Jürg Conzett, bienvenue au Théâtre de l’Architecture
Exposition sur Conzett à l’Accademia
À l’occasion de l’exposition Landscape and Structures, présentée en ce moment à l’Accademia di architettura de Mendrisio, l’ingénieur Andrea Pedrazzini prend la plume pour rendre un hommage révérencieux au maître-ingénieur grison. Nous traduisons ici son texte très personnel.
«Je n’ai jamais rencontré Jürg Conzett en personne. Je ne sais même pas s’il sait qui je suis. Pourtant, au début de ma carrière, au travers de ses projets, il a certainement été l’une des personnalités qui m’a le plus influencé. Il m’a fait rêver.
J’ai connu son travail en lisant dans les premiers numéros de la revue Structural Engineering International (SEI, vol. 7, n° 2) de l’International Association for Bridge and Structural Engineering (IABSE) des articles sur les passerelles de Saransuns et Traversina. Lors de mes premières années de pratique professionnelle, j’ai eu la chance de rencontrer Aurelio Muttoni à l’Accademia de Mendrisio. J’avais alors quitté mes années de formation à l’École polytechnique fédérale de Zurich avec peu de connaissances sur l’histoire de la construction, mais avec un grand désir de concevoir des ponts et des passerelles. À Mendrisio, Muttoni m’a ouvert de nouveaux horizons avec une leçon magistrale qu’il a préparée pour le premier cours de structures de la nouvelle école. Ce fut une expérience fondamentale pour moi. J’ai donc rencontré Conzett, et à travers lui, le travail de grands ingénieurs tels que Nervi, Zorzi, Morandi, Maillart, Sarrasin, Suchov, Kommendant, Eiffel, Ove Arup, Schlaich, Candela, Dieste, Freyssinet, Rice ainsi que de grands architectes tels que Vacchini, Piano, Le Corbusier, Kahn, Foster, Wright, Mies, Prouvé. Ces années de formation furent très intenses ; j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux collègues architectes avec lesquels j’allais plus tard travailler.
Je suis très impressionné par la polyvalence de Jürg Conzett. Dans tous les ouvrages où la structure est en jeu, elle devient la colonne vertébrale du projet, qu’il s’agisse de ponts ou de passerelles, pour lesquelles le rôle de la structure est évidemment central, ou de bâtiments réalisés en collaboration avec différents architectes, d’abord dans les Grisons, puis dans l’ensemble du pays. Peu importe les matériaux utilisés – béton, bois ou acier – Conzett apporte toujours une contribution décisive au projet.
Je suis fasciné par sa connaissance de l’histoire de la construction et sa capacité à s’inspirer du travail des maîtres pour développer des projets nouveaux et inattendus. J’admire la force de caractère de ses créations.
Le «pèlerinage» que Conzett a entrepris en 2010 avec le photographe Martin Linsi en Suisse pour documenter les ouvrages de génie civil dans leur contexte paysager et urbain est au cœur de l’exposition en cours au Théâtre de l’Architecture. La photographie met en avant de véritables joyaux de l’architecture infrastructurelle créée entre la fin du 18e siècle et aujourd’hui. Le choix des œuvres est subjectif ; elles revêtent toutes une importance particulière dans la formation professionnelle de Conzett. En tant que telles, elles ne prétendent pas à l’exhaustivité du panorama des infrastructures suisses. Outre la beauté intrinsèque de la structure de l’édifice dans son ensemble, l’importance est accordée à la relation que ces infrastructures établissent avec le paysage naturel ou urbain. À chaque fois, pour chaque œuvre choisie, une image illustre un détail particulier ; une pierre disposée d’une certaine façon, un support, une connexion au sol, un parapet, une bordure, une jonction entre deux éléments en bois. Un détail, en bref, qui caractérise techniquement l’artefact et l’insère dans un moment historique précis de l’art de la construction.
Ce sont là des aspects fondamentaux pour ceux qui, comme moi et nombre de mes collègues, se soucient de la qualité de la construction. La recherche de la qualité dans la construction a toujours été et sera toujours un devoir pour tous les concepteurs parce qu’ils définissent, au sein du territoire, l’espace vital pour l’homme. L’attention au territoire ou au contexte urbain dans lesquels se situent les projets et le respect de l’histoire de la construction doivent toujours être au centre de la pensée de ceux qui conçoivent. Pour ce faire, une approche sérieuse et précise ainsi qu’une sensibilité inspirée par les travaux de ceux qui nous ont précédés et de ceux qui s’intéressent aujourd’hui à ces mêmes idéaux sont nécessaires.
C’est précisément ce dont parlent Jürg Conzett, Martin Linsi et Lydia Conzett-Gehring dans l’exposition Landscape and Structures.
Je considère cette documentation comme un cadeau généreux pour tous ceux qui aiment notre profession, ainsi qu’un outil de travail utile. Il s’agit là d’un témoignage sur un art de haut niveau, un avertissement à la protection et à la mise en valeur de notre paysage et de notre territoire.
L’exposition s’enrichit d’une vingtaine de maquettes en bois de passerelles et de détails de construction réalisés par Lydia Conzett-Gehring et de quelques vidéos issues du court métrage de Christoph Schaub Jürg Conzett – Die Kunst der Begründung dans lequel Conzett raconte son approche du projet. Ainsi, Landscape and Structures convient à un large public, et pas seulement aux professionnels.
Mais, en plus de l’exposition ouverte au public, Jürg Conzett sera à Mendrisio pendant une année entière pour apporter lui-même sa passion pour le métier en organisant un cours pour les étudiants de l’Accademia. Un privilège pour eux et un plaisir pour nous de l’accueillir à Mendrisio.
Bienvenue, Jürg!»
Informations
Landscape and Structures
Jusqu'au 7 juillet 2019
Mercredi / Vendredi / Samedi / Dimanche : 12h00-18h00
Jeudi : 14.00-20.00
Théâtre de l'architecture
Via Turconi 25
6850 Mendrisio
Andrea Pedrazzini, ing. civil dipl. ethz/sia/otia est associé du bureau ingegneri pedrazzini guidotti.
Texte original à paraître dans Archi no 3/2019