Ce que nous avons ap­p­ris du fu­tur

Un rapport de l'année 2050

En 2024, les premiers ateliers du Forum Avenir de la construction ont été tenus par la SIA et espazium. Les participant·es de toute la Suisse ont cherché à définir les contours des professions de demain. En attendant les ateliers 2025, en voici les premiers enseignements. 

Publikationsdatum
15-01-2025

Le premier atelier francophone du Forum Avenir de la construction du 28 août 2024 a rassemblé une cinquantaine de professionnels francophones pour réfléchir à l’évolution de leurs métiers à l’horizon 2050, dans le cadre d’un workshop en ligne. Inspiré par la conférence introductive de Philippe Thalmann, professeur d’économie à l’EPFL, le scénario proposé reposait sur un moratoire sur la construction neuve afin de favoriser la rénovation, l’adaptation du parc immobilier existant et la cohabitation. Ce scénario visait à répondre aux défis environnementaux mais aussi économiques liés à la rénovation massive nécessaire d’ici 2050. En effet, expliquait le spécialiste chiffres à l’appui, la main d’œuvre actuelle n’est tout simplement pas assez nombreuse pour mener ce chantier tinanesque ; un report de l’activité est inéluctable.

Prof. Thalmann a présenté un cadre ambitieux et précis : limiter à l’avenir la croissance des surfaces chauffées, transformer les bâtiments existants pour accueillir davantage d’habitants et développer des filières d’économie circulaire. Il prône également des mesures radicales comme l’extraction des logements des marchés financiers et la promotion de modèles d’habitat plus collectifs. Ces propositions, soutenues par des données précises, ont constitué la base des ateliers.

L’avenir en projets

Les participants ont ensuite été répartis en groupes pluridisciplinaires pour imaginer des projets concrets à partir de six sites spécifiques en Suisse romande, chacun présentant des problématiques variées telles que la réaffectation, la transformation ou l’abandon. Les projets élaborés témoignent d’une créativité mobilisant des concepts contemporains mais sous-exploités aujourd’hui. En voici quelques exemples: 

Repenser le domaine public: Un site sportif a été réimaginé avec deux scénarios : l’un paysager pour améliorer la mobilité, l’autre axé sur la reconversion des infrastructures en espaces de coworking et en potagers urbains, tout en conservant une vocation publique.

Partir du diagnostic: Face à des barres d’immeubles d’après-guerre vétustes, des diagnostics sociaux, patrimoniaux et d’usage des espaces extérieurs ont été proposés pour orienter une réorganisation coopérative des logements et améliorer le partage des espaces.

Collectiviser l’habitat: Un îlot urbain lausannois a été revisité pour intégrer davantage d’espaces communs, densifier les usages des appartements existants et impliquer les habitants dans une gouvernance coopérative.

Reprendre les terres: Un site militaire a été imaginé comme un espace agroforestier autonome, avec réaffectation des bâtiments en pôles agricoles et transformation des friches en cultures, soutenu par une gestion écologique.

Ce qu’on retient pour la suite… 

Le workshop a démontré l’importance de mobiliser des professionnels de la conception dans la planification territoriale, notamment pour leur capacité à envisager rapidement des scénarios innovants intégrant des aspects environnementaux, sociaux et économiques. Il a également mis en lumière des idées encore peu appliquées mais pertinentes, comme la collectivisation des modes de gouvernance et l’usage de modèles coopératifs.

Cependant, des limites sont également apparues, notamment un manque de réflexion sur l’intégration des investisseurs privés, en partie lié au cadre du scénario présenté. Malgré cela, les professionnel·les ont confirmé leur rôle essentiel et leurs capacités dans la transformation des territoires. Pour ce faire, ils ont très bien su employer… les outils d’aujourd’hui. 

D’où les questions, qui ne manqueront pas d’être soulevée dans les prochains workshops: faut-il développer de nouveaux outils ou commencer par appliquer ceux dont nous disposons aujourd’hui? Faut-il inclure d’autres experts dans les ateliers, voire inviter des maîtres d’ouvrages ? Ou du moins présenter les résultats devant des commissions politiques et des décideurs concernées par ces sujets?

Le cycle de vie du futur

La plupart des scénarios ont montré l’importance de développer notre capacité à établir des diagnostics et surtout de mieux appréhender la notion centrale de cycle de vie, qui n’est pas encore assez développée dans la formation et dans la pratique. À partir de quand un bâtiment devrait-il être réaffecté? Comment prolonger sa vie? Comment concevoir des constructions qui se prêteront à l’avenir à la reconversion ou au démontage?

Comme les dossiers TRACÉS de janvier et février le postulent, dans toute l’Europe un même constat est tiré : trop de bâtiments sont démolis pour des raisons économiques alors que leur cycle de vie pourrait être prolongé. Au printemps 2025, les ateliers du Forum Avenir de la construction se poursuivront, avec six rencontres organisées dans toute la Suisse. À cette occasion, le sujet du cycle de vie sera central, et tournera autour d’une question cruciale à laquelle nous invitons déjà nos lecteurs à réfléchir : à partir de combien d’année de vie devrait-on à l’avenir autoriser la démolition d’un immeuble?

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