Hommage à Vincent Mangeat (1941-2025)
Vincent Mangeat nous a quittés le 11 mars dernier. Bruno Marchand revient sur la pratique, les influences et l’enseignement d’un architecte qui a marqué de son empreinte le paysage architectural romand.
Un architecte et enseignant d’un grand charisme: c’est la première image qui me vient à l’esprit en pensant à Vincent Mangeat, qui nous a quittés récemment à l’aube de ses 84 ans. C’est sans doute aussi le souvenir qu’en gardent les générations d’étudiants de l’EPFZ et de l’EPFL, à qui il a su transmettre sa passion pour l’architecture tout en restant à l’écoute, guidant chacun dans sa propre voie. Les réponses qu’il apportait aux interrogations de ses étudiants préfiguraient souvent celles qu’il donnerait lui-même à son propre travail.
Son travail, Vincent Mangeat l’envisage comme une «pensée pétrifiée»: il maîtrise l’art des formules percutantes, cette rhétorique concise qui joue – et parfois se joue – du paradoxe et des oppositions apparentes. Il fait aussi partie des architectes pour qui la réflexion architecturale et la notion de concept sont essentielles. Dans la lignée d’Étienne-Louis Boullée et de Louis Kahn, il cherche à revenir aux fondements mêmes de la discipline, ancrant ainsi son travail dans une quête de sens et de rigueur intellectuelle.
Dans la lignée d’Étienne-Louis Boullée et de Louis Kahn, il cherche à revenir aux fondements mêmes de la discipline.
Parallèlement, il a toujours affirmé sa conviction que l’architecture doit façonner la ville et le territoire, que chaque geste individuel s’inscrit dans une action collective. Et si le paysage chaotique et hétérogène de la banlieue de nombreuses villes peut insidieusement nous faire douter de la véracité d’une telle affirmation, il faut convenir que cette vision était partagée par plusieurs architectes de cette génération.
Cette double approche, à la fois conceptuelle et territoriale, traverse l’ensemble de son œuvre. On la retrouve au gymnase de Nyon (1984-1988), où il manie des formes élémentaires, agencées dans une monumentalité symétrique qui évoque l’influence de l’architecture tessinoise de l’époque ; elle se prolonge dans l’école professionnelle du Jura (1991-1998) et l’école enfantine et primaire de Nyon, aux touches corbuséennes (1995-1999) et, enfin, dans la Maison de l’Écriture (2010-2014) à Montricher, réalisée avec Pierre Wahlen.
Il a toujours affirmé sa conviction que l’architecture doit façonner la ville et le territoire, que chaque geste individuel s’inscrit dans une action collective.
Une autre influence marquante, quoique moins souvent mise en avant, est celle de l’œuvre de Jean Prouvé et de son enseignement à l'École des Arts et Métiers. Vincent Mangeat, qui suit ses cours à Paris après son diplôme d’architecte obtenu à l’EPFL en 1969, en retiendra une approche constructive rigoureuse et une attention particulière aux procédés industriels. Cette empreinte se manifeste avec force dans le bâtiment pour le personnel de Swisscontrol (1991-1992), conçu comme un assemblage de modules préfabriqués, adaptés aux conditions extrêmes du sommet de la Dôle.
L’exploitation des ressources techniques du métal dans la construction se retrouve également dans la villa Ritz à Monthey (1990-1991) ainsi que dans une série de maisons individuelles qui se distinguent par des plans orthogonaux et allongés, où des espaces fluides et transparents s’articulent autour de structures modulaires et ponctuelles. Parmi ces réalisations, la maison Belfiore (1998-2000) à Givrins et la maison Sebti (2001-2003) à Crans-près-Céligny illustrent particulièrement cette approche, alliant précision constructive et légèreté architecturale.
Jurassien d’origine, Vincent Mangeat a marqué de son empreinte le paysage architectural romand à travers plusieurs ouvrages emblématiques. Tout au long de sa carrière, tant académique que professionnelle, il a porté sur le monde, la vie et les choses un regard d’architecte, empreint de curiosité. Une curiosité qui l’animait non seulement pour l’architecture, mais aussi pour l’art et la culture dans leur ensemble.
Petites sélection de nos archives
Ceci n'est pas un pond, par Vincent Mangeat, IAS, 1998
Un concours, des enjeux: une salle de spectacle à Fribourg, par Vincent Mangeat, TRACÉS 2002
Architecture locale et ou territoriale, par Vincent Mangeat, TRACÉS 2003
Réaliser une canopée, TRACÉS, 2012
Logos & Faber. Pierre Frey fait l’éloge du livre de Vincent Mangeat, TRACÉS, 2015
La cabane Vincent Mangeat et Pierre Wahlen, espazium.ch, 2017
L'ESAR à dix ans, entretien avec Vincent Mangeat et Jean-Gilles Decosterd, TRACÉS, 2018
Résidences suspendues, TRACÉS 2017