Chambres et as­so­cia­tions

Les associations professionnelles en Allemagne

En Allemagne, le titre d’architecte est une désignation professionnelle protégée?; seuls peuvent s’en prévaloir les membres agréés par les Chambres des architectes (Architektenkammern) rattachées aux Länder fédéraux. Celles-ci élaborent les règlements concernant les honoraires et défendent les intérêts des architectes sur le plan politique. En tant qu’association faîtière nationale, le Bund Deutscher Architekten (BDA) se consacre quant à lui à promouvoir la qualité architecturale et bâtie. Il en diffuse publiquement les valeurs lors d’expositions et par l’attribution de distinctions.

Date de publication
27-04-2012
Revision
19-08-2015

Au cours des deux dernières décennies, être architecte est devenu tout sauf une sinécure en Allemagne. Les jeunes professionnels connaissent un taux de chômage élevé alors que pour les actifs, les rémunérations sont généralement basses en dépit d’une charge de travail importante : avec un système de concours européanisé et l’introduction des procédures VOF pour la passation de marchés, l’objectif de fonder un jour son propre bureau n’est dès lors envisageable qu’avec une bonne part de chance ou une ascendance familiale qui permet d’assurer ses arrières. Parallèlement, la confiance collective en l’aptitude de la branche à créer des espaces de vie offrant un agrément pérenne semble se réduire toujours davantage – entraînant avec elle la disposition à investir un peu plus pour obtenir un surplus de qualité architecturale et urbanistique. Quand on voit, d’une part, les innombrables projets de reconstruction des physionomies urbaines d’avant-guerre et, de l’autre, les chantiers quotidiennement lancés sans architectes en banlieue et en milieu périurbain, on réalise que la culture bâtie est en déliquescence dans ce pays. En témoigne aussi le fait qu’il y a dix ans, il a fallu créer une Bundesstiftung für Baukultur, soit une fondation nationale pour la culture bâtie, sous peine de disparition pure et simple de cette notion. Les organisations et représentants des architectes allemands ont donc du pain sur la planche.

Représentantes légales de la profession: les Architektenkammern

En tant que république fédérale composée de 16 Länder, la structure politique de l’Allemagne implique plusieurs niveaux étatiques et législatifs. Ainsi, les tâches de police, la formation et la culture relèvent notamment des Länder, au même titre que l’élaboration des lois concernant la construction et les architectes. Et comme la représentation officielle de ces derniers incombe à leurs chambres professionnelles, le nombre des Architektenkammern correspond à celui des Länder, où elles agissent à titre de corporations de droit public. En Allemagne de l’Ouest, leur implantation a débuté pour se poursuivre à la fin des années 1950 et jusqu’aux années 1980, avec la fondation de la Chambre de Berlin-Ouest, puis s’achève avec l’adjonction de celles constituées dans les cinq nouveaux Länder de l’Est au début des années 1990. 

