Le Bau­haus est une idée

Editorial du numéro 19/2019

Date de publication
25-09-2019

Les deux musées érigés à Weimar et Dessau à l’occasion du centenaire de l’école du Bauhaus sont deux échecs retentissants. Le premier est un cube de béton triste, hermétique, à la tectonique pesante et aux proportions monumentales. Il a bien vite été comparé aux bâtiments du Gauforum situé à proximité – cet ensemble érigé au temps du national socialisme.

Le second a été inauguré il y a deux semaines. C’est un immense volume sombre, qui impose sa présence angoissante à côté du parc de Dessau. Parmi les 500 équipes qui ont participé au concours, c’est le concept miessien de jeunes architectes barcelonais (Addenda) qui a emporté l’adhésion du jury : une black box de 50 m de long qui semble flotter au-dessus d’un grand plateau d’exposition. Le tout est emballé dans une peau de verre, que les architectes comparaient, dans les mots comme dans les images de synthèse, à un « cristal transparent ». Pour accentuer cette transparence, les lauréats ont simplement omis de représenter les vitrages dans leurs images de synthèses. Difficile à croire, mais le jury ne s’est visiblement pas aperçu de la supercherie, après ces décennies postmodernes marquées par les immeubles de bureaux aux reflets sombres. Contrairement à son modèle, l’école dessinée en 1926 par Walter Gropius (vitrages simples), la façade du nouveau musée (triples vitrages) n’est pas transparente : elle reflète les immeubles alentours, les tristes Plattenbau de la RDA.

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Les deux bâtiments illustrent à la perfection ce conflit récurent entre des architectes, qui apprécient un projet par ses plans, et des usagers, qui découvrent sa manifestation matérielle. Les deux musées du centenaire donnent tristement raison aux accusations les plus dures adressées au courant dont le Bauhaus serait l’origine, selon ses détracteurs : une architecture qui, parce qu’elle est pensée de manière rationnelle, scientifique, serait insensible, froide, inhumaine.

Or, pour ses défenseurs, le Bauhaus est précisément l’inverse : ce n’est pas un style, un formalisme figé, c’est au contraire l’école où la curiosité, l’expérimentation, l’expression personnelle était la plus poussée, comme l’explique Ákos Moravánszky (voir p. 7). C’est l’école de la création par excellence. Les disciplines, tissées entre elles, ouvrirent un rapprochement, d’abord entre ateliers et industrie, puis entre sciences de la conception et sciences humaines.

Quelle occasion manquée ! C’est dans cet esprit que l’on aurait pu concevoir un bâtiment qui réponde aux préoccupations contemporaines : un bâtiment-climat, un bâtiment-forêt, un bâtiment-data, ou mieux : pas de bâtiment du tout. Le Bauhaus n’est pas un style, c’est une idée.

 

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