Station d’épuration de Neuchâtel: une rénovation à énergie positive
Construite en 1969 et modernisée à la fin des années 1990, la station d’épuration de Neuchâtel va prochainement être rénovée en vue de répondre aux nouvelles exigences fédérales en matière de traitement de l’azote et des micropolluants. Le projet s’accompagne d’une valorisation énergétique encore plus aboutie du site et de son exploitation pour en faire un véritable démonstrateur technologique du zéro émission nette.
Une station d’épuration (STEP) sert à nettoyer les eaux usées avant leur rejet dans l’environnement. La STEP de Neuchâtel, située entre le lac et le stade de la Maladière, traite quotidiennement 15 000m3 d’eaux usées, produites par 55 000 équivalent-habitant1. Une série d’opérations physiques, mécaniques et biologiques permet d’en extraire le sable, les graisses et la matière organique, avant leur rejet dans le lac une fois débarrassées à 98 % de leurs impuretés. L’ensemble du processus consomme beaucoup d’énergie, notamment l’aération des bassins biologiques, indispensable aux bactéries qui métabolisent la matière organique contenue dans les eaux usées. Les boues extraites sont ensuite digérées et une partie est transformée en biogaz par méthanisation : la STEP de Neuchâtel valorise ainsi chaque jour 75m3 de boues qui produisent 2000m3 de biogaz stocké sur place, dans deux gazomètres. Ce biogaz alimente deux couplages chaleur – force qui génère suffisamment d’énergie électrique et thermique pour couvrir les besoins de la STEP. À l’heure actuelle, elle génère même plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Ce sont ainsi 6 % de sa production électrique et 40% de sa production de chaleur qui sont injectés dans le réseau électrique et le chauffage à distance (CAD) du quartier de la Maladière.
Au vu de la taille de son bassin versant et de ses rejets lacustres, les nouvelles exigences fédérales en matière de traitement des eaux imposent à la STEP de Neuchâtel de traiter les micropolluants ainsi que l’azote. Ces deux opérations pèsent défavorablement sur le bilan énergétique de la STEP. Elle verra ainsi ses besoins énergétiques quotidiens passer de 4400 à 6300 kWh. Mais le volume d’eaux usées traitées et de boues produites restant stable, la production de biogaz stagnera également.
Photovoltaïque en journée, biogaz la nuit
Afin de combler cette lacune, les bassins et process de la STEP seront recouverts d’une canopée photovoltaïque de 4300 m2 surnomée «la Vague». Complétée par du photovoltaïque en façade et en toiture sur les bâtiments existants, elle produira un peu plus que les 1900 kWh/jour supplémentaires nécessaires au traitement zéro émission nette des micropolluants et de l’azote. Comme le fonctionnement d’une STEP, et donc sa consommation énergétique, varient peu au cours de la journée, le photovoltaïque assurera la production d’énergie diurne. Le biogaz produit durant cette période sera quant à lui stocké afin de prendre le relais durant la nuit. Formellement, la canopée évoque les vagues du lac tout proche. Cette géométrie à incidences multiples favorise une production en ruban. Cela optimise l’autoproduction en réduisant le pic de production lié à la course du soleil au-dessus de l’horizon.
Cette toiture assurera également d’autres fonctions, indispensables à la bonne marche de la STEP. Diminuant le rayonnement direct du soleil, elle limitera la prolifération des algues et protégera les équipements du rayonnement UV. En jouant sur la densité des cellules photovoltaïques opaques et des ouvertures générées par l’ondulation des panneaux, la canopée laissera néanmoins passer la lumière naturelle là où elle est nécessaire aux employés de la STEP. La conception de la structure métallique qui soutiendra «la Vague» sera suffisamment versatile pour s’accommoder de l’arrivée de nouveaux équipements ou du déplacement d’anciens.