Les chambres professionnelles ont pour mission de promouvoir la culture architecturale et bâtie, de favoriser l’aménagement territorial et le développement urbain et de représenter les intérêts de leurs membres. Concrètement, cela revient à peaufiner sans cesse le règlement sur les honoraires des architectes et des ingénieurs (Honorarordnung für Architekten und Ingenieure, HOAI), qui représente une importante garantie de reconnaissance professionnelle assortie d’une rémunération relativement acceptable des prestations, mais dont les dispositions sont régulièrement remises en question par les pouvoirs publics. A un règlement basé sur la mise en concurrence de prestations d’étude, s’oppose en effet l’attitude largement partagée en Allemagne consistant à privilégier des économies immédiates au détriment d’options à long terme : une attention particulière est donc requise pour défendre ce principe fondamental contre une pure mise en concurrence du prix – selon une procédure déjà couramment appliquée aux travaux de construction. En matière de sensibilisation du public au savoir-faire offert par les architectes, on peut notamment citer la journée nationale de l’architecture, qui est organisée par les chambres des différents Länder et qui de ce fait révèle des acceptions plutôt diversifiées de ce qu’on entend par «prestations d’architecture».
Cela étant, le sort des architectes est également influencé par des décisions et des développements déterminés au-delà du petit état allemand typique. A l’échelon de la République fédérale, les chambres des Länder se sont donc réunies au sein de la Bundesarchitektenkammer (BAK), association faîtière officielle chargée de défendre les intérêts de la branche sur les plans national et international. Et comme nombre de dispositions touchant la politique professionnelle sont préparées par le ministère fédéral responsable des transports, de la construction et de l’urbanisme (Bundesministerium für Verkehr, Bau und Stadtentwicklung, BMVBS) puis entérinées par le gouvernement fédéral, la BAK a son siège à Berlin. Alliée au BMVBS, elle décerne tous les deux ans le Prix allemand d’architecture pour illustrer les mérites du concours axé sur des prestations. Mais c’est surtout en 2010 que la chambre faîtière s’est signalée à l’attention d’un public élargi: son président d’alors, l’architecte-paysagiste Arno Sighart Schmid, a surpris l’opinion en proposant de remplacer le pavillon allemand de la Biennale de Venise par un «bâtiment moderne», au motif que celui transformé en 1938 – selon les canons vaguement classiques prisés pour les édifices à vocation représentative de cette époque – ne correspondait plus à l’esprit démocratique de la nation actuelle. Quelques semaines plus tard, Sigurd Trommer, ex-architecte en chef de l’ancienne capitale fédérale Bonn, prenait la succession de Schmid.
L’effectif total des architectes enregistrés auprès des chambres était de 126 000 en 2011. En Allemagne, le titre d’architecte est une désignation professionnelle protégée : seuls les membres accrédités par la Chambre de leur Land peuvent se prévaloir des appellations «architecte», «architecte d’intérieur», «architecte paysagiste» ou encore «urbaniste». La qualité de membre est réservée aux diplômés universitaires ou issus d’une haute école spécialisée agréée, qui peuvent en outre justifier de deux ans de pratique après l’obtention de leur diplôme, respectivement de leur bachelor ou de leur master. Le candidat ou la candidate doit par ailleurs être en mesure d’acquitter une cotisation annuelle de 330 euros pour les indépendants ou de 220 euros pour les employés ou les fonctionnaires. L’abonnement au Deutsches Architektenblatt, l’organe édité par les chambres, est compris dans ce montant.

Gardien de l’honneur corporatif: le Bund Deutscher Architekten BDA

Le BDA est l’organisation de branche la plus réputée pour les professionnels de l’architecture en Allemagne. En 2011, elle a fêté son 108?e anniversaire, sa fondation par des architectes indépendants, à Francfort-sur-le-Main, remontant à 1903. Comme le rappelle le site Internet de la Société fédérale (www.bda-bund.de), leur objectif était de mettre davantage en valeur la mission et la substance de l’architecture, afin de contrer l’appauvrissement qualitatif de l’environnement bâti. Dans les premières décennies, il s’agissait avant tout d’obtenir la protection du titre d’architecte, de fonder des chambres professionnelles (ce qui ne se fera qu’à partir de la fin des années 1950) et d’élaborer des dispositifs contractuels et des barèmes d’honoraires pour les prestations architecturales. Les priorités d’aujourd’hui englobent les exigences qualitatives appliquées à la formation, la promotion du concours, ainsi que celle du débat public sur l’architecture et l’urbanisme par l’organisation de tables rondes et l’attribution de distinctions (Grand Prix Nike, Grand Prix du BDA, Prix BDA de la critique architecturale, prix d’architecture pour les toitures et façades métalliques, distinction d’ouvrages de qualité). Avec la revue «der architekt», placée sous la responsabilité redactionelle d’Andreas Denk, le BDA dispose d’un organe de presse de haut niveau, ainsi que d’un forum au centre de Berlin incarné par le Deutsches Architekturzentrum (DAZ). La direction de ce dernier a récemment été reprise par Matthias Böttger, qui s’est assuré une audience générale dans le cadre de «Updating Germany», la contribution allemande à la 11e Biennale d’architecture de Venise en 2008. 

