Salle de spec­ta­cles à Re­nens

Question de méthode

À Renens, le concours pour la rénovation et l’agrandissement de la somptueuse Salle des spectacles a suscité de nombreuses candidatures. C’est une équipe zurichoise qui s’impose, dont l’approche s’appuie délibérément sur une référence forte et reconnue. 
 

Publikationsdatum
05-03-2025

 

La Salle de spectacles de Renens (VD) est un marqueur culturel qui rythme les activités sociales et politiques de toute la commune. Avec ses proportions, ses fresques et mosaïques, l’édifice représentatif des années 1950 est inscrit à l’inventaire cantonal (note 2, importance régionale). Pour restaurer, transformer et ajouter une nouvelle salle à un objet d’une telle valeur, mais aussi traiter l’aménagement paysager d’un site en pleine mutation (avec l’arrivée prochaine du nouveau tram), les initiants hésitaient entre les mandats d’étude parallèles (MEP, SIA143) et le concours sélectif (SIA142), forme de concurrence pour laquelle ils ont finalement opté. Le 143 est employé quand le programme n’est pas fixe. Quant au 142 sélectif, il a l’avantage de proposer une plus large palette de solutions au jury, explique Fabrice Decroux, qui a organisé le concours, mais aussi d’attirer quelques pointures, et donc de placer la barre très haut. Enfin, il est peut-être un peu moins exigeant pour les équipes engagées, mais seules quatre d’entre elles seront indemnisées. 

Sur les soixante candidatures reçues, dix ont été retenues – dont une pour la relève, deux agences internationales, et quatre alémaniques. Voilà qui est peu commun pour une commune vaudoise. Mais sur les quatre lauréats, trois équipes sont pilotées par des bureaux d’architectures établis à Zurich (le quatrième est parisien). Qu’est-ce qui ne va pas chez les Vaudois? Voilà peut-être l’occasion de se demander ce qui distingue, au fond, les approches, voire de tester une hypothèse: les Vaudois abordent le projet par l’usage, les Zurichois par l’image.

Joyeux pragmatisme

Le projet lauréat est celui de l’équipe formée par Conen Sigl Architekten, Gruenberg + Partner ingénieurs chauffage et ventilation (Zurich) et Duo Architectes paysages (Lausanne). Certes, il prend en compte tous les sujets à l’ordre du jour (construction sobre en pisé, réemploi, Design for Disassembly) et porte un soin impressionnant aux détails constructifs, ainsi qu’aux aménagements paysagers, traités avec une évidente simplicité. Mais ce qui nous semble le plus caractériser l’approche est certainement l’image du projet, inscrite dans une tradition réaliste. Nous parlons ici d’image au sens figuré (image, en anglais): la méthode consiste à s’appuyer sur une référence forte, qui sera ensuite patiemment adaptée au site et à l’usage. On aborde ainsi d’emblée les connotations, les valeurs associées au projet – au lieu de les confier à la dernière couche (revêtements, stores, voire coup de peinture), puis à l’image (picture, en anglais) qui sera imprimée sur les planches A0.

Conen Sigl commence par chercher celle qu’ils jugent pertinente dans ce contexte. Le Teatro Oficina est né en 1958 dans un quartier populaire de São Paulo, en lieu et place d’un ancien théâtre religieux, que ses jeunes directeurs transforment de manière à disposer le public en arène. Ils y consacrent le réalisme brechtien et les valeurs démocratiques, du moins jusqu’à la dictature militaire, puis un incendie qui le détruit, en 1966. Lina Bo Bardi n’intervient que dans les années 1980, quand la réputation du lieu est faite. Avec la gracieuse nonchalance qui caractérise ses projets, l’architecte poursuit l’état d’esprit d’origine en traitant littéralement la scène comme une prolongation de la rue (1.5×50m), qu’elle borde d’un trottoir, de plantes, et même d’une fontaine. Quant aux spectateurs, ils sont désormais logés sur des échafaudages, tels les ouvriers d’un immeuble en construction regardant passer les badauds pendant leur pause casse-croûte.

Est-ce là un univers qui convient à la ville de Renens? Voilà la question qu’adresse l’équipe lauréate au jury. Même si aucune mention de cette référence n’apparaît sur les planches. Seul l’usage est décrit, avec une précision minutieuse. Mais il semble bien que le projet cherche à reproduire et adapter avec un joyeux pragmatisme l’ambiance de ce théâtre légendaire, en exploitant des matériaux «pauvres», rugueux (ici, le pisé), des éléments en acier (réemployés), en déployant des espaces exigus, informels, et une végétation éparse, libre. En puisant dans ce répertoire analogique, l’équipe propose au jury d’adopter les connotations et les valeurs associées au lieu, ou plutôt à l’imaginaire partagé qu’il mobilise, et place ainsi le débat au niveau culturel. Ce que le jury semble avoir parfaitement compris. 

Salle de spectacles de Renens (VD) 

Rénovation et agrandissement 
du bâtiment 

 

Maître d’ouvrage et organisateur: Ville de Renens


Procédure: Concours de projets d’architecture à un degré selon règlement SIA142 organisé en procédure sélective 


Budget prévisionnel: 6.1 mio. CHF pour le nouveau bâtiment, 10.8mio. CHF pour la rénovation du bâtiment existant et les aménagements extérieurs 

Palmarès

 

1er rang/1er prix: Pisé; Conen Sigl Architekten, Zurich; Gruenberg + Partner, Zurich; DUO Architectes paysagistes, Lausanne 


2e rang/2e prix: Eurydice; Comte/Meuwly Architectes, Genève/Zurich + jo taillieu architecten, Genève; SB Technique SBt, Genève; Marc Junod, Coralie Berchtold, Genève


3e rang/3e prix: Chemins de désir; Alias + Bessire Winter + DU Studio, Zurich; EFFIN’ART, Lausanne; Emma Kaufmann Laduc, Zurich 


4e rang/4e prix: La boîte magique; Muoto, Paris; Amstein + Waltert, Lausanne; BE Zürich Usus Architecture du Paysage, Zurich 

Les propositions primées peuvent être consultées sur notre plateforme competitions

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