L’artothèque de Mons: le vide et le plein
Des cinq projets présentés dans l’exposition entrer, l’artothèque de la ville de Mons est celui qui témoigne incontestablement de la grande audace dont font preuve les autorités wallonnes dans les projets qu’elles entreprennent.
L’artothèque de la ville de Mons, capitale européenne de la culture en 2015, réalisée par l’Atelier Gigogne et l’Escault, fait partie de ces projets qui questionnent la préservation de l’ancien. Si la reconversion semble dans un premier temps peu attentive à la dimension patrimoniale de l’édifice, l’insertion d’un volume massif et compact à l’intérieur d’une %%gallerylink:20253:chapelle évidée%% produit un contraste témoignant d’une approche critique et dialectique, capable de restituer quelque chose de l’ancien.
Nous serions dans ce cas de figure où, comme à la basilique Sainte-Sophie à Istanbul, un ajout sacrilège donne son sens définitif à l’édifice : un état dans lequel coexistent l’ancienne et la nouvelle fonction.
L’édifice du 19e siècle, relique d’une époque où la religion structurait la vie sociale et politique, n’en est pas à sa première reconfiguration. Endommagé pendant la Seconde Guerre mondiale, transformé en lieu de stockage par l’adjonction de planchers en béton encastrés dans les parois anciennes, la chapelle avait donc déjà subi une reconversion lourde. Les traces de cette prothèse en béton sont toujours visibles. Ce premier saccage semble déterminer la dernière rénovation, dans ce qu’elle ose entreprendre.
Elle témoigne d’un fonctionnalisme radical qui n’hésite pas à traiter un monument comme une simple enveloppe supposée contenir un meuble de rangement. A la différence de la première reconversion, celle qui la transforme en artothèque parvient toutefois à rétablir une dimension sacrée.
Lieu de stockage plutôt que de monstration, l’artothèque est une réserve municipale d’œuvres disponibles pour les différentes institutions culturelles. Il s’agit donc là d’un équipement dont la majeure partie n’est pas vouée à recevoir du public.
Si l’insertion du volume massif témoigne d’une volonté d’optimisation de l’espace semblable à celle du vulgaire lieu de stockage qu’elle était devenue, la mise en scène de la confrontation entre l’ajout et l’enveloppe permet à l’ensemble d’accéder à une certaine théâtralité.
L’escalier qui permet d’accéder au premier niveau et la faille qu’il donne à voir ont tous les attributs d’une certaine architecture moderne de la transcendance et de l’élévation. Pris en étau entre la cloison structurée de l’ajout et celle accidentée de l’ancienne paroi, l’escalier est une incitation à prolonger l’ascension du regard et à prendre acte du rapport de force entre l’ancien et le nouveau.
L’escalier en colimaçon qui permet d’accéder au dernier niveau complète cette mise en scène de l’écart entre la paroi meurtrie et celle de la boîte métallique.
Ainsi, les architectes semblent capables de maintenir deux objectifs contradictoires : celui de l’efficacité et celui de l’expérience contemplative. Ils offrent à la ville un équipement de stockage digne de ce nom: opaque, aveugle et fonctionnel. Faisant cela, ils déclinent à leur façon l’attribut principal qui a qualifié pendant des siècles l’architecture religieuse: celui d’une expérience du sacré dans le fait d’éprouver l’élévation.
En cela, leur faille, tout en se tenant loin d’une attitude respectueuse et patrimoniale, parvient à restaurer un certain sens du sacré.
Entrer : CINQ ARCHITECTURES EN BELGIQUE
Du 4 au 14 octobre 2016
Vernissage de l’exposition: lundi 3 octobre, de 18:30-19:30. En présence d’Henri Monceau (délégué Wallonie-Bruxelles à Genève) et Antonio Hodgers (conseiller d’Etat chargé du DALE). Suivi d’une conversation entre Audrey Contesse (commissaire de l’exposition) et Christophe Catsaros (rédacteur en chef de Tracés).
Pavillon Sicli, Genève. www.ma-ge.ch