La recherche de qualité qui anime le BDA est une raison essentielle de la renommée dont jouit l’organisation. Une exigence qui se traduit également dans ses strictes conditions d’affiliation : on ne devient pas sans autre membre du BDA, mais on y est invité par l’association du Land concerné, pour autant que l’on justifie non seulement d’une production de qualité, mais que l’on fasse aussi preuve d’une déontologie irréprochable. Ainsi, le jeune architecte prometteur qui verrait l’un de ses projets réalisés couronné d’un prix destiné à la relève professionnelle ne pourra guère compter sur une nomination, s’il s’avère par ailleurs qu’il a passé sous silence la contribution essentielle d’un partenaire au projet dont il s’est séparé en termes conflictuels. Constitué de 16 sociétés implantées comme les chambres dans chacun des Länder, le BDA rassemble tout de même 5 000 membres qui satisfont à ses critères d’excellence et qui sont disposés à verser une cotisation de 700 euros par an – un montant certes élevé, mais qui semble approprié dans la mesure où les prestations d’étude fournies par les professionnels élus génèrent un euro sur trois investis dans le bâtiment, selon les chiffres communiqués par l’association. Son président, l’architecte de Friedberg Michael Frielinghaus, s’est adressé à l’opinion publique en 2009 dans un manifeste intitulé «Vernunft für die Welt», qui plaide pour une réconciliation entre architecture, planification urbaine et enjeux climatiques.

Synonyme de large ouverture : le Bund Deutscher Baumeister, Architekten und Ingenieure BDB

Si l’on doit s’enregistrer auprès d’une chambre professionnelle pour porter le titre d’architecte et que l’on sera éventuellement coopté par le BDA en attirant l’attention par une réussite particulière et en cultivant les bons contacts, on peut en revanche adhérer sans autre restriction au Bund Deutscher Baumeister, Architekten und Ingenieure (BDB). L’organisation n’est pas réservée aux seuls praticiens architectes, mais a pour vocation de rassembler tous les intervenants concernés par la construction, soit aussi les ingénieurs et les entrepreneurs, afin de renforcer le souci de la qualité bâtie à tous les niveaux. Le terme «Baumeister» ( équivalent au maître d'oeuvre français) souligne l’orientation pratique de ceux qui se désignaient ainsi dans la première moitié du 20?e siècle, dans le sens où ils concevaient moins leurs ouvrages à partir d’une analyse formalisée que sur la base d’un savoir-faire constructif d’obédience artisanale. Pour la plupart sans formation académique, ces architectes apprenaient le métier dans une école de bâtisseurs ou y venaient effectivement par le biais d’un artisanat. La majorité d’entre eux se défiait de toute innovation impliquant l’abandon des solutions éprouvées pour développer des typologies et des modes de construction inédits. Le vocable de «Baumeister» n’est actuellement plus en usage comme appellation professionnelle et le titre n’a plus été décerné depuis 1981. Sous la rubrique «Meistertitel», il n’en demeure pas moins protégé par le règlement de branche comme droit acquis des maîtres d’Etat qui le portent encore.
L’action et les centres d’intérêt du BDB se rapprochent aujourd’hui des engagements du BDA. L’affiliation au BDB est déjà possible en cours de formation, une offre à laquelle d’innombrables compagnes et compagnons de volée de l’auteur ont souscrit, ne serait-ce que pour recevoir la revue «db», alors dirigée par Winfried Dechau, moyennant une modeste cotisation – qui s’élève actuellement à 34 euros par an pour les étudiants et à 170 pour les architectes. L’organe de l’association est entre-temps devenu la «DBZ», qui paraît chez l’éditeur spécialisé Gütersloher Bauverlag et dont Burkhard Fröhlich est le rédacteur en chef. 
A l’instar des chambres professionnelles, le BDB est articulé en 16 sociétés implantées dans les Länder, englobant un total de 220 groupes d’arrondissement qui desservent quelque 20 000 membres. Son bureau fédéral est à Berlin-Steglitz et Hans-Georg Wagner préside le BDB depuis 1999, parallèlement à son élection au Bundestag de 1990 à 2005 et finalement à ses fonctions de secrétaire parlementaire au ministère fédéral de la défense.

