Laisse béton?
Présentation du dossier consacré au "béton"
Avec les 4.2 milliards de tonnes de CO2 qu’il envoie annuellement dans l’atmosphère pour le produire, le béton est l’ennemi numéro un du climat, loin devant l’aviation. Le recyclage du béton n’y pourra pas grand-chose ; c’est surtout la cuisson, à 1450° C, des éléments entrant dans la composition du ciment qui consomme des énergies, en général d’origine fossile. Malgré les efforts de l’industrie pour diminuer cet impact, le béton représente en Suisse au moins 5 % des émissions de CO2. Ce constat écœurant ne fait que renforcer le sentiment de rejet d’un matériau toujours associé à la morosité grise des constructions d’après-guerre. À l’expression équivoque « bétonner », employée approximativement pour dénoncer toutes les atteintes au paysage, répond des associations toutes aussi approximatives au courant «brutaliste», dont les valeurs sont mal interprétées.
Alors, on laisse béton? Essayons, mais avant cela, il est nécessaire de procéder à une archéologie critique du matériau, revenir à ses origines (multiples) et aux valeurs fluctuantes auxquelles il était associé quand il a été déployé à grande échelle. On découvre alors que le béton est un matériau constamment en évolution, aussi bien dans sa composition que dans sa perception, qu’il est plutôt un procédé, un principe, décliné en une quantité de recettes et de dosages qui devront nécessairement être adaptés. Le béton peut donc, doit même, redevenir un matériau régional, et plus vertueux.
TRACÉS dresse ce portrait à l’occasion de l’exposition Béton (repoussée à 2021) créée par le Musée suisse d’architecture (S AM) en partenariat avec les centres d’archives des écoles de Lausanne, Zurich et Mendrisio : une importante recherche documentaire qui construit une multiplicité de points de vue sur le matériau «fédéral» par excellence, tant il a marqué et marque encore la culture constructive suisse.