Rachat du courant photovoltaïque: un choix éclairé?
Éditorial
Le mois de janvier se réfère à Janus, le dieu romain des commencements et des fins. Il a deux visages: l’un tourné vers le passé, l’autre vers l’avenir. Ces deux regards portés vers des horizons antagonistes reflètent parfaitement la dualité des objectifs et des missions des acteurs parapublics de l’approvisionnement énergétique en Suisse.
Étant en totalité, ou en grande partie, en mains de collectivités publiques, on pourrait s’attendre à ce que leur stratégie de développement se mette au service des ambitions énergétiques et climatiques des cantons et des communes qui les possèdent. Il n’en est malheureusement pas toujours ainsi. Dernier exemple en date, la récente décision de Groupe E de passer à un modèle de rétribution fluctuant en fonction des prix du marché, pour le rachat de la production d’électricité photovoltaïque produite par les particuliers. Ce cas illustre bien les contradictions entre les objectifs commerciaux d’une entreprise et les décisions politiques de leurs propriétaires.
En réponse aux crises du climat et surtout de l’énergie, les autorités délivrent des subventions, directes ou indirectes. C’est une bonne chose. Vous possédez un petit immeuble, vous comptez le rénover, vous devez bien faire des choix. Vous installez une toiture solaire car la perspective de récupérer une partie de l’investissement vous convainc. Soit. Mais il y a un hic! Un astérisque en fin de contrat: le prix de rachat est lié au prix du marché, lisez-vous. En clair: le prix de l’électricité produite en excédent en été va fortement baisser. Jadis, une installation était rentabilisée après dix ans; bientôt il en faudra trente – soit la durée de vie moyenne de l’installation! Opération nulle donc.
L’Association des producteurs d’énergie indépendants (VESE) craint qu’une telle politique n’incite les propriétaires à redimensionner leur projet à la baisse pour limiter leur exposition aux fluctuations de tarif. Cette sous-utilisation des toitures réduirait d’autant la part du photovoltaïque dans le mix énergétique.
Les énergéticiens rétorquent qu’un équilibre entre la juste rémunération des producteurs et la préservation des intérêts des consommateur·rices (qui en supportent partiellement les coûts) est indispensable. Certes, le prix du rachat n’est pas gravé dans le marbre, mais les énergéticiens devraient probablement tenir compte de l’insécurité qu’un prix imprévisible fait peser sur les propriétaires.
Avec le taux d’assainissement actuel de l’ordre de 1%, il faudra 100 ans pour rénover le parc immobilier helvétique. Prendre le risque de ralentir un rythme, qui n’est pas en accord avec ceux du changement climatique et d’une géopolitique aux cartes rebattues, n’est pas une option raisonnable. Enfin, les installations solaires sont également un outil pour assurer l’approvisionnement énergétique et donc l’autonomie de la Suisse. Inciter à la sous-utilisation des toitures ne fait aucun sens. Et cette sécurité a un prix1. Pour les consommateur·rices et pour ces entités parapubliques. Aux élu·es membres de leurs conseils d’administration de leur rappeler l’exemplarité qui sied à leur statut particulier et leur responsabilité envers leurs propriétaires: nous tous·tes!
Note
1. Comme l’a très bien résumé Diego Fisher, ingénieur et membre du comité de la VESE, sur les ondes de RTS Première (Forum, 30 novembre 2024).