminées ce printemps.

Casernes et places d’armes de Suisse

David Külling, Siegfried Moeri et Philippe Müller
Collection Pages blanches, tome 5 (SHAS), 2015 / Fr. 80.–

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