TYIN, construire vite et bien
Prix européen d’architecture
Depuis 2008, le groupe de jeunes architectes norvégiens construit dans des endroits où la population évolue dans des conditions fragilisées.
Interpréter les techniques constructives locales pour générer une esthétique contemporaine. C’est le vœu formulé par le jeune groupe d’architectes norvégiens TYIN, qui s’est vu décerner le Prix européen d’architecture fin septembre. Une distinction attribuée chaque année depuis 2010 par l’Athenaeum de Chicago, musée d’architecture et de design, et le Centre européen pour l’architecture, l’art, le design et les études urbaines et qui a déjà récompensé Bjarke Ingels et Graft Architekten.
Charmante histoire que celle de ces jeunes Norvégiens. Alors étudiants à l’Université nationale de science et technologie de Trondheim, Andreas Grøntvedt Gjertsen et Yashar Hanstad, aujourd’hui tout juste trentenaires, expriment l’envie de construire, avant même d’être diplômés en architecture. Construire mais pas n’importe où : plutôt dans des endroits où la population évolue dans des conditions fragilisées.
Andreas Grøntvedt Gjertsen et Yashar Hanstad, avec trois étudiants qui ne font aujourd’hui plus partie du projet, fondent alors une association, histoire de récolter des fonds. Au final, une soixantaine de sociétés norvégiennes, dont une bonne partie d’agences d’architectes, viennent financièrement en aide à TYIN. Trois projets sont réalisés entre 2008 et 2009 en Thaïlande. Depuis, TYIN a construit en Ouganda, en Indonésie et en Norvège.
L’objectif de TYIN est de construire vite et bien, avec une économie de moyens et de temps, en tenant compte du site et de la culture locale, en cherchant une réponse à une situation particulière, sans faire usage de modèles à reproduire ou d’unités préfabriquées. Le projet Cassia Coop Training Centre à Kerinchi, sur l’île indonésienne de Sumatra, constitue un bel exemple de cette démarche.
Un exemple significatif
Cassia Coop Training Centre est un lieu de rencontre et de formation pour la production de cannelle, une place de travail pour les cultivateurs. En moins de trois mois et pour un peu plus de 35 000 francs, Andreas Grøntvedt Gjertsen et Yashar Hanstad, en collaboration avec cinq étudiants, quatre architectes et quelque septante travailleurs locaux, ont imaginé et bâti cet édifice comprenant cinq bâtiments qui abritent des salles de classes, une cuisine et des bureaux. Lesdits bâtiments, agencés en forme d’atrium d’où s’échappent deux arbres, sont constitués de brique et couverts d’un toit de 600 m2 posé sur des piliers de bois en forme de Y. Les façades sont percées par des ouvertures irrégulières, parfois ornées de branches de cannelier. Le groupe norvégien a ici fait usage de matériaux locaux : tronc et branches de cannelier, briques.
«Rassembler autour de l’édification, c’est donner à chacun une place qui ne se réduit pas à l’effort financier, une identité revisitée, faite de l’accumulation de petits gestes», assure Florence Sarano, commissaire d’une exposition que la Villa Noailles a consacré aux jeunes architectes1. Les projets sont chapeautés par TYIN, mais réalisés en collaboration avec la population et les marchands locaux, des étudiants et souvent avec l’Université nationale de science et technologie de Trondheim, d’où sont issus et où enseignent encore Andreas Grøntvedt Gjertsen et Yashar Hanstad.
La construction des édifices de TYIN engendre ainsi un petit monde économique in situ. TYIN établit une connexion avec les futurs habitants ou utilisateurs des lieux, partage les connaissances, réactive en les interprétant les traditions constructives locales. En usant de moyens simples, le groupe norvégien ne lésine pas pour autant sur la qualité architecturale de ses projets.
TYIN participe à diverses expositions, notamment à la Biennale d’architecture de Buenos Aires il y a un an et à la Villa Noailles en 2010. Au printemps prochain, ses projets feront l’objet d’une exposition mise sur pied par le Centre européen pour l’architecture, l’art, le design et les études urbaines à l’Espace contemporain d’Athènes. Elle poursuivra ses pérégrinations en Europe et aux Etats-Unis.
Note
TYIN - Anna Heringer, Construire ailleurs, édité à l’occasion de l’exposition à la Villa Noailles, Hyères, 2010, p. 14