Galerie souterraine de la route de Morat
Partie intégrante du Projet Poya qui vise à relier les quartiers du Schönberg et du Palatinat afin de désengorger le centre-ville de Fribourg, le lot C porte essentiellement sur la transformation de la route de Morat entre les voies CFF et l’autoroute
Le projet comprend toute l’infrastructure à deux niveaux (schéma 1 et schéma 2) requise pour relier la route de Morat au tunnel de la Poya (lot D) puis au pont de la Poya (lot E). La chaussée supérieure, réservée à la mobilité douce, aux riverains et aux transports publics, permet une liaison ininterrompue nord-sud, alors que la chaussée inférieure comprend un giratoire souterrain et assure le transit nord-sud ainsi que la liaison directe avec le tunnel et le pont de la Poya.
Le lot C comprend la réalisation de deux trémies (Grives 97 m et Guisan 95 m), de trois galeries de section rectangulaire munies de puits de lumière et d’aération (Stade 185 m, voir fig. 5, pont CFF 81 m et St-Léonard 76 m) ainsi que du carrefour St-Léonard accueillant un giratoire souterrain à trois branches avec un pilier central en forme de cône pourvu d’une structure annulaire ajourée (photo 1 et photo 2).
Défi technique
Le défi technique majeur du projet consiste à réaliser ces infrastructures en milieu urbain en maintenant intégralement le trafic pendant les travaux dans des terrains meubles et sous nappe phréatique.
La conception de l’ouvrage et le déroulement des travaux répondent en premier lieu au souci de garantir la sécurité du trafic routier, cycliste et piétonnier, de limiter le risque d’engorgement tout en maintenant la pérennité des manifestations se déroulant sur le site (patinoire, salle de basket, terrain de football, cirque, salle des fêtes,
). La réalisation en milieu urbain se caractérise en outre par la nécessité de limiter les nuisances sonores, les vibrations et les poussières, ainsi que les tassements des bâtiments adjacents et des voies CFF.
La présence de nappes en écoulement requiert des mesures conceptuelles particulières aussi bien en phase de chantier qu’en phase d’exploitation de l’ouvrage pour limiter l’effet de barrage induit par l’ouvrage. Les venues d’eau, la poussée d’Archimède et les aléas relatifs aux conditions géologiques et géotechniques constituent des risques supplémentaires à maîtriser.
Enfin, la maîtrise des coûts et des délais d’exécution constituent les deux objectifs majeurs du maître d’ouvrage.
Géologie, hydrogéologie et fouilles
L’ouvrage est essentiellement réalisé dans des alluvions glaciolacustres et fluvioglaciaires ainsi que dans de la moraine remaniée sous-jacente peu perméable. Ces terrains meubles reposent sur une moraine de fond très dure et étanche.
Deux nappes phréatiques, alimentées par des circulations dans les couches inférieures et supérieures des alluvions fluvioglaciaires, sont reconnues. Elles sont en écoulement souterrain, essentiellement du sud-est vers le nord-ouest.
Afin de limiter les tassements des bâtiments voisins et de maîtriser les coûts, l’option a été prise de réaliser la plupart des fouilles à l’abri de parois de palplanches fichées dans la moraine de fond étanche. Elles sont étayées par deux niveaux de butons (photo). Un ameublissement préalable, réalisé au moyen de machines de pieux, a été nécessaire pour permettre le fonçage des palplanches dans les couches consolidées de la moraine.
L’enceinte de la fouille du carrefour St-Léonard (giratoire) est constituée de deux parois courbes de pieux forés tubés sécants (DN 130 cm, e = 2.2 m) côté nord et sud, alors que des palplanches protègent son côté ouest. Un seul plan de butons radiaux est prévu au-dessus de la dalle de couverture. Ces butons sont appuyés au centre sur le pilier central du giratoire qui a préalablement été réalisé à l’aide d’une pré-fouille en cône inversé. Ce concept permet d’éviter les aléas relatifs à la réalisation de tirants d’ancrage actifs sous les bâtiments voisins en partie fondés sur pieux. Le recours à des ancrages actifs est limité à la paroi de palplanches rectiligne.
