Tentative d’épuisement d’une esthétique parisienne
L’exposition "La Beauté d’une ville, Controverses esthétiques et transition écologique à Paris" présente avec de multiples points de vue la beauté d‘une ville et expose les débats fort vifs, passés et actuels, autour de l’identité de Paris.
Ouvert en 1989, le Pavillon de l'Arsenal, centre d'information, de documentation et d'exposition d'Urbanisme et d'Architecture de Paris et de la métropole parisienne, est un lieu d’échanges et d’apprentissages gratuit, et accessible à tout le monde. La grande halle métallique du XIXe siècle, réhabilitée par les architectes Bernard Reichen et Philippe Robert, se trouve dans le cœur historique de Paris, sur l'ancienne île Louviers, à la lisière de l'ancien quartier qui abritait l'Arsenal du Roi, autrefois fabrique de poudre à canon.
L’exposition «La beauté d’une ville, Controverses esthétiques et transition écologique à Paris» met en scène 7 thématiques qui nous permettent de nous questionner sur ce qu’est l’esthétique d’une ville, Paris en l’occurrence, et son devenir. Le site, la morphologie, l’urbanité, l’architecture, l’externalité, le vivant et l’hospitalité sont abordés à travers une cinquantaine de contributions d’auteurs et autrices venant de différents champs de recherche.
Les contributions sont présentées sous formes de vidéos, où chaque expert-e donne son point de vue sur la beauté de la ville, propose de manière subtile des solutions et met en lumière les qualités/éléments dont il faut tenir compte. Les documents historiques cités dans les vidéos sont exposés sur des panneaux.
L’exposition offre différents niveaux de visite, du léger au profond. Nous pouvons tout d’abord flâner, comme Walter Benjamin, nous promener dans l’exposition et être attirés par une image, un plan, un manifeste, une série de films ayant Paris pour décor, en sentir l’atmosphère. Cependant, si le temps nous le permet, nous pouvons devenir des esthètes, ou des historiens, prendre le temps de réfléchir à la question de l’esthétique de manière plus posée. Ainsi, la pluralité des expertises se retrouve dans celle des possibles lectures de l’exposition.
Puis nous pouvons poursuivre notre visite chez nous avec les vidéos mises en ligne sur le site du pavillon de l’Arsenal. Pensée et développée pendant la pandémie, l’exposition a mué le pavillon de l’Arsenal en centre à la fois physique et virtuel.
Grâce à un point de vue volontairement historique, l’exposition permet de saisir le fait que la Beauté de la ville est depuis des siècles un thème d’actualité, avec ses amoureux, ses détracteurs, ses visionnaires. Le visiteur se met à sourire en voyant des plans, comme le plan général de l’architecte Pierre-Louis Moreau-Desproux, de 1769, décrivant les rives de la Seine et ses aménagements. Il semble montrer que les questionnements contemporains étaient déjà présents. Isabelle Backouche, directrice d’études à l’EHESS-CRH, explique qu’à cette époque, la question de l’accès et de l’esthétique des rives s’était déjà posée. Le problème était cependant différent: à l’époque, la pollution n’était pas générée par les voitures, mais par les bateaux-lavoirs, les bateaux de bains, les entrepôts. La beauté du Louvre et des Tuileries était considérée comme en péril face à ces nuisances.
Dans cette exposition chorale, il y a de grandes découvertes, comme «les Paris d’ailleurs», décrites par Mariabruna Fabrizi, architecte: non seulement d’autres tours Eiffel existent, comme celle de l’Hôtel « Paris Las Vegas », mais des quartiers Haussmanniens ont été reproduits en Chine, dans la ville de Tianducheng. La question se pose alors, sur la ville comme scénographie ou fond de décors. Est-ce encore Paris ? La beauté de la ville est-elle réductible à ses monuments et son esthétique, ou sa reproduction dans un autre lieu est-elle condamnée au kitsch?
Il y a aussi un Paris oublié, qui pourrait aussi être un Paris en devenir: les ruisseaux et ascendants de la Seine enterrés au cours des siècles pourraient finalement être à nouveau découverts, comme le décrit Yann Fradin dans Externalité.
Le parcours scénographique est articulé autour d’une prairie éphémère placée au coeur de l’exposition, sous la grande halle vitrée de l’Arsenal. Cette oasis au cœur de la ville a été conçue par les paysagistes jardiniers Wagon Landscaping. On peut s’y attarder en s’asseyant aux petites tables bistro rouges mises à disposition. On s’imagine alors pouvoir lire un livre et oublier le temps et l’activité de la ville pour un instant.
Cette prairie est cependant replacée dans un contexte contemporain par la présence d’un banc «parisien», le banc Davioud, offert par des amoureux de Paris à leur Ville. La seule présence de cet objet «vrai» provoque chez tout un chacun la réminiscence des squares, rues, avenues et boulevards parisiens. Cela pose aussi la question de la diversification et de la modernisation du mobilier urbain ainsi que celle de l’identité parisienne, représentée par ce même mobilier. Ce dernier point est par ailleurs, une des thématiques développées dans l’exposition.
En mettant en valeur, à l’entrée, ce banc acheté aux enchères par d’ardents opposants à la politique de renouvellement du mobilier urbain, les commissaires de l’exposition montrent, par une mise en abyme, que les débats anciens sur la beauté de la ville sont plus que jamais contemporains.
Le soir, à l’heure de la clôture du pavillon, un jardinier vient arroser et contrôler les plantes: pendant un moment, le rêve de la ville en harmonie avec la nature trouve son sens.
La Beauté d’une ville, Controverses esthétiques et transition écologique à Paris
Jusuq'au 26 septembre 2021
Pavillon de l’Arsenal, 21, Bd Morland, 75004 Paris
Visites guidées gratuites les samedis et dimanches à 15h - Sur inscription
Entrée libre