L’école de la Maladière
Chronique d’une dé/construction à Neuchâtel
Documenter la destruction d’un bâtiment pour en perpétuer le souvenir. C’est en substance l’objet du bel ouvrage L’école de la Maladière. Chronique d’une dé/construction. Mais, davantage encore que de conserver la trace de ce petit édifice scolaire neuchâtelois qui aurait fêté en 2014 ses cent ans, le travail colossal mené par l’historienne de l’art Nadja Maillard et le photographe Yves André, synthétisé en quelque 150 pages, permet aussi de montrer, étape par étape, le processus de construction de cette école aujourd’hui disparue pour laisser place au vaisseau Microcity. Pour des questions de recyclage ou de réutilisation des matériaux de construction de l’école, le bâtiment a en effet été démoli couche après couche, comme s’il accomplissait sa mue, jusqu’à disparition complète.
L’auteure replace la construction et la destruction de l’école de la Maladière dans leur contexte. Dans la première partie de l’ouvrage, elle raconte l’histoire du quartier neuchâtelois, presque libre de constructions au 19e siècle encore. Les lithographies et photographies anciennes (en noir/blanc) et actuelles (en couleur) complètent les textes. Les légendes qui accompagnent les images, abondantes et grouillant d’informations, apportent un autre niveau de lecture au récit. Cette partie, contextuelle et chronologique, s’achève avec la construction du bâtiment Microcity, première antenne de l’EPFL, dont la première pierre a été posée en 2011 et qui a été inauguré trois ans plus tard.
Najda Maillard rappelle par ailleurs l’histoire de Microcity, conçu par les architectes de Bauart. En 2007, les autorités cantonales et fédérales signent une déclaration d’intention commune pour développer la microtechnique dans le canton. Elle informe le lecteur que le sort de la petite école était de toute manière déjà scellé en 1990, car l’extension du Centre suisse d’électronique et de microtechnique exigeait sa démolition.
L’ouvrage se penche aussi sur le contexte scolaire de l’époque de la construction de l’école de la Maladière édifice Heimatstil archétypal du début du 20e siècle, empreint de qualités plastiques, avec notamment un gros travail effectué sur la pierre , durant lequel les dogmes de l’hygiénisme prévalaient. On peut ici observer la reproduction d’une jolie aquarelle des architectes de l’école Chable et Bovet présentant leur avant-projet. Plus loin, on plonge dans les souvenirs d’anciens écoliers interrogés par l’auteure. Ces bribes de souvenirs sont accompagnés par d’anciennes photos de classe.
L’intérêt de l’ouvrage est qu’il montre l’aspect extérieur autant qu’intérieur de l’école, et qu’il se penche sur son histoire, en l’inscrivant dans un contexte global mais en s’arrêtant aussi sur des détails. On apprend par exemple la présence dans l’école, rare à Neuchâtel, de céramiques décoratives. Yves André les a photographiées, tout comme les salles de classe, des détails de maçonnerie, du sol, des peintures décoratives et du mobilier.
Le photographe a également réalisé, en fin d’ouvrage, un portfolio d’une quarantaine d’images couleur de format carré qui documente la destruction de l’école, de mai à décembre 2010. On voit d’abord les salles de classe, déjà vides mais renfermant encore quelques traces de passage : une veste d’enfant suspendue à un crochet, des gobelets avec brosses à dents, des dessins au feutre accrochés au mur. Puis les outils servant à la destruction prennent place sur les images. La parcelle vide. Et l’arrivée de Microcity. Yves André a aussi photographié la nouvelle école de la Maladière, réalisée un peu plus loin par l’architecte Andrea Bassi.
Si la lecture de L’école de la Maladière. Chronique d’une dé/construction s’avère parfois laborieuse beaucoup de dates, d’énumérations, d’extraits de documents administratifs , l’ouvrage a le mérite de s’attarder sur une problématique qui sera toujours d’actualité : la gestion du patrimoine bâti. Il documente la destruction d’un édifice à valeur patrimoniale, sans basculer dans la nostalgie ou la morale. Ce charmant bâtiment a certes été détruit, mais cela s’est fait par nécessité.
L’école de la Maladière. Chronique d’une dé/construction
Nadja Maillard et Yves André
Design graphique Yann Do
Editions Attinger, Hauterive, 2014 / 39 CHF