Pay­sages éner­gé­tiques

article de cadrage

Que ce soit pour des projets hydroélectriques ou photovoltaïques, les Alpes seront en première ligne pour assurer le virage énergétique que la Suisse entende prendre d’ici 2050: quelles en seront les conséquences sur le paysage?

Date de publication
09-12-2024

À l’exception de quelques zones situées principalement en haute montagne, il n’existe plus vraiment de territoire sauvage – wilderness – en Suisse. Peu ou prou, nos paysages résultent directement de l’activité humaine. Et cette empreinte peut se révéler qualitative, que ce soit en termes d’esthétique (pensons au vignoble en terrasses de Lavaux) ou même de biodiversité (les prairies et pâturages alpins résultant du déboisement). Elle peut aussi se révéler catastrophique: l’exploitation de la houille blanche dans les Alpes a par exemple très fortement dégradé les rivières et les écosystèmes qui leur sont associés en raison de la faiblesse des débits résiduels, des problèmes de colmatage du lit et des fortes variations de débit.

Pour décarboner leurs activités, nos sociétés se tournent vers le tout électrique. Mais, alors que les effets du réchauffement climatique se font ressentir plus fort et plus rapidement en montagne qu’ailleurs, c’est paradoxalement cette dernière qui aiguise les appétits des énergéticiens. Soutenus par la Confédération, ils y prévoient des «offensives» massives dans les domaines du photovoltaïque et de l’hydroélectrique. Ce déploiement aura indubitablement un énorme impact sur un paysage déjà fragilisé et en pleine mutation. On peut le regretter, et se dire qu’une nouvelle centrale nucléaire pourrait éviter le sacrifice de nos derniers espaces «sauvages».

On peut aussi faire le pari d’une nouvelle approche. Ne pas simplement poser des objets techniques, comme des panneaux photovoltaïques, dans un environnement fantasmé comme vierge, mais au contraire faire de ces interventions énergétiques de véritables projets de paysage, comme le plaide l’architecte Alessandra Scognamiglio.

Comme dans l’agriculture, où il est possible de développer des synergies entre productions alimentaire et énergétique. Dans un champ, la structure exogène d’un panneau photovoltaïque peut ainsi se transformer en canopée, réduisant les risques liés à la chaleur et au gel, ou encore les besoins en irrigation.

Les solutions créatives et intelligentes existent. Elles mériteraient qu’on leur donne le temps de se développer. Et pour cela la Confédération ferait mieux d’envisager sa stratégie solaire en termes de planification que de financement. L’offensive photovoltaïque Solar Express, avec ses airs de ruée vers l’or, accorde malheureusement la priorité à ceux qui dégaineront les premiers, et non à ceux qui feront le pari du temps et de la réflexion.

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