Valorisation énergétique du site et de son exploitation
Du point de vue d’une exploitation zéro émission nette, les responsables de la STEP de Neuchâtel auraient pu s’arrêter là. Mais le site possède encore un potentiel énergétique, en partie déjà exploité par l’énergéticien Viteos (une SA en mains publiques née de la fusion des services industriels des Villes de Neuchâtel, de la Chaux-de-Fonds et du Locle), sous la forme de 400m2 de panneaux photovoltaïques en toiture et d’une installation de freecooling fonctionnant grâce à l’eau du lac, puisée à une profondeur de 55m. Afin de valoriser davantage le site de la STEP, le partenariat entre la Ville de Neuchâtel et Viteos sera étendu. À l’heure actuelle, les eaux rejetées dans le lac à l’issue du processus d’épuration le sont à une température de 14°C. Une pompe à chaleur, construite sur site, valorisera cette énergie, qui ira elle aussi alimenter le CAD de la Maladière, réduisant ses émissions de CO2 de 40%. L’écosystème lacustre en bénéficiera également puisque les rejets s’effectueront dorénavant à une température de 9° C.
Pour Antoine Benacloche, ingénieur communal de Neuchâtel, les pouvoirs publics ont « un devoir d’exemplarité en ce qui concerne la politique de la transition énergétique ». Il estime donc que ce projet de nouvelle STEP doit montrer la voie en explorant de nouvelles pistes. «Avec ce projet de nouvelle STEP, nous avons voulu aller plus loin que les seules solutions techniques standard à un problème d’équilibre énergétique.» Pour ce faire, la commune a lancé une réflexion sur la place d’une station d’épuration et l’image que s’en fait la population. L’idée est de la valoriser tout en réalisant un démonstrateur des technologies zéro émission nette ouvert au public. «Pour y arriver, explique-t-il, il a fallu dépasser les solutions toutes faites en faisant entrer en résonance la créativité des ingénieurs, des architectes, des exploitants et des autorités.»
Faire de la STEP un lieu ouvert au public
Afin d’attirer le public, le site accueillera un pavillon, «le Galet», destiné à l’accueil des employés, des visiteurs et de manifestations externes. «Pour rester fidèle au principe du ‹zéro émission nette›, encore plus critique pour un bâtiment qui n’est pas dédié à la mission première de la station, nous avons fait le pari d’une structure totalement autonome, qui ne sera reliée à aucun réseau, explique Nicolas Oppliger, co-responsable de l’exploitation de la STEP de Neuchâtel. La réalisation du NeighborHub2 par les étudiants du Smart Living Lab de Fribourg a été pour nous une grande inspiration.»
Par sa forme, le pavillon rend hommage aux plages du littoral neuchâtelois. Il s’articulera autour d’une structure porteuse en bois et fera la part belle au photovoltaïque. Une passerelle conforme aux exigences relatives à la mobilité réduite complétera le tout. S’inscrivant dans la continuité des projets de réaménagement des Jeunes-Rives et d’extension du site universitaire éponyme (UniHub), elle permettra de relier plus directement le lac au quartier de la Maladière et de découvrir de manière pédagogique une activité industrielle que l’on cherchait, jusqu’à maintenant, à cacher.
Notes
1. L’équivalent-habitant (EH) est une unité conventionnelle de mesure de la pollution moyenne rejetée par habitant et par jour. La charge polluante rejetée par les ménages, les industries, les artisans est exprimée en EH, autrement dit une industrie de 100 EH pollue autant que 100 personnes.
2. «Une victoire suisse au Solar Decathlon 2017», TRACÉS 20/2017
Rénovation de la station d’épuration de Neuchâtel (NE)
Maîtres de l’ouvrage: Ville de Neuchâtel et Viteos
BAMO: mch-consultants, Rivaz
Architecte: Atelier A5, Saint Aubin
Ingénieurs process-traitement: Groupement CSD – RWB
Ingénieurs génie civil: Groupement Monod-Piguet – Omnis – Planibim
Ingénieurs CVSE: BG ingénieurs conseils
Direction générale des travaux: Expertibat, Neuchâtel
Ingénieurs MCRC: Amics, Bevaix
Environnement: Aquarius, Neuchâtel
Durée des travaux: 2021-2025
Coût total: 58 millions CHF
Traitement de l’eau micropolluants et azote: 34 millions CHF
Réhabilitation et valorisation du process d’épuration existant: 5 millions CHF
Énergie STEP: 3,5 millions CHF
Aménagements extérieurs, mise en valeur du site: 1,5 million CHF
PAC et photovoltaïque (Viteos): 14 millions CHF