Projets-modèles 2020-2024: entretien avec Jude Schindelholz
La quatrième génération du programme fédéral de projets-modèles pour un développement territorial durable avance à plein régime. Jude Schindelholz, collaborateur scientifique à l’Office fédéral du logement (OFL) et responsable de l’axe thématique "Changement démographique" fait un bilan provisoire des projets en cours.
ARE: Qu’implique le changement démographique pour l’aménagement du territoire?
Jude Schindelholz: le changement démographique est l’une des mégatendances qui marquent la Suisse : la population de notre pays est de plus en plus âgée et diversifiée. Au cours des vingt prochaines années, elle devrait atteindre dix millions de résidents permanents. En 2025, une personne sur cinq sera âgée de plus de 65 ans et cette proportion sera même d’une personne sur quatre en 2035. Au milieu du siècle, on devrait compter en Suisse quelque 2,7 millions d’individus de cette classe d’âge. Cela signifie aussi que le nombre de ménages s’accroît, que la taille de ceux-ci s’amenuise et qu’ils se diversifient. L’aménagement de l’habitat gagne ainsi en importance, tout comme le coût des logements et la sécurité résidentielle. Autre aspect tout aussi essentiel dans une société vieillissante : les quartiers et les espaces publics doivent être aménagés de manière à ce qu’on y passe volontiers du temps, qu’on s’y sente en sécurité, qu’on puisse facilement s’y déplacer à pied ou en transports publics, et qu’on y trouve des commerces et des services de proximité. Sans oublier les services de soins et les diverses mesures qui favorisent l’inclusion et les relations entre les générations.
Pourquoi la Confédération soutient-elle des projets-modèles liés à cet axe thématique?
Les défis qu’induit le changement démographique concernent divers domaines politiques, notamment le logement, l’aménagement du territoire, la santé ou l’environnement. Il faut disposer de solutions intersectorielles développées de concert par les acteurs des collectivités publiques, de l’économie privée et de la société civile. Les projets-modèles offrent un cadre approprié à cet effet. La Confédération contribue ainsi à améliorer les conditions de vie et le cadre résidentiel pour une population plus âgée et plus hétérogène et à garantir l’attrait et l’équilibre démographique des régions particulièrement affectées par le vieillissement.
Qu’est-ce qui caractérise les projets-modèles de cet axe thématique?
Les six projets de cet axe thématique se répartissent dans toute la Suisse, dans divers types de territoires, du quartier urbain à la région touristique de montagne en passant par la commune rurale. L’enjeu de deux d’entre eux consiste à adapter au vieillissement le parc résidentiel existant : à Lausanne, il s’agit de prendre des mesures architecturales ponctuelles dans un quartier, alors qu’au Tessin un propriétaire immobilier établit une stratégie complète afin d’adapter son parc vieillissant aux besoins d’une population vivant de plus en plus longtemps, en coordination avec les services et équipements disponibles dans la commune ou le quartier concernés. Deux projets-modèles urbains visent quant à eux l’offre de logements et de services. À Genève, il s’agit de mettre au point un prototype de logement flexible permettant la cohabitation de quatre générations. À Bâle, un maître d’ouvrage développe le réseau « Westfeld » avec des acteurs issus du monde politique, de l’économie privée et du quartier concerné : son but principal est de permettre à la population âgée de maîtriser sa vie quotidienne, de préserver son autonomie et de participer à la vie sociale.
Qu’en est-il des projets-modèles des régions moins urbaines?
Deux projets veulent remédier aux lacunes en matière de logements disponibles ainsi qu’au manque d’attrait des régions de montagne. Au centre de Hasliberg, il s’agit de bâtir un immeuble abritant plusieurs générations afin de permettre à la population vieillissante de rester au village. Un réseau d’aide locale doit aussi relier entre eux les services existants. Les régions d’Albula et de Prättigau / Davos, quant à elles, mettent au point des mesures différenciées selon les groupes d’âge visés, afin de favoriser les arrivées (50+), d’accroître les durées de séjour (65+) et de faciliter les déménagements sur place (80+).
Est-il déjà possible de tirer des conclusions de ces projets-modèles?
Les premiers enseignements tirés de ces projets montrent clairement que les personnes âgées aimeraient habiter le plus longtemps possible dans l’environnement qui leur est familier. Cela veut dire que les « logements du troisième âge » de demain sont déjà bâtis et qu’il convient surtout de les aménager – avec leur environnement – pour les adapter aux personnes âgées. Le projet-modèle de Lausanne montre que des mesures simples et peu onéreuses peuvent suffire (voir l’article suivant). Dans le cadre de nouvelles constructions, on vise à fournir des logements flexibles répondant aux besoins de quatre générations (habitat multigénérationnel). Les projets des régions de montagne incluent d’examiner comment relever les défis identifiés dans les domaines de l’aménagement du territoire, de la protection des sites construits et du financement, afin de créer une offre conforme aux besoins. Le projet-modèle des Grisons met par ailleurs en évidence qu’une part significative des propriétaires de résidences secondaires sont disposés à s’engager activement pour le développement de la commune et de l’habitat local, ce qui a un impact positif sur les arrivées et sur les durées de séjour sur place. Tous les projets démontrent que la qualité de vie des différentes générations dépend de services et d’offres qui permettent de s’identifier au site, qui encouragent la participation sociale et facilitent la vie quotidienne.
Entretien publié par l'Office fédéral du développement territorial ARE le 23.08.2022
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