EUROPAN 18
Urbanisme tactique et forestier à Genève
Quinze sites et une forêt mobile: à Genève, Europan 18 invite à expérimenter un urbanisme tactique, destiné à tester à l’échelle 1:1 des stratégies d’arborisation face aux îlots de chaleur.
À Genève, parler de végétalisation de la ville revient dans la grande majorité des cas à convoquer le plan des zones et liaisons de verdure de Braillard (1948), référence cardinale d’un idéal inachevé. Une force tellement évocatrice qu’elle inscrit les politiques de la Ville comme du Canton dans une continuité historique qui n’aurait été interrompue que pendant les quelques décennies de règne finissant du tout-auto1. Tandis que les services de l’aménagement en poursuivent l’héritage plan après plan, projet après projet, l’issue du concours Europan 18 pourrait lui offrir une perspective de tridimensionnalité quasi immédiate. Et festive.
Planter pour penser la ville
C’est sous une appellation chargée d’imaginaire, Moving (with) trees, que quinze sites répartis sur le territoire genevois sont confiés à la réflexion des concurrent·es. Ce qui les relie ? Leur ancrage dans la ville constituée, et leur forte exposition aux phénomènes d’îlots de chaleur. Ce nouveau concours Europan a ceci de particulier à Genève qu’il invite les participant·es à penser un urbanisme tactique, en complément des stratégies environnementales cantonales, en particulier la Stratégie d'arborisation de l'aire urbaine genevoise votée en 20242. Ils et elles devront proposer une «forestation itinérante», à l’image de l’initiative lancée en 2022 à Leeuwarden (Pays-Bas), où quelque 1200 arbres plantés dans des bacs sur roulettes ont été déplacés d’un espace public à un autre pour sensibiliser la population à la présence du végétal en ville.
Concrètement, chaque projet devra s’ancrer sur l’un des sites proposés et détailler le choix des essences végétales, ainsi que le mobilier associé, avant de préciser les aspects logistiques liés à leur déploiement. Il s’agit également de définir un parcours, un calendrier, d’esquisser une programmation, et d’en démontrer l’impact positif sur l’espace public immédiat et les rez-de-chaussée en lien avec les mobilités – tout un programme ! Habitué·es aux manifestations culturelles temporaires, les Genevois et Genevoises ne seront probablement pas surpris·es par le format proposé. Mais derrière son apparente légèreté créative, le projet prévu pour 2026-2027 ne se limite pas à de l’animation urbaine, les autorités cantonales et municipales en attendent un retour d’expérience pour porter à l’étude dès 2028 l’implantation d’une ou plusieurs micro-forêts dans l’espace urbain. Une démarche locale qui pourrait alimenter le débat international, tant le réchauffement climatique concerne toutes les villes
Le recours au concours Europan permettra sans doute d’apporter un regard extérieur, un peu de fraîcheur donc, et de sortir du cadre de la planification conventionnelle le temps d’une procession arboricole esquissée. Sa mise en œuvre dans l’espace, en tant que passage à l’échelle 1:1, tiendra, elle, lieu de démonstration: en matérialisant ce qui était encore à l’état de plan, il sera possible de clarifier des choix, d’en prioriser certains, tout en désamorçant certaines oppositions, voire – on le souhaite - en créant de nouvelles convictions.
Quelque chose d’autre se dégage de ce concours Europan genevois à l’échelle multisite. Dans ce programme d’urbanisme tactique, la référence au «nouveau régime climatique» anticipé par (feu) Bruno Latour dépasse l’invitation à abolir la frontière entre nature et culture. Les inégalités face aux îlots de chaleur mentionnées dans la documentation du concours laissent transparaître en filigrane une lecture plus inquiète du territoire, une forme de vigilance. Plus qu’une stratégie de rafraîchissement par le boisement, l’urgence est aussi de préserver les rares espaces encore non artificialisés.
Notes
1. Voir l’article de Marie-Christine Beris «Quelque chose se trame à Genève», TRACÉS 02/2025.
2. Si la plupart des projets Europan ne sont pas réalisés, le cahier des charges précise ici – peut-être en raison du caractère transitoire, peu coûteux et potentiellement réalisable du projet – que «la ou les équipes lauréates seront impliquées à la maîtrise d’œuvre urbaine pour la réalisation d’un projet d’urbanisme tactique intégrant des espaces publics bioclimatiques».
CALENDRIER EUROPAN 18
Inscriptions ouvertes depuis le 3 mars
Rendu des projets: 29 juin 2025
Publication des résultats: 17 novembre 2025