Réa­ni­mons le stade de la Pon­taise!

Date de publication
12-01-2024

Fin novembre 2023, le président de Patrimoine suisse Martin Killias lançait un appel aux autorités lausannoises à développer des «solutions créatives» pour conserver le stade olympique de la Pontaise (1952)1. Prouesse d’ingénierie et d’architecture, dernier témoin d’une époque, la vénérable enceinte est en effet promise à la démolition par le projet d’écoquartier des Plaines-du-Loup et figure sur la Liste rouge des constructions menacées de Patrimoine suisse depuis 2018.

«Tu devras avaler des couleuvres, comme la démolition du stade», a-t-on dit à Martine Jaquet quand elle a pris le poste de déléguée au patrimoine de la Ville de Lausanne. C’était en 2009, juste après la votation en faveur du projet Métamorphose qui le condamnait de facto. Depuis, un scénario qui semble inéluctable s’est mis en branle: la construction d’un nouveau stade (la Tuilière), la réalisation de la première phase de l’écoquartier, le plan de la seconde, tout converge vers la destruction de l’ouvrage2, qu’au fond personne ne souhaite ou n’assume.

Or depuis que le projet des Plaines-du-Loup se dévoile, avec ses gabarits impressionnants et ses immeubles en béton, un doute s’immisce: le quartier est-il aussi «éco» qu’annoncé? Et la démolition du stade, avec le sacrifice de l’énergie grise embarquée qu’elle suppose, peut-elle encore se justifier? Le syndic de Lausanne Grégoire Junod a récemment laissé entendre que tous les scénarios étaient ouverts3.

Conserver sa vocation footballistique ne semble pas pertinent. Reste la reconversion. Pour Martine Jacquet, il serait envisageable d’intervenir sur l’extérieur, voire d’accoler des activités à l’extrados. Les salles contenues sous les tribunes pourraient très bien accueillir des locaux utiles au nouveau quartier. Mais c’est surtout à l’intérieur que se trouve «l’esprit» du stade: dans sa spatialité époustouflante et sa forme exceptionnelle (en double courbure). L’ouvrir par une brèche? Pourquoi pas, estime Martine Jacquet, «mais difficile de casser cette géométrie sans rencontrer des problèmes structurels». Sans parler de la maintenance – le béton n’étant toujours pas éternel.

En résumé, la conservation de la Pontaise aurait un coût conséquent mais risquerait aussi de précariser le projet des Plaines-du-Loup… à moins que le gain sociétal ou culturel ne dépasse le coût économique de l’opération et compense les surfaces de logements perdues. Aussi, avant de débattre de ce que l’on conservera ou non, il faut un projet de réanimation qui réponde à des besoins. C’est le moment d’imaginer des usages compatibles afin de «trouver la main qui convient à ce gant»4. Des équipements culturels, comme à Tempelhof? Un ensemble d’habitation, comme dans le premier stade d’Arsenal, à Highbury? Un «centre polysport», comme le suggère Martin Killias? Ou, plus simplement, un parc? Nous invitons les architectes et ingénieur·es qui nous lisent à participer à la réflexion collective. Leur expertise technique et leur approche sensible seront indispensables pour aider les autorités à développer les «solutions créatives» attendues.

Nous rassemblons les pièces utiles à alimenter une petite exposition et un débat public sur l’avenir du stade de la Pontaise au Forum d’Architectures, Lausanne (F’AR). Pour participer, envoyez jusqu’au 16 février un texte ou un dessin à redaction [at] revue-traces.ch

Notes

 

1. Martin Killias, «Faut-il démolir le stade de la Pontaise?», 24 heures, 13.11.2023

 

2. Voir le plaidoyer de Giulia Marino: «Le plus beau stade de Suisse» à l’épreuve de la ville contemporaine. Le stade olympique de la Pontaise à Lausanne (1954-2015), en accès libre sur le site de Patrimoine suisse

 

3. «Sport matin – Quel avenir pour le stade olympique de la Pontaise?», La Matinale RTS, 24.11.2023

 

4. André Corboz, «Bâtiments anciens et fonctions actuelles: esquisse d’une approche de la ‹réanimation›», werk/œuvre 11/1975

 

5. Au moment de la parution de cet éditorial paraît dans 24 Heures un article complet sur la question, qui conclut également sur la piste du "réusage". Erwan Le Bec, «Raser ou sauver la Pontaise? Le grand dilemme de Lausanne», 24 Heures, 11.01.2024

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