Agrandissement du tunnel CFF de St-Maurice
Le tunnel de St-Maurice se trouve sur la ligne du Simplon où les CFF se sont engagés à faire passer les trains à deux étages à l’horizon 2018. Les travaux entrepris pour l’agrandissement du profil ont été réalisés en maintenant une voie en exploitation. Les derniers mètres cubes excavés l’ont été par minage lors d’une ambitieuse opération coup-de-poing, menée en novembre 2015.
Situé sur la ligne Lausanne-Brigue et mis en service en 1859, le tunnel de St-Maurice a une longueur de 489 mètres, dont 35 de tranchée couverte côté St-Maurice. Excavé dans du calcaire, il n’est revêtu de moellons qu’au nord sur une longueur de 150m.
Plus de 240 trains circulent quotidiennement dans le tunnel, avec des pointes à quinze trains par heure, soit un passage toutes les quatre minutes. La nuit, le trafic ne s’interrompt pas, avec le passage de trains voyageurs France – Italie et de trains marchandises.
Aucune alternative de déviation n’étant possible, le maintien de cette ligne en service pendant les travaux d’agrandissement était donc imposé. Le choix a alors été fait de réaliser ces travaux par demi-section : la circulation des trains a été maintenue sur une seule voie durant tout le chantier, laissant la seconde à disposition pour les travaux.
Certains travaux, notamment ceux pour la mise en place de la paroi de protection à l’entrevoie, ont tout de même nécessité l’interruption totale du trafic et le déclenchement de la ligne de contact. Un intervalle de nuit de cinq heures a été défini. Lors de ces nuits (240 au total entre 2013 et 2016), des bus ont été mis en place pour les voyageurs des derniers trains de la soirée. Des interruptions plus longues ont également été nécessaires. Ces opérations spéciales, appelées coup-de-poing (OCP), désignent des travaux qui nécessitent l’interruption totale du trafic sur une longue durée, ici sur deux week-ends de 53 heures, du vendredi 22 h 40 au lundi 3 h 30.
De tels week-ends nécessitent un énorme travail de préparation de la part de l’entreprise, qui ne peut se permettre d’avoir du retard, mais aussi de la part des CFF qui doivent réorganiser tout le trafic voyageurs. Les dates de ces week-ends sont fixées plus d’un an à l’avance.
Aucune de ces mesures d’exploitation (simple voie, nuits, week-ends) n’étant flexible, l’organisation du phasage des travaux est essentielle.
Objectif des travaux
L’objectif principal était de permettre le passage des trains à deux étages et ainsi d’accroître le profil actuel du tunnel au profil d’espace libre PEL OCF 2/S2. Les travaux devaient aussi adapter l’ouvrage aux normes et aux standards CFF, en particulier pour l’auto-sauvetage, mais aussi pour diminuer les travaux d’entretien. Les contraintes à prendre en compte durant l’exécution des travaux étaient les suivantes:
- préservation de l’exploitation d’une voie ferroviaire en toute sécurité;
- maintien de la ligne à haute tension qui traverse le tunnel;
- maintien de la forteresse Dufour inscrite au patrimoine côté Bex;
- respect des aspects environnementaux: vibrations, sons solidiens et protection des eaux souterraines.
Le tunnel est entièrement creusé dans les calcaires gris-clair du Valanginien, une roche globalement massive et très résistante. L’orientation générale des bancs est subhorizontale, légèrement inclinée vers le portail Bex. Des venues d’eau, présentes dans les zones moellonées côté Bex, ont nécessité la mise en place d’une étanchéité projetée avant la mise en place du revêtement.
L’agrandissement du gabarit du tunnel impliquait une augmentation de sa hauteur. Côté St-Maurice, la présence de la gare ne permettait pas de changer le niveau des voies. A l’autre extrémité, la présence de la forteresse Dufour, valeur patrimoniale (galerie avec sept meurtrières), ne permettait pas de toucher la calotte du tunnel. L’agrandissement du tunnel a donc été réalisé avec un profil variable plongeant côté Bex induisant une excavation de la calotte côté St-Maurice et une excavation en radier côté Bex.
