Une mai­son de rêve à la cam­pagne, ou les dif­fi­cul­tés du vivre en­semble

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Le film "Un million, clé en main", réalisé par H. C. Potter en 1948, se penche sur la problématique du "vivre ensemble" et sur la construction d'une villa rêvée

Date de publication
03-06-2015
Revision
21-10-2015

Adaptation cinématographique du roman à succès publié par Eric Hodgins en 1946, Mr. Blandings Builds His Dream House (Un million, clé en main), de H. C. Potter, sort en 1948. Il a pour protagonistes deux stars du cinéma américain : Cary Grant dans le rôle du personnage-titre, le publicitaire Jim Blandings, et Myrna Loy dans celui de sa femme, Muriel. Au sujet principal du livre, la construction de la maison de rêve de Monsieur Blandings, le long-métrage ajoute, dès l’ouverture, une thématique à laquelle le public des villes modernes était sans doute sensible : la difficulté de vivre ensemble. 

Le film s’ouvre sur une série d’images de la ville de New York – une vue aérienne de ses gratte-ciel, la multitude de passagers qui essaient d’entrer dans les rames du métro, les cafés pleins de monde où les clients avalent des sandwiches à toute allure, une plage bondée où il faut se battre pour s’allonger sur le sable. Ces images sont accompagnées d’une voix off qui énumère, non sans ironie, les superlatifs concernant le « confort de la métropole », dont les 7 millions de New-Yorkais d’alors pouvaient s’enorgueillir. Par exemple, tandis que le narrateur mentionne les larges boulevards qui provoquent des rencontres harmonieuses et paisibles entre ses habitants, la bande-image montre des voitures coincées dans un embouteillage, avec des chauffeurs qui klaxonnent impatiemment. C’est Bill Cole (Melvyn Douglas) qui joue le rôle du narrateur. Avocat et ami du couple de protagonistes, il les présente au public juste après cette introduction en disant que, « comme des milliers de New-Yorkais, les Blandings sont des habitants d’appartement ».

Nous faisons la connaissance des Blandings au réveil, depuis la perspective du chef de famille. Il se lève et se dirige vers le dressing, où il peine à retrouver ses vêtements, perdus parmi ceux de sa femme ; il cherche ses chaussettes dans un tiroir, et retrouve une nuisette de Muriel ; il essaie d’entrer dans la salle de bains, mais elle est occupée par une de ses deux filles. Un plan séquence pour découvrir toutes les pièces de l’appartement suit les déplacements de Jim qui prend une tasse de café pour sa femme à la cuisine et récupère son journal sous la porte. A chaque mouvement, il est obligé de contourner des obstacles : il évite une chaise, saute par dessus le fauteuil, s’arrête net pour ne pas bousculer sa fille qui sort finalement de la salle de bains. Une fois à l’intérieur, à faire sa toilette, Jim doit être attentif à la menace des cosmétiques qui lui tombent dessus depuis le placard, bourré. Pas besoin de plus pour comprendre le malheur de cet homme qui doit travailler pour entretenir les quatre femmes de sa vie : son épouse, leurs deux filles, l’employée de maison.

Pas difficile non plus de comprendre comment il tombe amoureux d’une maison en ruines dans la ville fictive de Landsdale, dans le Connecticut, et décide de l’acheter. Les péripéties liées au mauvais état de la vieille demeure et aux onéreux travaux de construction de la nouvelle assurent les rires des spectateurs – parfois nerveux – tout le long du film. Evidemment, la maison de rêve aura ses inconvénients. Le chef de famille devra se lever avant 5 heures du matin afin de prendre son train pour New York. Dans cette nouvelle vie, il se sentira sans doute protégé de la foule, mais encore plus isolé qu’avant au milieu de ses femmes.

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