«La planification sous l'angle du droit de la construction requiert de nouveaux instruments»
Valorisation du site de la Neugasse Zurich, projet participatif
Tina Cieslik: Madame Zeleny, sur quels critères les CFF se basent-ils pour le choix de la procédure à mettre en œuvre pour la valorisation d’un site? La procédure participative déployée pour le développement du quartier de la Neugasse était en effet une première.
Barbara Zeleny: C’est toujours une interaction entre l’analyse de l’environnement, le contexte politique et les objectifs pour le site. Les projets sont-ils en accord avec l’évolution de la société? La procédure doit être adaptée en conséquence. Pour certains sites comme celui de Wolf à Bâle, les CFF sont toujours en phase de conception de la stratégie. Une procédure comme pour Neugasse, qui a déjà atteint un stade de définition très avancé, n’aurait aucun sens là-bas. Pour chaque site, il est donc important de définir très précisément ce que l’on veut faire et comment on peut procéder.
La première phase visible pour le public avec les ateliers est maintenant terminée. Quelles seront les étapes suivantes?
Avec les responsables de la municipalité, nous nous apprêtons à transposer dans un document directeur le concept d’urbanisme tel qu’il a émergé des ateliers. Il s’agit en l’occurrence d’une spécificité locale. Ce document sert en effet à fixer à un niveau communal des valeurs de référence pour le réaménagement du site. Il s’agit donc d’une caractérisation plus précise des contraintes générales, en amont de l’élaboration du plan d’aménagement qui sera légalement contraignant. Cela correspond en quelque sorte à la synthèse qui suit une planification test. Si l’on considère que nous n’avons pas plusieurs projets, sachant aussi que nous avons besoin, dans le concept d’urbanisme actuel, de retours d’information spécifiques dans des sous-domaines, il ne s’agit pas d’une modification des bases, mais plutôt d’une caractérisation plus fine. Prenons l’exemple de l’école : le concept prévoit de l’héberger dans le Dépôt G datant de 1925 – 1927 avec une nouvelle construction attenante.
Une étude de faisabilité préalable est ici nécessaire pour établir si cet usage est possible à cet emplacement. Mais la participation va plus loin. Au cours de l’étape suivante, des ateliers auront lieu sur des affectations concrètes comme des commerces. Les conclusions de ces travaux pourront être injectées directement dans le programme du concours pour les différentes parcelles constructibles.
Quels sont les défis inhérents à un tel processus dans le contexte de la planification sous l’angle du droit de la construction?
Le plus gros défi consiste maintenant à ancrer les résultats du processus participatif au plan du droit de la construction, afin qu’ils soient nécessairement intégrés dans les phases suivantes du développement du site. Il s’agit ici d’éléments «mous», de descriptions textuelles, voire même d’approches philosophiques – des histoires qui racontent ce que l’espace urbain doit apporter, et non pas une hauteur de gouttière concrète ou une largeur de chaussée. Le droit de la construction ne délivre ici aucun instrument à l’heure actuelle. Ce questionnement arrive explicitement au premier plan dans le processus de la Neugasse. Comment garantir des besoins essentiels qui ne s’inscrivent pas dans l’aménagement moderniste du territoire ? Plus les processus de valorisation d’un site se transformeront en profondeur, plus il nous faudra trouver des mécanismes et des instruments de la planification sous l’angle du droit de la construction, qui soient adaptés à cette évolution.
Vous évoquez des descriptions textuelles et des approches philosophiques. Parmi les idées émanant du processus participatif, quelles sont celles effectivement reprises? Et comment?
Nous avons mis en place la bibliothèque d’idées, pour laquelle nous avons «photographié» de façon très minutieuse et décrit verbalement certaines situations et approches théoriques. Cette collection doit fournir un socle pour les concours d’architecture. Dans le programme de la Neugasse ont émané sept situations à l’heure actuelle. Chacune d’elles donnera lieu à une procédure de concours spécifique. Mon idée serait de commencer en même temps avec les sept situations et d’inclure ensuite une phase de consolidation horizontale qui les engloberait toutes: à un stade donné, tous les projets seraient fixés et réunis dans une maquette directrice numérique. Il s’agirait d’examiner dans le même temps si et comment ils fonctionnent ensemble. Cette paramétrisation permettrait de tester assez rapidement des remaniements. Nous avons maintenant des situations de superposition – c’est justement un point important qui doit être négocié avec la municipalité dans le document directeur. Il y a des espaces routiers qui débordent sur la parcelle constructible voisine, voire même des parcelles constructibles qui se chevauchent au-delà de la route. Il ne s’agit pas de définir en amont un espace routier qui livrerait une information figée sur la parcelle constructible, mais plutôt de définir l’espace public à travers la parcelle constructible. Des parcelles A et B se recouvrent partiellement, la zone d’intersection est l’espace de négociation des deux. Cette friction est nécessaire dans une ville pour que les rues redeviennent des espaces vivants et qu’elles ne soient pas de simples zones technocratiques aux dimensions imposées.
Les travaux devraient démarrer en 2022 au plus tôt. Les besoins évoluent, tout comme l’environnement politique. Les idées de 2017 seront-elles toujours d’actualité?
En matière d’urbanisme, on est toujours amené à fixer par anticipation des choses sur lesquelles l’on ne pourra revenir que difficilement par la suite. C’est la raison pour laquelle il me semble important de s’interroger sur la nécessité d’imposer des dispositifs de sécurité aussi immuables au plan du droit de la construction. À moins que l’on ne puisse instaurer progressivement une certaine marge de manœuvre pour l’adaptation de dispositions contraignantes ? J’ai la certitude que nous y parviendrons dans le cadre de ce projet.
Barbara Zeleny travaille chez CFF Immobilier depuis 2015 et gère les projets de développement du site CFF de Zurich ouest. L’architecte, qui a étudié à l’Université de Harvard, a de nombreuses années d’expérience professionnelle dans un environnement international. Elle s’intéresse aux nouvelles approches des processus de développement et cherche toujours une nouvelle compréhension de l’urbanité.
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