Ulrich Brinkmann est rédacteur à la revue bauwelt,
Traduit de l’allemand par Maya Haus

 

Architektenkammern

 

Création de la Bundesarchitektenkammer 
Chambre fédérale des architectes) : 1969
Forme juridique : les 16 chambres des Länder sont des organismes de droit public réunis au sein de la Chambre fédérale.
Nombre d’adhérents : env. 123 900 répartis dans les 16 chambres des Länder
Objectif principal : représentation légale des architectes, élaborations des règlements d’honoraires, promotion de la culture architecturale et bâtie, de l’aménagement territorial et du développement urbain
Organes : assemblée des délégués du Land, direction du Land, comités, groupements de la chambre, bureau du Land, centrale d’approvisionnement
Conditions d’affiliation : diplôme d’une université ou d’une haute école spécialisée, plus deux ans de pratique
Publication officielle : «Deutsches Architektenblatt»
www.architektenkammern.net Bund Deutscher ArchitektenCréation : 1903
Forme juridique : associations enregistrées comme sociétés dans les Länder, qui sont membres de la Société fédérale, avec secrétariat central à Berlin
Nombre d’adhérents : env. 5 000
Objectif principal : promotion de la qualité architecturale et du débat public
Organes : assemblée des membres, direction, présidium, direction administrative centrale, comités
Conditions d’affiliation : par cooptation avec comme exigences une activité indépendante, des prestations de qualité supérieure, l’intégrité personnelle et l’affiliation à une chambre des architectes
Publication officielle : « der architekt »
Forum : Deutsches Architekturzentrum DAZ, www.daz.de
www.bda-bund.de Bund Deutscher Baumeister, Architekten und Ingenieure
Création : 1949 
Forme juridique : 16 sociétés dans les Länder avec 220 groupes d’arrondissement, bureau fédéral à Berlin
Nombre d’adhérents : env. 20 000
Objectif principal : promotion de la coopération entre architectes, ingénieurs civils et entrepreneurs pour la conception, la planification et la réalisation d’ouvrages ; renforcement de la qualité
Organes (niveau fédéral) : association faîtière, services d’expertise, service de formation, étudiants fédéraux
Conditions d’affiliation : étudiants immatriculés dans les filières d’architecture et d’ingénierie, architectes et ingénieurs impliqués dans la construction et diplômés d’une université, d’une haute école spécialisée ou d’un établissement supérieur comparable 
Publication officielle : « Deutsche Bauzeitschrift DBZ »
www.baumeister-online.de La reconstruction de la Frauenkirche à Dresde, la Berlin Hauptbahnhof et la reconstruction du Berliner Stadtschloss sont trois chantiers emblématiques de la réunification allemande. 
La Frauenkirche fut entièrement détruite, comme la majeure partie de la ville, lors du bombardement allié de Dresde le 13 février 1945. Sa reconstruction à l’identique débuta en 1994 et fut achevée en 2005. Toutes les pièces encore existantes, soigneusement répertoriées, ont été reprises. Noires, elles contrastes avec la blancheur des parties reconstituées.
La Berlin Hauptbahnhof est la plus grande gare d’Europe par sa taille. Construite d’après les plans de l’architecte Meinhard von Gerkan elle fut inaugurée le 26 mai 2006 après plus de onze années de travaux.
La gare permet le croisement au cœur de Berlin des axes ferroviaires nord-sud et est-ouest. Il place ainsi la capitale allemande au cœur d’une Europe réunifiée. Pour réaliser le croisement, la structure métallique a été construite verticalement avant d’être abaissée à la manière d’un pont-levis. Cette méthode de construction fut une première mondiale. 
Le Palais de la République fut le siège de la chambre du peuple – le parlement est-allemand – et un important lieu culturel. En 2002, le bundestag s’est prononcé pour sa destruction.
A sa place il est prévu de reconstruire le Berliner Stadtschloss, la résidence principale des Hohenzollern. Le château ayant été sérieusement endommagé au cours de la Seconde Guerre mondiale, Walter Ulbricht avait décidé en 1950 sa destruction complète et la construction du Palais de la République.
Après plus de dix ans de vives polémiques, le Palais de la République va finalement céder à son tour la place à une reconstruction du château de Berlin. L’ironie de ce chassé-croisé urbain est qu’aujourd’hui, la crise empêche le chantier de commencer. 
RED

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