Une enquête en demi-teintes
Les bureaux d’études se montrent légèrement plus optimistes quant à l’évolution conjoncturelle des six prochains mois. Dans le même temps, leurs évaluations de la demande et de la fourniture de prestations du trimestre passé se teintent de scepticisme.
Les résultats mitigés de la dernière enquête du Centre de recherches conjoncturelles (KOF) évoquent une peinture en clair-obscur. Il en ressort en effet que la marche des affaires des bureaux d’études s’est à nouveau améliorée: 57% des répondants la jugent bonne, 39% l’estiment satisfaisante et seuls 4% s’en déclarent mécontents. En outre, il apparaît qu’au cours des trois derniers mois, leur situation bénéficiaire s’est améliorée. Les évaluations de la demande et de la fourniture de prestations du trimestre passé viennent toutefois noircir le tableau. Autre contraste: alors que l’évolution des carnets de commande s’est révélée positive, les investissements dans les projets de construction résidentielle affichent à nouveau un léger recul. Pas de changement en revanche au niveau du volume de commandes, qui stagne à 11,2 mois depuis la dernière enquête. Si la part de bureaux déplorant une pénurie de main-d’œuvre recule enfin au 4e trimestre 2021, ils sont à nouveau plus nombreux à voir leur activité freinée par leurs capacités techniques.
Optimisme prépondérant
Très bonne nouvelle, les bureaux d’études se montrent légèrement plus optimistes quant à la situation économique des six prochains mois. Ils sont désormais 9 % à tabler sur une évolution conjoncturelle plus favorable, 85% à n’escompter aucun changement et quelque 4 % à craindre une dégradation. Les attentes relatives à la demande et à la capacité de fournir des prestations dans les trois prochains mois aussi se présentent à la hausse. On notera également une éclaircie sur le front de la planification des prix, sachant que 87% des bureaux d’études partent du principe que les prix se maintiendront au niveau actuel et que seuls 9% craignent de subir une baisse au cours des trois prochains mois. En conséquence, leurs attentes quant à la situation bénéficiaire du trimestre prochain sont au beau fixe.
Accalmie chez les architectes
Par rapport à juillet, les bureaux d’architecture sont plus optimistes quant à leur situation économique. Ils sont toutefois plus réservés quant aux prestations fournies et à la demande des trois derniers mois. Au niveau de l’estimation du volume des mandats, le statu quo s’impose depuis la dernière enquête, mais la portée des carnets de commande baisse, passant de 12,5 à 12,2 mois. Pour la première fois depuis la reprise, les architectes modèrent leur optimisme: ils ne sont plus que 12% à tabler sur une amélioration de la marche de leurs affaires, tandis que 83% n’attendent aucun changement et que 4% estiment qu’elle se dégradera. La même retenue transparaît dans leurs estimations relatives à l’évolution de la demande et de l’emploi dans les trois prochains mois, légèrement revues à la baisse. Pour ce qui est de leur capacité à fournir des prestations toutefois, les bureaux d’architecture disent s’attendre à une amélioration.
Les ingénieurs en grande forme
De leur côté, les ingénieurs créent la surprise par leur optimisme. Ils évaluent en effet leur situation économique encore plus positivement que lors de la dernière enquête et sont ainsi 63% à la considérer bonne, 35% à la considérer satisfaisante et seulement 2% à l’estimer mauvaise. Mais le thème dominant de l’enquête ne se dément pas, puisque ces données réjouissantes contrastent avec un net recul de la demande et de la fourniture de prestations au cours des trois derniers mois. Autre contraste, les réserves de travail ont augmenté et portent désormais à 10,5 mois, alors que dans le même temps, les valeurs des commandes dans le résidentiel reculent depuis le deuxième trimestre. Les attentes des ingénieurs quant à l’évolution de leurs affaires dans les six prochains mois s’améliorent encore en octobre: 7% des bureaux tablent sur une embellie, 87% sur un maintien du statu quo et 5% s’attendent à une détérioration. Alors qu’ils ont révisé à la hausse leurs attentes concernant la fourniture de prestations dans les trois prochains mois, leurs estimations de la demande demeurent inchangées par rapport à juillet. Face à la pénurie aiguë de main-d’œuvre, les bureaux d’ingénierie sont plus nombreux à prévoir un accroissement de leurs effectifs dans les trois prochains mois. Fait particulièrement réjouissant, ils se montrent nettement plus optimistes quant à leur situation bénéficiaire au trimestre suivant.
La reprise en péril
Une chose est certaine, l’économie suisse reste impactée par les répercussions de la pandémie. En comparaison avec ses voisins européens, elle s’en tire toutefois à relativement bon compte. L’indicateur de la situation des affaires du KOF, basé sur des données fournies par 4500 entreprises dans les domaines de l’industrie et de la construction, a certes reculé au plus fort de la pandémie, passant de 21,6 points en février 2020 à -19 points en avril 2020, mais se trouve à nouveau dans le vert depuis octobre 2020, atteignant même 27 points en octobre 2021 (chiffres apurés des variations saisonnières). Fin octobre 2021, la plateforme de statistiques allemande «Statista» annonçait que des prévisions effectuées en septembre et octobre misent sur une croissance du PIB de 2,7 à 3,5% en 2021. Mais ici encore, le thème clair-obscur de cette enquête se confirme puisqu’avec l’explosion des prix de l’énergie, la prochaine crise se profile déjà. Pour le moment, la Suisse reste relativement épargnée, mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne soit également affectée. En Allemagne par exemple, les prévisions de croissance pour le PIB ont été revues à la baisse de près d’un pour cent. Et les États-Unis craignent que les prix élevés de l’énergie n’attisent l’inflation domestique et freinent de ce fait la reprise économique post-pandémique.
Un mal modéré
Une fameuse devise boursière veut que l’Europe attrape la grippe lorsque les États-Unis toussent. Ceci s’applique-t-il également dans le cas présent ? Oui et non. L’inflation accrue outre-Atlantique est avant tout engendrée par la hausse des prix des matières premières et ne constitue qu’un phénomène passager. Nombre de matières premières étant négociées en dollars américains, la Suisse bénéficie doublement de la situation. En effet, le franc suisse s’en voit ainsi renforcé et le coût des matières premières baisse. En revanche, si l’inflation s’installe plus durablement, la Suisse en ressentira les effets à moyen terme, mais de manière plus atténuée. À petites doses, l’inflation n’est pas trop grave, car lorsque les prix grimpent, les entreprises produisent plus vu que leurs bénéfices augmentent. La logique veut que dans ce cas, les salaires suivent, ce qui stimule la consommation. Pas de fausse note au tableau (clair-obscur) : l’humeur des bureaux d’étude concorde avec le contexte économique plus large.