Réhabiliter le périurbain
Comment vivre et bouger durablement dans ces territoires ?
Le livre Réhabiliter le périurbain propose un regard neuf sur des lieux perçus, à tort, comme des zones de dispersion anarchique et de gaspillage d’énergie. Synthèse des idées débattues aux deuxièmes Rencontres internationales1, il a pour vocation de communiquer à un large public les conclusions de cette discussion qui a réuni scientifiques, artistes et spécialistes de l’urbanisme. L’ouvrage se dessine aussi comme un regard sur la vie dans ces quartiers, grâce aux portfolios qui ponctuent chacun des chapitres.
La ville. Etre de flux, de masse et de vide. Entre l’urbanité à forte densité et la campagne « qui n’est qu’une illusion »2, existe le périurbain.
Le périurbain, qu’est-ce ? Au fond, c’est avant tout un phénomène d’expansion de la ville, provoqué par la fuite des citadins en direction d’une campagne où ils pourront bénéficier, dans un environnement calme, des mêmes avantages qu’en milieu urbain. Et la ville, quelles sont ses limites ? A quel moment perd-t-elle son essence pour devenir périurbain ? C’est cette définition de la ville au niveau européen que le livre esquisse par des schémas et des images, tentant de préciser ce mot aux multiples nuances.
Séparé en trois grandes parties, le livre aborde dans chacune d’elles un préjugé de ce retour des citadins à la campagne, et entreprend de le nuancer, voire même d’en démontrer l’absurdité. Sept portfolios viennent compléter cette relecture. Ce sont les regards que les artistes portent sur les gens qui habitent ces lieux, fragments de vie, qui donnent sens aux schémas et aux explications théoriques.
Le livre nous explique dans le premier chapitre que ce désir d’une campagne accompagnée des avantages de la ville est né de plusieurs facteurs : le premier est d’ordre socioculturel. La zone périurbaine se base sur la valorisation collective d’un modèle d’habitat fondé sur la maison individuelle. On propose aux citoyens un moyen d’échapper aux « campagnes hallucinées et aux cités tentaculaires »3. Le deuxième facteur est sociotechnique, puisque la généralisation de l’automobile au cours des années 1960-1970 permet une plus grande distance entre lieux de résidence et de travail. Cette autonomie est le signe pour beaucoup de liberté. Enfin, d’un point de vue socioéconomique, ces logements écartés de l’inflation galopante des villes permettent à une large partie de la population d’acquérir sa propre maison.
Ainsi, ces nouveaux centres autour des villes proposent un mode de vie en lien plus étroit avec la nature, une autonomie de mouvement et la possibilité de devenir propriétaire. D’où le succès fulgurant de ces zones rurbaines.
Cette nouvelle forme d’urbanité entraîne la mise en place de systèmes sociaux extrêmement élaborés, qui ont été analysés au cours de ces rencontres et dont la retranscription sous forme de schémas éclaire la compréhension. Les auteurs ont néanmoins évité le piège d’une simplification radicale des processus complexes dont il est question. La multiplicité des acteurs qui ont collaboré à l’ouvrage permet d’obtenir un point de vue pertinent et didactique. On comprend les subtils enjeux de cette réhabilitation du périurbain prônée par l’ouvrage. C’est, selon les auteurs, le lieu où se dessinent la vie et les mobilités durables de demain.
La dernière partie de l’ouvrage est consacrée aux utopies qui imaginent le futur de ces quartiers. Une dimension nouvelle apparaît et les œuvres des artistes, dans cet ultime chapitre, se démarquent des autres portfolios. On achève sa lecture avec le sentiment qu’il existe un fort potentiel qui n’attend que d’être développé dans ces zones aux confins de l’urbanisation.
Notes
1. Organisées par le Forum Vies Mobiles les 24 et 25 janvier 2013
2. Georges Perec, Espèces d'espaces, éditions Galilée, Paris, 1974
3. Arturo Soria, urbaniste madrilène (1844-1920)
Réhabiliter le périurbain. Comment vivre et bouger durablement dans ces territoires?
Lionel Rougé (dir.), éd. Loco-Forum Vies Mobiles, 2013 / € 22.-