Phasage et paroi de protection
Pour assainir le tunnel en respectant les contraintes d’exploitation des CFF et celles du site, il a fallu procéder par étapes. Compte tenu de la bonne tenue de la roche, il a été décidé de réaliser ces travaux par demi-section. Pour garantir la sécurité de l’exploitation de la ligne ferroviaire et celle des ouvriers travaillant dans le tunnel, une paroi de protection a dû être installée entre les deux voies dans le tunnel.
Le concept de la paroi de protection a fait l’objet de nombreuses réflexions puisqu’elle devait assurer des fonctions distinctes selon les principales phases des travaux (lire encadré ci-dessous):
- travaux côté Rhône : soutènement de la voie en service (soutènement type « berlinoise » en partie inférieure), tout en créant une barrière physique entre le chantier et la zone de circulation des trains.
- travaux côté montagne : modification de sa partie supérieure avec pose d’une béquille pour permettre l’excavation et le soutènement de la partie centrale de la calotte.
Cette paroi a donc été réalisée en profilé d’acier planté en radier dans des tubes forés, et ancrée côté montagne avec des ancrages type swellex et du béton projeté. Entre les profilés, des treillis métalliques ont été mis en place.
La paroi était en outre dotée d’un dispositif sonore et lumineux d’avertissement des trains (Minimel), avec un système permettant de stopper la circulation des trains en cas d’accident.
L’opération coup-de-poing 2015
Du fait de la proximité immédiate du tunnel avec la gare de St-Maurice, un aiguillage situé dans le tunnel distribue les trains entre les quais 1 à 5 de la gare. Le trafic ferroviaire empêchait de neutraliser le côté amont de la zone de l’aiguillage (env. 100m). L’excavation et le soutènement de ce parement ont donc dû faire l’objet d’une opération spéciale durant le week-end du 7 au 8 novembre 2015, pendant lequel le trafic ferroviaire a été totalement interrompu.
Le travail à réaliser durant les 53 heures à disposition consistait à:
- démonter la ligne de contact;
- protéger les voies et les installations ferroviaires;
- excaver les 800 m³ de rocher en place sur une longueur de 76m;
- forer et mettre en place 90 ancrages en fibre de verre à l’aide de deux jumbos (machines servant à forer les trous dans le rocher);
- appliquer 15 cm de béton projeté avec deux robots;
- enlever toutes les protections;
- remonter la ligne de contact;
- effectuer les divers contrôles de sécurité avant la remise en service de la voie.
Pour respecter le cahier des charges, l’excavation par minage a semblé la méthode la plus appropriée. Chaque tâche a été étudiée en détail afin de trouver les rendements optimaux. L’enchaînement des opérations a été minutieusement planifié, certaines tâches étant réalisées simultanément. Prévu initialement en plusieurs tirs, le minage des 800 m³ de parement (d’une épaisseur variant de 30 cm à 1.20 m) a finalement été réalisé en une fois, pour réduire le nombre d’opérations.
Au vu de sa complexité (il s’agissait du plus important tir en Suisse par le nombre de charges simultanées), ce travail a été confié à un spécialiste du minage. Le plan de tir prévoyait près de 1500 trous à charger, impliquant la réalisation de quelque 1600 m de forage.
La préparation de l’OCP a débuté deux mois avant le week-end retenu, pendant des nuits où l’interruption totale de circulation ferroviaire était programmée. Dès le passage du dernier train, la circulation était interdite et la ligne de contact déclenchée (15 000 V) pour permettre aux équipes de génie civil de travailler en toute sécurité : chaque nuit, dès 23 h 00, une quinzaine d’ouvriers en moyenne entraient en activité et chaque matin, à 3 h 35, toute la zone de travail devait être libérée pour laisser les trains circuler. Une surface au sol de 1000 m² était à protéger et à rendre carrossable pour la circulation des engins sur pneus pendant le week-end de l’OCP. La protection des parties mobiles et des différents instruments (moteur et signaux) de l’aiguillage n’a pas été une mince affaire. En parallèle, les positions des forages ont été tracées puis forées. Grâce aux garanties données par le mineur, une partie du chargement des trous (y compris détonateurs !) a pu débuter 48 heures avant la fermeture du week-end.
