Ré­sul­tats du con­cours pour la deuxième tranche du pôle mu­séal

Le bureau portugais Aires Mateus lauréat

Date de publication
20-10-2015
Revision
23-12-2015

Cela fait cinq ans que nous connaissons l’emplacement et la forme du futur MCBA, et un peu plus de deux ans qu’ont été désignées les institutions qui vont contribuer à former un pôle. Depuis, le bureau espagnol Barrozi / Veiga a reçu le prix Mies van de Rohe, et la plupart des recours contre leur projet ont été rejetés.

Si l’annonce du lauréat du concours pour la deuxième tranche nous rapproche du premier coup de pioche, il ne résout pas les problèmes fondamentaux du projet dans son ensemble : l’inadéquation du site choisi ainsi que certaines incohérences du projet culturel.

La première question, relative au choix du site, reste d’actualité : pourquoi construire dans l’enceinte d’une gare, si l’activité que l’on souhaite y développer est incompatible avec le milieu ferroviaire ? Extrapolant sur les réticences des assureurs à garantir les prêts d’œuvres au nouveau musée, les architectes du MCBA ont été conduits à prendre des précautions disproportionnées. Pour pallier l’éventualité d’un accident ferroviaire aux abords du futur musée, ils ont transformé la façade sud, celle qui est orientée vers le lac (et la lumière), en paroi aveugle digne d’un abri atomique.

Un train pourra exploser à cinq mètres d’un Vallotton, la peinture restera intacte ! A ceux qui se demandent pour quelle raison le principe de précaution appliqué aux œuvres ne s’applique pas aux habitations qui bordent les voies, la réponse, qui ne manque pas de cynisme, consiste à spécifier que les habitants, contrairement aux tableaux, ont des pieds ! L’idée que le projet muséal puisse contourner le chantage spéculateur des assureurs n’effleure même pas les esprits. Travailler avec les jeunes artistes, privilégier, comme au Mamco, la création in situ, au lieu de viser des blockbusters du museum globalisé ; c’est en effet un tout autre projet culturel qu’il aurait fallu édifier pour qu’il puisse trouver sa place dans la friche ferroviaire.

Rude compétition


Le palmarès dévoilé lundi 5 octobre à Beaulieu ne manquait pas d’intérêt : la compétition fut rude entre des géants de l’architecture globalisée (Nouvel, Sanaa, Lacaton&Vassal), nos stars nationales (Olgiati, Graber Pulver, Gigon-Guyer, Kerez) et nos espoirs locaux (local architecture). Le jury a écarté des gestes forts (Nouvel, Olgiati) pour privilégier une proposition discrète qui noue un dialogue avec le MCBA.

En cela, le projet retenu pour la deuxième tranche rectifie certaines des incohérences de la première, sans pour autant parvenir à les lever entièrement. Le MCBA sera une construction nouvelle déguisée en friche industrielle : du neuf qui imite du contextuel. La deuxième tranche continue sur le même terrain difficile, cherchant à justifier, dans le même élan, de sa forme et de sa raison d’être. Obligé de prendre place sur un site inadéquat sans faire de l’ombre à son grand frère, le bâtiment se déploie au fond d’une cour dont l’étroitesse est habilement dissimulée par les rendus numériques.

Variation sur le thème de la stratification programmatique, l’édifice, pour moitié souterrain, superpose les deux musées qu’il est censé accueillir. Une faille au niveau du rez-de-chaussée sépare la partie supérieure consacrée au design de la partie inférieure, dévouée à la photographie. Sur ce point le choix des architectes se révèle judicieux. Il semble accomplir précisément ce que MCBA refuse de faire : déduire sa forme de son programme.

Imposant et forclos, le MCBA évoque l’univers des monuments funéraires. Avec la deuxième phase, les références demeurent chtoniennes, mais de façon plus nuancée. La boîte d’Aires Mateus est un bunker déconstruit, un volume opaque traversé par une faille lumineuse.

Ancrage dans le réel


En quittant l’exposition et ses images faussement enjouées, on réalise que la très belle halle des locomotives n’est pas encore démolie (ce ne serait qu’une question de semaines) et que les contraintes programmatiques de la deuxième tranche sont des extrapolations fondées sur d’autres extrapolations. Des pro-

jections fictives sur des hypothèses que l’on pourrait tout aussi bien remettre en question, pour repenser le tout.

Variant les langages formels au lieu de s’établir à partir d’un grand geste unique, le pôle muséal semble faire sienne cette prudence qui consiste à former un ensemble avec des éléments hétéroclites. C’est peut être le point sur lequel le projet d’Aires Mateus s’avère le plus pertinent. En se positionnant par rapport au MCBA, il parvient à résonner assez justement avec les tonalités monocordes du projet Barrozi / Veiga. Ce faisant, il le transforme en contexte et lui accorde par la même occasion ce qui lui faisait défaut : un ancrage dans le réel. Quant au pôle muséal dans son ensemble, le choix programmatique d’un acte en deux temps pourrait se révéler finalement salutaire en permettant de corriger certains des défauts du projet initial.

Article paru dans Le Temps, le 6 octobre 2015.

Étiquettes
Magazine

Sur ce sujet