L’ex­ten­sion du do­maine ha­bi­table

En marge de l’excellente exposition Bauhaus #itsalldesign, Anne Lacaton a donné une conférence au Vitra Design Museum le 14 janvier dernier. Sans forcer le trait, les organisateurs avaient probablement pensé que le travail de Lacaton & Vassal serait ce qui incarne aujourd’hui le mieux l’esprit du Bauhaus: l’idéal d’une architecture vouée à l’amélioration des conditions de vie des classes défavorisées.

Date de publication
10-03-2016
Revision
11-03-2016

En France, les prolétaires d’aujourd’hui ne tra­vaillent plus à l’usine. Ils cumulent avec acharnement les jobs insignifiants, quand ils ne baissent pas les bras pour se satisfaire des aides sociales. La méthode Lacaton & Vassal semble proposer une sortie par le haut à cette nouvelle écologie urbaine des quartiers dépotoirs d’une main-d’œuvre qui ne trouve plus sa place dans l’économie numérique mondialisée. Tel est le contexte d’une opération de rénovation de grands ensembles, vouée à se généraliser.

Le concept Lacaton & Vassal, celui de construire du logement social deux fois plus grand que la moyenne, aurait trouvé une variante capable d’adresser la question de la rénovation du parc locatif social hérité des années 1960-1970. La généralisation de la méthode mise en œuvre pour la rénovation de la tour Bois-le-Prêtre, à Paris, semble fournir une solution idéale.

Cette architecture de barres et de tours dont personne ne veut, et dont les téléspectateurs applaudissent le dynamitage, trouve par cette démarche un nouveau souffle. L’idée est grandiose et simple à la fois.

Elle consiste à adjoindre à des structures dépourvues de balcon une structure autoporteuse venant augmenter de 30 % la surface habitable de chaque appartement. Une extension en métal ou en béton qui se greffe sur toute la paroi et transforme des cages à lapins en spacieux appartements inondés de lumière.

Une fois la prothèse posée, l’ancienne paroi ­extérieure, devenue une cloison intérieure, est partiellement retirée et remplacée par une baie vitrée. Le jardin d’hiver accolé à l’ancien appartement fusionne ainsi avec l’espace habité pour former un tout. La méthode Lacaton & Vassal est d’autant plus admirable que tout cela se fait sans que les occupants ne soient relogés. Tout au plus, ils quittent leur appartement pour vingt-quatre heures, le temps de créer les ouvertures et de poser les baies vitrées coulissantes qui séparent la partie chauffée de l’appartement de l’extension, elle non chauffée.

Le système Lacaton & Vassal n’est pas seulement un belle façon d’améliorer les conditions de vie des habitants de ces immeubles. Il est surtout une façon très efficace de réaliser la rénovation thermique d’appartements conçus à une époque où l’énergie était abondante. Au lieu d’une couche d’isolation, intérieure ou extérieure, les architectes conçoivent la partie ajoutée dans son ensemble comme un sas isolant. Les calculs sont probants.

La rapidité d’exécution et la qualité du résultat obtenu font le succès de cette démarche. Plusieurs villes, dont Bordeaux, sont engagées dans des rénovations de ce type.

Ayant transformé la rénovation énergétique en acte constructeur de premier ordre, Lacaton & Vassal se démarquent sur un dernier point. Dans un pays où le saucissonnage des macro-lots est devenu une règle, ils seraient aujourd’hui les seuls à pouvoir prétendre travailler à cette échelle : non plus des ensembles de 50 ou de 100 appartements, mais des lots de 1000 ou de 5000 unités. Au-delà de cet aspect factuel, leurs interventions semblent capables de transformer le paysage urbain des cités défavorisées. Elles apportent une plus-value inestimable, la qualité de vie, là où elle est le moins attendue.

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