Le vendredi 6 novembre à 22 h 40, les équipes se sont mises simultanément au travail pour démonter la ligne de contact, terminer le chargement des trous de minage et installer la protection des voies. Le samedi matin à 9 heures, tout était prêt, les 1492 charges explosives étaient en place et l’ordre de tir était donné : 3.3 secondes plus tard, le minage était terminé.
Le résultat s’est avéré parfait, sans sous-profil. Il ne restait qu’un tas de marin à évacuer, ce qui a été réglé tambour battant en quelque 6 heures, depuis les deux côtés du tunnel, à l’aide de dumpers et de camions basculants.
Le samedi soir, 90 ancrages en fibre de verre ont été mis en place, pour sécuriser la cavité dans la zone où la stratification subhorizontale du rocher était défavorable. Dans la nuit de samedi à dimanche, les jumbos ont été remplacés par deux robots de béton projeté qui ont été alimentés jusqu’à 17 h 30 le dimanche par une batterie de camions malaxeurs : 196 m³ de béton projeté ont ainsi été appliqués sur le parement du tunnel.
Il ne restait dès lors plus qu’à nettoyer le rebond de béton projeté et à déposer les protections des voies (30 tonnes d’acier). Dès 21 heures, les équipes du génie ferroviaire ont remonté la ligne de contact et les différents éléments pour la circulation des trains, marquant ainsi la fin de l’opération.
Le timing a été scrupuleusement respecté, permettant le passage du premier train le lundi matin, comme prévu. Cela a été un travail d’équipe formidable, couronné de succès grâce à l’engagement sans faille de chacun. L’inauguration du tunnel a eu lieu le 26 avril 2016.
Phasage des travaux
Phase 1 – Travaux côté Rhône (2 sept. 2013 - 22 mars 2015):
- Montage de la paroi de protection entre les deux voies;
- de nuit avec trafic ferroviaire interrompu;
- Fermeture de la voie au trafic ferroviaire (18 novembre 2013), enlèvement des voies et du ballast;
- Exécution d’une longrine avec ancrages actifs dans la zone de moellons (calotte conservée);
- Agrandissement de la section à l’aide de brise-roches hydrauliques montés sur pelles (env. 20 m3/ml);
- Captage des venues d’eau et mise en place d’une étanchéité projetée dans la zone aquifère (150 m);
- Mise en place du soutènement constitué localement de boulons et de 15 cm de béton projeté fibré;
- Exécution de la banquette, pose du drain et bétonnage d’un radier;
- Modification de la paroi de protection pour exécution des travaux côté montagne;
- Mise en place du ballast, pose provisoire de la nouvelle voie et de la ligne de contact;
- Mise en service de la voie Rhône le 22 mars 2015.
Phase 2 – Travaux côté montagne (22 mars 2015 - 5 avril 2016):
- Enlèvement des voies et du ballast;
- Modification complémentaire en calotte de la paroi de protection de nuit avec trafic ferroviaire interrompu;
- Exécution d’une longrine avec ancrages actifs dans la zone de moellons;
- Agrandissement de la section à l’aide de deux brise-roches hydrauliques montés sur pelles (env. 20 m3/ml);
- Captage des venues d’eau et mise en place d’une étanchéité projetée dans la zone aquifère (150 m);
- Mise en place du soutènement constitué localement de boulons et de 15 cm de béton projeté fibré;
- Exécution de la banquette, pose du drain et bétonnage d’un radier;
- Démontage de la paroi de protection de nuit avec trafic -ferroviaire interrompu;
- Mise en place de ballast;
- Tirage des câbles, pose de la voie et de la ligne de contact;
- Transfert du trafic ferroviaire sur voie montagne (5 avril 2016).
Phase 3 – Travaux côté Rhône (5 avril 2016 - 2 mai 2016):
- Mise en place de la voie à son niveau définitif;
- Finition des banquettes côté Rhône;
- Pose de la LC définitive;
- Mise en service définitive des deux voies (2 mai 2016).
Intervenants
Maître d’ouvrage: CFF, Lausanne
Ingénieurs civils: Groupement d’ingénieurs BG-MPAIC-PRA
Entreprise: Implenia Suisse SA
Film du tir
Pour Visualiser le film du tir réalisé par les CFF cliquez ici