Traité de la matière
Mise en forme et équation
Recension du livre de Libero Zuppiroli
La capacité de l’Homme à utiliser des outils est souvent considérée comme ce qui le différencie du reste du monde animal – même si des observations récentes tendent à mettre cette affirmation en doute. Utiliser des outils signifie les produire, et donc comprendre un tant soit peu la matière avec laquelle on les façonne, que ce soit de façon empirique, par le jeu de l’essai et de l’erreur, ou par raisonnement scientifique et théorique. Et quand il n’existe pas de matériau idoine, l’imaginer et le construire de toutes pièces ou en mélangeant des matériaux au gré de leurs propriétés. C’est donc à une histoire de l’humanité par le biais des matériaux que Libero Zuppiroli, professeur à l’EPFL, convie le lecteur dans son Traité de la matière.
Dans la première partie de l’ouvrage, destinée à un grand public, l’auteur parcourt les classes de matériaux les plus importantes de l’histoire, permet de les comprendre tant sur le plan des connaissances actuelles que passées, et porte un regard critique quant à l’utilisation qui en est faite. De la taille du silex à l’imprimante 3D, du macro au nano, il passe en revue les processus de fabrication et les différentes échelles de la matière.
Un chapitre est consacré aux liants hydrauliques et aériens. L’histoire des mortiers et ciments y est contée, de l’époque romaine à nos jours. L’auteur revient sur le béton, l’un des matériaux les plus utilisés au monde (1 m3/habitant/an au niveau mondial) et rappelle que la production de ciment représente à elle seule 5% des émissions de CO2. S’il le considère comme un matériau peu noble, il ne peut que conclure que toute avancée des connaissances sur le ciment peut avoir un impact décisif sur l’environnement.
La seconde partie du livre s’intitule «L’impact des équations». Evidemment beaucoup plus mathématique et spécialisée, elle aborde la matière sous l’œil de la physique quantique et traite de questions relatives à la statistique des mélanges et à la théorie des dislocations.
L’ouvrage s’accompagne de contributions d’artistes s’exprimant à propos de la matière, dont les mandalas de Gisèle Rime, l’exploration du chaos de Catherine Bolle ou les 120 photographies originales de Christiane Grimm, mettant en scène les artisans de la matière et leurs œuvres. Comme un matériau composite qui allie au mieux les propriétés de plusieurs matériaux, le mélange de textes scientifiques pointus et d’une iconographie de qualité confère à l’ensemble une grande valeur.
Référence
Traité de la matière
Libero Zuppiroli, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2015 / 92 CHF