Mi­ner­gie-ECO: quoi de neuf, en vrai?

La refonte du supplément ECO de Minergie fin 2023 a fait progresser ce label pour qu’il soit mieux en phase avec les enjeux et les attentes de la profession en matière de construction durable. Il se veut aussi plus clair, plus flexible et plus incitatif pour l’économie circulaire.

Publikationsdatum
27-06-2024

Dans le dossier «Labels: la durabilité en jeu», paru en février 2024 dans Tracés, les retours d’expérience recueillis auprès de deux architectes (lire l'article: Le la­bel n’in­cite pas à une vi­sion ho­lis­tique, il met des choses dans des cases) se référaient principalement à Minergie-ECO, mettant en question son efficacité et son approche holistique. Or, hasard du calendrier, ce label a connu une révision profonde, publiée en décembre 20231, mais qui n’a pas pu être prise en compte dans cet article. Pour celles et ceux à qui cela aurait échappé, nous proposons de rappeler les points clés de cette révision.

Créé en 2006, Minergie-ECO, fruit d’une collaboration entre les associations ecobau et Minergie, a été conçu pour servir de guide à la mise en œuvre les objectifs de construction durable dans le bâtiment. Avec plus de 2000 bâtiments certifiés, il est aujourd’hui le label de construction durable le plus répandu en Suisse. Pour le complément ECO (dont le processus de révision est sous la responsabilité d'ecobau), la révision publiée en décembre 2023 a commencé deux ans auparavant avec une large consultation des utilisateurs du label, portant sur leurs besoins et leur niveau de satisfaction. Sur cette base, la structure et les exigences du label ont été révisées, en s’appuyant sur une vingtaine d’experts du domaine de la construction durable et sur les orientations données par le comité d’ecobau. La direction du projet a constamment recherché l’équilibre entre l’apport d’une réelle plus-value au niveau écologie/santé et la réponse aux attentes des différentes parties prenantes2.

Certains prétendent réaliser un bâtiment équivalent à un label, sans le mettre en œuvre sérieusement. Nous ne pouvons que déplorer ce greenwashing, mais il serait très compliqué, avec nos moyens, de lutter activement contre ces dérives.

Le résultat est un label plus simple et plus flexible dans la mise en œuvre, qui se concentre sur six thèmes clés : santé, économie circulaire, écologie de la construction, énergie, confort, protection du climat. Ce choix de priorités proposé par le label permet de conduire des projets de construction durable en se concentrant sur l’essentiel, et d’augmenter ainsi les chances d’atteindre les objectifs jusqu’à la phase de réalisation. Cela s’exprime aussi via les prescriptions d’exclusion ECO, qui constituent un noyau minimum commun à tous les bâtiments labellisés. Sur ce point, ECO est plus exigeant que la plupart des autres labels existants.

Place à l’innovation

Par rapport à l’ancienne version de ECO, la version actuelle a gagné en souplesse, en supprimant les minimaux à atteindre dans les trois thèmes de chaque domaine. Seuls les minimaux par domaine (santé et écologie), fixés à 50%, sont conservés.

D’autre part, une prescription «Innovation» (voir ci-dessous) est aussi prise en compte pour atteindre les seuils de 50%. Cette nouvelle prescription permet de compenser une évaluation insuffisante sur d’autres prescriptions par une approche expérimentale plus innovante dans l’un ou l’autre des domaines. Le caractère innovant peut porter sur des aspects techniques, sociaux, de processus, ou être lié à une réponse particulièrement exemplaire à une prescription du label. Le tout est défini de manière libre, afin de favoriser la créativité des équipes de projet3.

Dans le domaine Santé, deux nouvelles prescriptions visent à lutter contre la sédentarité, un enjeu important de santé publique. Cet objectif pose des questions très concrètes de conception des bâtiments4.

Dans le thème Protection du climat, l’obligation de respecter une valeur limite d’énergie grise des matériaux est désormais accompagnée d’une exigence similaire pour les émissions grises de CO2. Parallèlement, ecobau a déjà annoncé, conformément à sa Stratégie climat (2022), son intention de réduire progressivement les valeurs limites pour atteindre à terme le «Zéro émission nette» dans les bâtiments Minergie-ECO. Ce thème est encore renforcé par une nouvelle prescription favorisant les matériaux locaux et les projets de rénovation (au lieu de démolir et de reconstruire à neuf). Pour compléter, la nécessaire adaptation au changement climatique est désormais abordée par deux prescriptions de protection contre la surchauffe estivale.

Recyclage et réemploi: l’ADN de ECO

Dès sa création, Minergie-ECO a eu l’économie circulaire dans ses gènes, avec toute une série de prescriptions sur la flexibilité, la démontabilité des constructions, l’accessibilité des installations techniques ou l’emploi de béton recyclé. Le regroupement de ces prescriptions dans un nouveau thème dédié (Économie circulaire) les rend plus visibles. Et l’ajout d’une nouvelle prescription vient renforcer ce thème: son objectif est de soutenir le réemploi et/ou le recyclage des éléments et matériaux, non seulement dans les projets de rénovation, mais aussi dans les bâtiments neufs.

