Du cou­rant au fil de l'eau et dans le pay­sage

Entre le canal de Hagneck et le lac de Bienne, la nouvelle centrale hydroélectrique de Hagneck s’affirme autant par ses qualités techniques que par la finesse de son insertion architecturale et son attention aux enjeux environnementaux.

Date de publication
19-10-2017
Revision
24-10-2017

Une berge de lac sensible sur les plans écologique et paysager, d’anciennes installations hydroélectriques à protéger, des poissons en migration, des scarabées, des bateaux et des hommes, la protection contre les crues, la revalorisation écologique, les loisirs de proximité et du courant naturel: voici quelques-unes des contraintes que les ingénieurs ont brillamment pris en compte pour construire la centrale de Hagneck. 

Avec une roue de turbine d’un diamètre de 4,4 m pour produire de l’énergie, les deux nouveaux groupes bulbes reposent au fond de l’Aar pour exploiter la dénivellation maximale de 9,15 m entre le ­canal de Hagneck et le lac de Bienne. Aussi aménagée en position basse, une passerelle permet de franchir la nouvelle centrale hydroélectrique de Hagneck. Dotée d’un démarrage autonome et présentant quatre pertuis larges de 15 m, la centrale remplace l’ancien barrage nécessaire pour stabiliser le fond du canal et améliore notablement la sécurité en cas de crues grâce à sa plus grande
capacité d’écoulement et à son moindre risque d’obstruction du lit. 

Un ouvrage niché dans le paysage fluvial et alluvial 


La passerelle du barrage se situe environ 4 m en dessous des avant-becs des piles de barrage. La hauteur modérée de toute l’installation la fond discrètement dans la réserve naturelle du delta de l’Aar à Hagneck. Epousant les nuances de la molasse présente au niveau de la tranchée de Hagneck située en amont, le béton teinté du barrage favorise encore davantage l’intégration respectueuse de l’ouvrage dans le paysage. La passerelle ne relie pas seulement les quatre pertuis, mais elle assure aussi la traversée du canal de Hagneck aux passants et aux petits animaux ; une bande
de gravier a été spécialement créée à l’intention de ces derniers.

Passage pour les poissons et but d’excursion


La traversée de la nouvelle centrale hydroélectrique par les organismes aquatiques se révèle un peu plus compliquée. Aménagées sur une île entre l’ancienne centrale et la nouvelle, diverses rigoles de contournement, aux débits et aux vitesses d’écoulement variés, permettent le passage d’au moins 37 espèces de poissons existan­tes. Même l’ancienne centrale à canal de contournement aménagée dans une branche annexe du canal de Hagneck est franchissable par une rigole nouvellement établie. 

La renaturation de l’ancien canal souterrain de fuite libère de l’espace pour un nouveau paysage alluvial encouragé à se développer à l’avenir. La passe à poissons est aussi constituée de deux centrales de dotation – dont le débit agit en même temps comme courant d’attraction pour les échelles à poissons –, de deux dévalaisons piscicoles et d’un bassin à dispositif de comptage en vue d’une
surveillance ultérieure. 

Le vaste terrain de l’île constitue également un espace de loisirs. Il complète l’ancienne centrale servant maintenant de centre d’accueil pour les visiteurs et dans laquelle une seule turbine fonctionne encore. Seuls les conducteurs de bateau ne se rendent guère compte des mesures écologiques onéreuses, ayant représenté près de 10 % du coût de l’ouvrage, car ils traversent la nouvelle centrale à l’aide d’un ascenseur à bateaux installé sur la rive opposée du canal de Hagneck. 

Peter Seitz est rédacteur à TEC21.

 

 

Trois questions à Martin Valier

Monsieur Valier, expliquez-nous pourquoi il a fallu modifier le dispositif de fondation de la centrale en cours de chantier?
Le concept initial développé dans l’étude des FMB prévoyait l’introduction directe des charges des piles dans la molasse, avec des cannelures de cisaillement assurées par un verrou d’étanchéité transversal. Or, les travaux ayant mis au jour une zone affouillée, certes localisée mais étendue et très profonde, ce dispositif a dû être revu. Dans cette zone, le déversoir et les piles situées au-dessus ont ainsi été fondés dans la molasse au moyen de pieux forés de fort diamètre, tandis que le verrou d’étanchéité y était localement remplacé par un rideau de pieux recouverts. Le déversoir se comporte dès lors comme un voile enjambant l’affouillement, si bien que sur la rive gauche, les forces de cisaillement sont directement introduites dans la molasse, alors que sur la rive droite, elles passent par des cannelures le long de la centrale. 

Quelles sont les particularités du pont de barrage abaissé? 
Cela diminue le volume perçu côté lac, ce qui confère à l’ouvrage un aspect plus élancé. En même temps, la traversée du pont fait prendre conscience de la puissance de l’installation, puisque le regard y porte à peine plus haut que le niveau du canal de Hagneck. Côté berges, l’abaissement a en outre permis de réduire la hauteur des remblais de 5 m, tout en raccourcissant les rampes d’accès. Cela contribue non seulement à fondre l’ouvrage dans le paysage, mais facilite aussi le contrôle visuel des vannes à clapets, ainsi que les interventions au moyen d’une grue mobile ou d’un pont élévateur. 

Qu’est-ce qui vous a spécialement attiré dans ce projet? 
L’occasion unique de travailler sur une zone protégée, au bord d’un grand lac suisse, pour y implanter des installations techniques dont l’intégration paysagère favorise l’environnement et réjouit les visiteurs qui franchissent l’ouvrage.

Martin Valier, ingénieur civil HES/ETS, est membre du conseil d’administration de Penzel Valier. Avec Christian Penzel, il a remporté le concours portant sur la rénovation de la centrale hydroélectrique de Hagneck et a assuré la planification des aspects ayant trait au génie civil.

 

 

Intervenants

Maîtrise d’ouvrage: Bielersee Kraftwerke, Bienne
Planification générale: BKW Energie, Berne
Ingénierie: Penzel Valier, Coire ; CSD Ingenieure, Liebefeld
Architecture: Penzel Valier, Zurich
Architecture paysagère: Raymond Vogel Landschaften, Zurich
Suivi environnemental des travaux: Prona, Bienne
Coûts de construction: env. 150 mio fr.
Durée de construction: juillet 2011 – août 2015
Livraison: octobre 2015

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