STEP de Vidy: à la pointe de la technique
Lausanne se dote d’une station d’épuration dernier cri. Visite guidée avec le directeur d’Epura, Fadi Kadri.
La station d’épuration (STEP) de Vidy traite les eaux usées de la ville de Lausanne et des quinze communes des environs, ce qui représente un bassin versant d’environ 75 km2 et un volume d’eaux usées traitées de 50 millions de m3. Construites au cours des années 1960, les installations de la STEP ont vu leurs performances subir l’évolution du réseau d’évacuation des eaux et la modification de la nature même de la charge polluante, au point de les rendre insuffisantes en regard des normes de rejet. De plus, elles sont sous-dimensionnées par rapport à la croissance démographique de 30 % attendue sur le bassin versant d’ici 2040. Il était donc urgent et indispensable de renouveler ses installations de traitement des eaux usées et des boues d’épuration.
Les nouvelles exigences des autorités nécessitent une refonte complète de la filière de traitement, passant par la nitrification des eaux par biofiltration, un traitement poussé des matières en suspension, un traitement des micropolluants, l’hygiénisation des eaux, le traitement des boues par digestion anaérobie et la valorisation du biogaz produit lors de la digestion des boues d’épuration. Cette digestion permet également de réduire les quantités de boues à incinérer, ainsi que les émissions olfactives lors de leur stockage.
Ces travaux s’accompagnent de contraintes de site importantes car il s’agit de réaliser les nouvelles installations dans un environnement compact et fermé au sein d’une zone verte de détente près du lac, tout en assurant le fonctionnement des anciennes installations.
LA STEP de Vidy a également dans son viseur les micropolluants, une forme de pollution détectée et étudiée assez récemment et composée de résidus de produits chimiques nuisant à la faune et à la flore aquatiques, ainsi qu’à la qualité de l’eau potable. Or ces substances organiques ou minérales résistent aux traitements appliqués actuellement dans les stations d’épuration. Suite à des essais pilotes menés à Vidy depuis 2009, la filière retenue comprend quatre phases : l’ozonation, le traitement au charbon actif, la filtration sur sable et la désinfection aux ultraviolets. Il est également prévu de réinjecter le biogaz produit lors du traitement dans le réseau de gaz de la ville.
A terme, le bassin versant de la STEP de Vidy s’étendra à celui de la station de Bussigny puis, éventuellement, à ceux des stations de Pully et de Lutry.
Entretien avec Fadi Kadri, directeur d’Epura SA
Tracés : Quelles sont les spécificités techniques du centre de traitement des eaux usées en cours de réalisation à Vidy ?
Fadi Kadri : Il s’agit de nouvelles filières, basées sur les concepts les plus récents. Actuellement, le traitement des eaux de l’agglomération de Lausanne est réalisé par un dispositif conçu dans les années 1950 et mis en service en 1964. Les savoirs, les technologies et la législation en la matière ont changé. Aujourd’hui, nous devons traiter les effluents beaucoup plus finement. Le débit de traitement n’augmente pas, mais la qualité du traitement est considérablement améliorée.
Quelle est la fonction des silos réalisés sur le site ?
Ils permettent de réaliser une étape de digestion des boues qui n’existait pas auparavant. Les boues sont épaissies avant d’être digérées puis déshydratées. Sous certaines conditions thermiques, sans oxygène, elles vont libérer du gaz.
L’enjeu de cette étape est-il la désodorisation ?
Pas seulement. Le but principal est de récupérer de l’énergie sous forme de gaz, que l’on épure avant de le réinjecter dans le réseau de distribution. Quant aux boues, une fois incinérées, elles vont aussi produire de l’énergie. De fait, parce qu’elles sont digérées, elles sentent moins mauvais. Le dispositif contribue à la désodorisation, mais son objectif principal est la production d’énergie. La désodorisation proprement dite n’est pas effectuée dans les silos, mais par des équipements spécifiques.
Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui ?
Si, même avec le dispositif actuel, nous pratiquons la désodorisation. En réalité, ce ne sont pas les bassins qui sentent, mais les boues stockées.
On a pu lire que le nouveau traitement purifie l’eau des résidus médicamenteux…
En effet, nous allons essayer de capter l’infiniment petit, les traces de médicaments consommés par les habitants qui se retrouvent dans les eaux usées.
C’est un chantier complexe.
Oui, il s’organise en deux grandes phases, puisque la station doit continuer à fonctionner à plein régime, pendant toute la durée des travaux. Nous avons conçu des installations provisoires, avant de pouvoir mettre en service la première phase du traitement et de commencer à construire la deuxième phase. Le traitement primaire du nouveau dispositif va fonctionner comme station d’épuration pendant que nous construisons la deuxième phase, sur l’actuel lieu de traitement qui sera déconstruit.
Aujourd’hui, nous avons un doute sur la pertinence d’une des étapes de la seconde phase. Nous avons été amenés à supprimer une étape de traitement des micropolluants, suite à des études qui démontraient que le traitement était potentiellement producteur d’éléments cancérigènes. Ces eaux contiennent trop de bromure, or l’ozonation du bromure donne du bromate, qui est une substance cancérigène. Cette modification a fait l’objet d’une recommandation émise par le VSA qui est l’organe faîtier en matière de traitement de l’eau.
Quand on compare la taille de ce chantier avec celle du CIO juste en face, on ne peut pas s’empêcher de faire le lien.
Y a-t-il une corrélation entre les deux chantiers ?
Bien sûr, nous nous sommes mis autour de la table pour organiser le trafic de chantier. Pendant la durée des travaux, l’accès aux deux chantiers se fait de manière coordonnée. Avec l’arrivée des beaux jours, nous faisons des efforts supplémentaires pour rationaliser l’utilisation des places de stationnement autour des deux chantiers. Nous sommes donc très attentifs à leur impact sur les riverains. Le cas des silos est caractéristique de cet effort. Nous les avons construits en un temps record, en moins d’une semaine chacun, avec un chantier en continu, 24 heures sur 24, en prêtant une attention particulière aux nuisances sonores que ces travaux auraient pu occasionner pour le voisinage.