Les limites du volontariat

Minergie-ECO, comme tout label, relève d’une démarche volontaire, visant à faire plus que le minimum légal. En ce sens, il est toujours possible d’obtenir une autorisation de construire sans viser ces objectifs ; c’est aujourd’hui ce qui arrive dans la grande majorité des cas. Nous ne pouvons qu’encourager les décideurs concernés à profiter de cette nouvelle version pour réviser leurs ambitions à la hausse. Certains prétendent réaliser un bâtiment équivalent à un label, sans le mettre en œuvre sérieusement. Nous ne pouvons que déplorer ce greenwashing, mais il serait très compliqué, avec nos moyens, de lutter activement contre ces dérives.

Le nouveau Minergie-ECO permettra-t-il de sortir de la «monoculture» du béton? Pas tout seul, car l’usage de ce matériau est porté par un système rodé et efficace en termes de fabrication et de logistique, ainsi que par de nombreux professionnels convaincus de son esthétique et sa polyvalence. Mais le renforcement régulier des valeurs limites d’énergie grise et de CO2 gris en direction du «Zéro émission nette», devrait accompagner de facto la transition vers une architecture moins dépendante du béton et des autres matériaux à fort impact carbone.

Que fait Minergie-ECO pour assurer une mise en œuvre conforme aux objectifs? Ici aussi le label ne peut pas se substituer au rôle des autorités, des équipes de planification et des entreprises pour assurer la qualité. Néanmoins, la procédure de certification Minergie-ECO contribue à renforcer le contrôle de qualité de l’exécution à l’aide de plusieurs mesures : visite de contrôle aléatoire sur chantier, mesures obligatoires de réception de la qualité de l’air, deuxième contrôle sur dossier à la fin de la réalisation.

Avec le nouveau Minergie-ECO, nous offrons aux maîtres d’ouvrages un instrument concret de mise en œuvre de leurs stratégies climat et durabilité. Nous en appelons aux professionnels de la construction : vous pouvez vous inscrire librement sur la plateforme en ligne; à partir de là créer un projet réel ou fictif, répondre aux critères et tester ainsi les effets du système de pondération du label. Proposez-le ensuite aux maîtres d’ouvrages et faites-nous part de vos commentaires et questions. Cela contribuera à faire avancer ces enjeux importants pour le secteur de la construction et la société dans son ensemble.

Sébastien Piguet est directeur romand d’ecobau.

NdR: Ce texte a été proposé à l’auteur afin de livrer une réponse indirecte et poursuivre les discussions autour des labels, peu après la parution de notre enquête en février 2024. Celle-ci comportait quelques imprécisions sur le complément Minergie-ECO, menant à des critiques devenues entre-temps obsolètes avec la nouvelle version ou qui relèvent de pratiques ancrées chez les professionnel·les. Pour l’auteur, la nouvelle version de ECO serait plus flexible, plus en phase avec des préoccupations actuelles et donc mieux à même de répondre aux attentes d’une partie de la profession en matière de construction durable.

Références:

 

Article paru dans Tracés le 26 février 2024: Le la­bel n’in­cite pas à une vi­sion ho­lis­tique, il met des choses dans des cases

 

Tout savoir sur le nouveau supplément Minergie-ECO: https://www.minergie.ch/fr/certification/eco/

 

Formations sur Minergie-ECO à Lausanne le 29 octobre: https://www.ecobau.ch/fr/agenda

En savoir plus sur le complément ECO

 

Avec cette révision, le complément ECO est passé de 82 à 57 prescriptions. La mise à jour a aussi permis de passer de 22 à 3 catalogues de prescriptions.

 

L’énergie et le CO2 de tous les transports des matériaux sont pris en compte, à l’exception de la livraison depuis le dépôt du grossiste en Suisse jusqu’au chantier.

 

50% d’autonomie en lumière naturelle suffit. Sur les rénovations ECO, cela peut être même plus bas, puisque le minimum requis est de ne pas péjorer la situation avant rénovation.

 

Les stores toiles sont aussi admis par le label, mais moins efficaces que les stores à lamelles pour concilier confort thermique estival et besoin en lumière naturelle.

Notes

 

1.  La documentation peut être consultée sur: https://www.minergie.ch/fr/certification/eco/

 

2. Les principales parties prenantes du complément ECO sont l'association ecobau (donc les maîtres d'ouvrages publics), l'association Minergie (puisque ECO vient en complément du label Minergie), ainsi que les utilisateurs du label (bureaux d'architectes et d'ingénieurs, respectivement entreprises générales). Ce sont ces parties prenantes qui ont été formellement consultées. Mais nous avons aussi cherché à proposer une approche et des exigences réalistes par rapport aux autres parties prenantes d'un projet de bâtiment, notamment les entreprises et les fournisseurs de matériaux.

 

3.  Il n’y a pas encore d'exemple de projets prenant en compte la nouvelle prescription Innovation. En effet, les requérants peuvent encore utiliser l'ancienne version du label (celle qu'ils connaissent le mieux) jusqu'en septembre 2024. L’office de contrôle dispose d’une certaine marge de manœuvre pour décider de ce qui est innovant ou pas. Un deuxième avis pourra être sollicité en interne en cas de contestation.

 

4. Le catalogue de prescriptions peut être consulté en ligne sur minergie.ch. Il s'agit en l’occurrence des prescriptions 140.03 et 140.04. Nous nous sommes efforcés, pour les deux prescriptions concernées, de ne pas aller à l'encontre de l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Il s'agit plutôt de motiver ceux qui le peuvent à bouger d'avantage dans et autour du bâtiment. Cela passe notamment par une revalorisation de la cage d'escalier, qui ne devrait pas se résumer à un espace de circulation, mais être aussi un espace de vie et de rencontre.

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