Plai­doyer pour le con­cours

En ce mois de mars, la SIA Vaud vous invite à l’exposition «Le Concours Suisse» et aux quatre soirées dédiées à ce magnifique outil que l’on comparerait volontiers à un ouvrage d’art – barrage, digue, paratonnerre ou encore rempart – pour faire face à la menace que représentent d’autres formes de mise en concurrence sur nos marchés.

Date de publication
14-03-2022

La Suisse peut se targuer d’être l’un des rares pays à pratiquer encore le concours en architecture, en urbanisme et, parfois, en ingénierie. Elle est même pour cette raison une source d’inspiration pour ses voisins. Pourtant, force est de constater que ce bien culturel, qui fait ses preuves depuis plus de 140 ans est sans cesse remis en question face à l’évolution de notre société. Les reproches faits à cette institution sont les mêmes que l’on entend à l’encontre de la loi sur les marchés publics (LMP): trop compliqué, trop rigide, trop formaliste, trop lent, trop coûteux! Or les alternatives ne sont pas forcément plus enviables: jeux d’influence, offres au rabais, autopromotion et composent la compétition professionnelle bien réelle quand celle-ci n’est pas réglementée.

Cependant, descendant direct des marché publics, le concours semble intéresser depuis peu le secteur privé. Est-ce à dire que la contrainte (les marchés publics) empêcherait parfois certaines collectivités publiques de voir dans celui-ci un bien culturel, tandis que le secteur privé y trouverait quelques règles pour mieux orienter ses choix vers des investissements durables et de qualité?

Au sens des marchés publics, les règles garantissent transparence et égalité des chances aux concurrents. Pour autant qu’on les respecte, ces mêmes règles offrent en outre bien davantage aux maîtres d’ouvrage. Le concours crée un espace de liberté lorsqu’il est nourri d’un cadre clair. Il devient alors un lieu d’expérimentation et de recherche pour que le projet prenne forme. Il offre un champ de tensions entre environnement et économie, qui nécessite que soient reformulés sans cesse l’urbanisme et l’architecture. Que ce soit entre professionnel·les de diverses disciplines, entre collègues et avec la relève pendant l’élaboration du projet; entre membres du jury pendant les délibérations; entre usager·ères et maîtres d’ouvrage en amont du concours déjà, lors du choix du lieu et du programme; lorsque le projet choisi est soumis au regard critique de la société : les occasions d’en débattre sont nombreuses.

Le concours est un laboratoire d’idées. Il aboutit à de nombreuses propositions qui, toutes, contribuent au choix du meilleur projet. Le projet lauréat est à ce stade une somme considérable d’intentions à réaliser, tant au niveau de la qualité de sa réalisation, de ses coûts, des délais que de sa contribution à la qualité de vie de ses usager·ères et de son impact sur l’environnement. Il faudra compter sur l’engagement, la détermination et la confiance de l’ensemble des acteur·rices impliqué·es pour accompagner ce nouveau-né.

Convaincre les récalcitrants

Ne rêvons pas, les exemples de concours organisés par des maîtres d’ouvrage privés sont rares. Néanmoins, ils méritent que l’on s’y attarde, ne serait-ce que pour convaincre – et il le faut – caisses de pension, assurances et autres acteurs majeurs du secteur immobilier qui ne sont toujours pas astreints à la loi sur les marchés publics.

Car du côté des récalcitrants, on ne peut que déplorer la réalité. Certes, il y a des associations intercommunales qui semblent démunies dans le cadre de leurs constructions scolaires et se font souvent mal conseiller; des entités publiques qui tentent d’échapper au concours en découplant (au risque de les dédoubler) soigneusement les prestations, sans crainte de recours… Celles enfin qui s’acoquinent avec le secteur privé, se débarrassant ainsi de leurs prérogatives en matière de respect des marchés publics. Il y a enfin ces mastodontes de l’immobilier qui ont recours à des appels d’offres de conception et réalisation en entreprise totale et déstabilisent le marché. Cette forme de mise en concurrence est une dérive car elle implique une prise de risque importante pour les entreprises totales, qui sera inévitablement reportée sur les mandataires et entreprises de construction, ce qui fait qu’elle ne peut in fine qu’impacter directement les coûts et la qualité.

Sans concours, notre unique accès à la commande pour réaliser de nouveaux quartiers de logements attractifs, emblématiques et agréables à vivre passera-t-il par la sous-enchère de nos prestations? Maîtres d’ouvrage publics et privés, mandataires, concurrents, collègues, entreprises, citoyen·nes ne soyons pas dupes: c’est bien là que réside la menace qui met en péril ce bien commun qu’est la culture du bâti que nous défendons à l’unisson.

Améliorons les procédures, collaborons en toute intelligence avec les entreprises de construction, discutons-en avec les plus réfractaires. Continuons à faire évoluer le concours s’il le faut, car il est notre allié. Votre association n’est rien sans l’engagement de ses membres.

Nota bene: le terme «concours d’architecture» est utilisé dans le sens large et aborde divers types de procédures: ouvertes, anonymes, sur invitation ainsi que les mandats d’étude parallèles, selon les règlements SIA 142 et 143. Il se réfère aussi aux concours d’idées et de projet, d’urbanisme, de paysagisme et d’ingénierie.

Informations générales

 

Le Concours Suisse

La Rasude, place de la gare 1 (entrée tambour jaune de la poste)

17 mars au 14 avril10h à 19h

www.leconcourssuisse.ch

 

Plusieurs événements sont organisés dans le cadre de l’exposition:

JEUDI 17 MARS
17h30 visite guidée
18h30 Vernissage avec les Communes vaudoises : présentation de concours emblématiques
Infos ici

 

SAMEDI 26 MARS
14H30: atelier pour les enfants avec l’association Ville en Tête. Toutes les infos ici.

 

JEUDI 31 MARS
18h30 Parole aux actrices et acteurs immobiliers sur le choix des procédures : maîtres de l’ouvrage publics et privés, entreprises de la construction et mandataires
Infos ici

 

MERCREDI 6 AVRIL
18h30 Table ronde organisée par la Fondation CUB « Ouvrir le concours à toutes les disciplines de la culture du bâti : quelle place pour les urbanistes et les architectes-paysagistes dans les procédures actuelles ? »

 

SAMEDI 9 AVRIL
14H30: atelier pour les enfants avec l’association Ville en Tête. Toutes les infos ici.

 

MERCREDI 13 AVRIL
17h30 visite guidée
18h30 Décrochage avec l’association ASAR (Association des étudiant·es de la Section d’architecture de l’EPFL)

Plusieurs visites guidées sans inscription préalable et accès libre sont organisées dans le cadre de l’exposition:

17 mars - 17h30 | 23 mars - 12h30 | 30 mars - 17h30 | 13 avril - 17h30

Pour les enfants

Ateliers et visites guidées avec l’association Ville en Tête. Toutes les infos ici.

L'exposition

Curateurs
Olivia de Oliveira et Serge Butikofer

 

Comité organisateur et exécutif
Marcio Bichsel, Serge Butikofer, Didier Collin, Gabriela Marcovecchio, Olivia de Oliveira, Giorgio Pesce, Cedric van der Poel

 

Scénographie
Giorgio Pesce, Olivia de Oliveira, Didier Collin

 

Rédaction textes
Serge Butikofer, Gabriela Marcovecchio, Olivia de Oliveira, Cedric van der Poel

 

Conception graphique et communication
Atelier Poisson, Giorgio Pesce, Séverine Dolt

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