Le fu­tur se con­jugue au passé

La conservation comme métier au SAM

Le Musée suisse d'architecture à Bâle (SAM) propose une exposition manifeste sur la conservation. Celle-ci n'a rien de conservatrice, elle serait même progressiste – et depuis les années 1970. En réponse aux attaques contre l'ISOS, elle prône une définition élargie de la protection patrimoniale.

Date de publication
23-04-2025

En partenariat avec la chaire de Konstruktionserbe und Denkmalpflege de l’ETH Zurich (Pr Silke Langenberg), le S AM lance un nouveau manifeste pour l’Umbaukultur: le progrès, lit-on en introduction, est dans la conservation ! «Le patrimoine souffre d’un problème d’image», explique Andreas Ruby, directeur du S AM. On l'a croit désuète et conservatrice, alors qu'elle est née d'une opposition des politiques dominantes et surtout en réaction aux démolitions des centres historiques qui sévissaient dans les villes européennes au lendemain de la seconde guerre mondiale. Dans sa première salle, l'exposition commence donc par briser certaines idées reçues, chiffres à l’appui. Elle commence en 1975, première «année du patrimoine» déclarée par le Conseil de l’Europe. On découvre qu'il y a cinquante ans déjà, en pleine prise de conscience des problèmes environnementaux, on débattait des mêmes problèmes qu'aujourd'hui, essentiellement sur le périmètre de protection patrimoniale: faut-il protéger des objets, des ensembles, des paysages entiers? Les architectes se sont alors intéressés au passé, mais surtout pour s'en inspirer, rarement (ou alors très discrètement) pour œuvrer dans la sauvegarde de l'existant. Conservateurs et architectes se regardaient alors avec beaucoup de méfiance. Cette exposition prend le contre-pied pied du récit architectural officiel des dernières décennies et en propose un nouveau, concentré cette fois-ci sur la conservation comme métier et les interactions entre les deux disciplines. 

La seconde salle est dédiée aux pratiques contemporaines, avec une sélection d’«expérimentations entre architecture et conservation» élaborée par les étudiant·es en Master du département architecture de l’ETH Zurich et ceux du CAS Preservation. Tous ces projets démontrent qu’il n’y a pas de solution systématiquement applicable, car chaque intervention est le fruit d’une analyse détaillée, établie en dialogue avec les différentes parties prenantes – dont l’édifice, sujet principal de cette conversation. On constate également que la sélection propose un mélange intéressant d’édifices assez banals, non pas les monuments qui sortent de l’ordinaire, mais bien ce qui compose le tissu des villes. 

Conserver au passé, au présent, au futur

La troisième salle, elle, est consacrée à un monument, et surtout l’une des rénovations les plus réussies de Suisse, celle du Kongresshaus et de la Tonhalle de Zurich. Cet ensemble Neues Bauen conçu par Häfeli Moser Steiger à l’occasion de l’Exposition nationale de 1939 était déjà une extension englobant un projet datant… de 1895. La restauration a été menée avec soin par le consortium Boesch-Diener. Mais l’édifice exceptionnel doit surtout sa sauvegade à la mobilisation populaire : menacé d’être démoli, il a été sauvé de la démolition par une initiative citoyenne, en 2008.

Enfin, l’exposition ose interroger l’avenir, en prolongeant la réflexion jusqu’en... 2075. La sauvegarde est une contribution essentielle à la lutte contre le réchauffement. Or la part du parc protégée n’est que de 6 à 10 % selon les pays européens: n’est-il pas temps, se demandent les commissaires, d’élargir notre définition du patrimoine ? Tandis que l’ISOS subit des pressions fortes et des attaques ciblées du monde de l’économie, cet appel à calculer la valeur réelle du patrimoine est plus que bienvenu. Denkmalpflege signifie en allemand littéralement «soin donné à ce qui nous fait réfléchir». Eh bien, la prochaine fois, réfléchissons bien avant de démolir.

Exposition – jusqu’au 14.09.2025

Was War Werden Könnte

Musée suisse d’architecture S AM, Bâle

sam-basel.org

Étiquettes

Sur ce sujet