Un concept mixte palplanches-pieux forés tubés sécants est adopté au droit de la galerie St-Léonard, au pied de la digue CFF, pour limiter les tassements des deux voies ferroviaires (photo). Sous le domaine CFF, la fouille est réalisée en taupe, à l’abri de deux parois moulées, après bétonnage de la dalle de couverture.
Système d’étanchéité et écoulement des nappes
L’étanchéité des radiers non étanchés est assurée par un renforcement de l’armature déterminée sur la base des exigences de fissuration moyennes de la norme SIA 272 (classe d’étanchéité 2).
Les murs et les dalles sont en revanche pourvus d’une étanchéité collée de type LBP.
Le système d’étanchéité est complété par des joints d’étanchéité disposés au droit des joints de travail transversaux du radier et aux interfaces radier-murs.
Les pertes éventuelles à travers la structure monolithique de l’ouvrage sont récoltées dans le coffre de la chaussée inférieure.
Afin de favoriser le rétablissement des écoulements initiaux en phases de chantier et d’exploitation de l’ouvrage, un coffre de graviers ronds de 30 cm d’épaisseur protégé par un géotextile est systématiquement prévu sous les radiers. Ce système de base est complété par des by-pass transversaux.
Concept et analyse des structures
Les trémies et les galeries couvertes, entièrement monolithiques, présentent une section transversale rectangulaire. Elles sont munies de radiers non étanchés prolongés latéralement de 1.5 m pour maîtriser les poussées d’Archimède. Afin d’améliorer la ductilité et la robustesse des structures, on a renoncé à un épaississement local des structures pour garantir la sécurité au cisaillement au profit d’un recours systématique à des étriers. Fortement sollicitée, la structure annulaire située au-dessus du pilier du giratoire (photo) est pourvue d’une précontrainte radiale.
L’analyse structurale des soutènements de fouille a été menée à l’aide de modèles barres, de modèles coques et de modèles aux éléments finis (schéma). Le comportement structural des trémies et des galeries couvertes a généralement été évalué sur la base de modèles barres et coques 2D reproduisant le comportement de la section transversale. Le recours aux modèles coques 3D a cependant été nécessaire pour l’analyse des galeries pourvues d’ouvertures rectangulaires ou circulaires ainsi que pour la galerie du carrefour St-Léonard (schéma 1 et schéma 2).
L’interaction sol-structure a été modélisée au moyen d’appuis élastiques non linéaires avec annulation des tractions et limitation des butées. Le comportement non-linéaire du béton armé (fluage et fissuration) a été pris en compte à l’aide de rigidités sécantes réduites.
Pour le dimensionnement du soutènement de la fouille du carrefour de St-Léonard, les poussées du terrain ont été déterminées préalablement au moyen de modèles aux éléments finis locaux, puis introduites dans un modèle coques et barres global comprenant les butons et le cône central du giratoire (schéma).
Des choix judicieux
La réalisation des ouvrages sous trafic a requis une analyse approfondie des phases évolutives de déviation du trafic et de réalisation des fouilles et des structures. Celle-ci s’est faite en collaboration avec la police cantonale et la préfecture, aussi bien pour l’utilisation courante que lors de manifestations particulières. Ces difficultés associées au maintien impératif des délais d’exécution ont été clairement spécifiées dans le dossier d’appel d’offres.
La réalisation en cours des ouvrages du lot C indique que les choix conceptuels de l’ouvrage permettent de contrôler les risques identifiés en maîtrisant les coûts et les délais, grâce à la participation active de tous les intervenants du projet et de la réalisation.
Bernard Houriet, chef de projet du groupement MPP, et Sylvain Plumey sont ingénieurs civils et travaillent chez GVH Tramelan SA.
Renaud Joliat, chef de projet adjoint du groupement MPP, et Jérôme Nicolet sont ingénieurs civils et travaillent chez SD Ingénierie Fribourg SA.