À Schattdorf, on peut compter sur le soleil
Il y a un peu plus de trois ans, Sisag a emménagé dans son nouveau bâtiment à Schattdorf (UR). Le concept énergétique innovant avec une façade en verre électrochrome, un système thermoactif et une domotique sophistiquée a fait ses preuves depuis lors dans l’entreprise.
Le groupe uranais Sisag est expert en systèmes de gestion de l’énergie. L’un de ses nombreux produits est conçu pour synchroniser et coordonner les consommateurs de courant des domaines skiables (téléphériques, funiculaires, télécabines ou télésièges) afin d’éviter les pics de consommation et d’optimiser ainsi les coûts et la consommation globale d’énergie pour l’exploitant. L’entreprise, qui est passée en 38 ans de 5 à environ 200 collaborateurs, et dont les compétences clés sont la construction de commandes, l’automatisation et la numérisation, semble toujours à la recherche de solutions innovantes.
Il est donc logique que cet attachement à la technologie s’exprime aussi dans son bâtiment de Schattdorf, achevé en 2020. Mais ceux qui pensent que cette construction de 30 m de haut, dans la principale zone d’habitation de la vallée inférieure de la Reuss, est entièrement équipée en domotique du sol au plafond, se trompent. En réalité, la technique est utilisée de manière très adaptée au site, discrète et extrêmement sélective.
«Power Tower»
En 1996, Sisag a quitté Altdorf pour un nouveau bâtiment de bureaux et de production «SisNova» à Schattdorf. Celui-ci, d’env. 50 m de long et 25 m de large, composé de trois étages en acier et en béton, a offert à l’entreprise de la place pour la phase de croissance qui a suivi. Mais ce site a lui aussi atteint ses limites après 20 ans. Avec le besoin de concentrer tous les sites de Suisse centrale, il a été décidé en 2016 d’utiliser les réserves de terrain constructible disponibles sur place et de créer, avec le « SisCampus », plus d’espace pour l’entreprise et une offre pour le public.
Le bâtiment à ossature en béton armé de neuf étages, achevé en 2020, est relié au sud-est par une extension à la structure existante datant des années 1990 avec une emprise au sol de seulement 19,7 × 18,5 m. Cette empreinte physique modeste s’harmonise parfaitement avec le concept énergétique choisi, dans lequel l’énergie solaire, une façade en verre électrochrome, des plafonds en béton pour le stockage thermique et une technique de commande intelligente jouent les rôles principaux; grâce à l’orientation verticale du bâtiment, toutes les pièces disposées autour du noyau d’accès présentent de grandes surfaces vitrées et peuvent profiter de l’énergie solaire toute l’année.
Les régions soumises au fœhn comme la vallée uranaise de la Reuss ne font pas partie des zones les plus ensoleillées de Suisse, mais les températures moyennes douces et la durée d’ensoleillement relative élevée ont fourni de bons arguments en faveur de la façade en verre dans le système poteaux-traverses. Il a donc été décidé de renoncer à une protection solaire secondaire et d’intégrer activement la façade dans le concept énergétique. Le vitrage dynamique joue ainsi le rôle de gardien en dosant la quantité d’énergie qui entre dans le bâtiment et assure, en interaction avec les autres composants du système, une température toujours confortable de 22 à 26 °C dans le bâtiment. En résumé, le système fonctionne ainsi: le vitrage de façade électrochrome régule automatiquement l’entrée de la lumière et de la chaleur naturelles. Alors que la lumière naturelle réduit considérablement les besoins en éclairage artificiel, l’énergie thermique est directement transmise aux composants thermoactifs TABS des plafonds en béton. Ce système fonctionne comme un accumulateur de chaleur ou de froid et restitue en différé l’énergie absorbée au bâtiment; la façade en verre régule et gère donc le corps en béton du bâtiment comme une masse d’accumulation. De plus, un parapet en béton intérieur, à hauteur d’assise, sert de masse de stockage passive supplémentaire à chaque étage. Le renouvellement de l’air est assuré par des volets d’aération motorisés pouvant aussi être ouverts manuellement si nécessaire. Seuls les deux derniers étages sont équipés d’une ventilation mécanique.
Commande intelligente sans interrupteur
Le «SisCampus» abrite des surfaces de production et des bureaux (du rez-de-chaussée au 6e étage), mais aussi des chambres d’hôtel et des restaurants (7e et 8e étages), d’où son nom. Il mise donc en priorité sur une utilisation durable et énergétiquement efficace des principes actifs naturels. Mais il serait erroné de qualifier ce bâtiment de low-tech car il est contrôlé de manière intelligente: un système d’automatisation KNX enregistre en permanence des paramètres à l’intérieur et dans l’environnement, règle la translucidité des vitres électrochromes et commande les volets de ventilation.
La façade elle-même est constituée de 112 éléments du système poteaux-traverses en deux formats, préfabriqués par le fabricant de Hochdorf, près de Lucerne, et montés sur place. À l’exception de la façade nord-est, tous les éléments sont équipés de verre électrochrome (surface vitrée de 1100 m2). Concrètement, c’est un triple vitrage isolant avec quatre niveaux de commutation (clair, sombre et deux niveaux intermédiaires). L’automatisation de l’ombrage permet en théorie de commander séparément tous les éléments de la façade. En réalité, les différents côtés de la façade ont été regroupés en zones de commande. Le temps de commutation d’environ 10 minutes entre les différents niveaux permet d’atteindre une translucidité de 1 à 52 % ainsi que des valeurs g de 0,03 à 0,37. Le niveau de confort fixé entre 22 et 26° C est déterminant pour l’activation de la commande. Si les valeurs mesurées à l’intérieur du bâtiment s’approchent de ces valeurs limites, le système de commande influe automatiquement sur la valeur g du vitrage et sur la température du flux du TABS (température de flux maximale au moyen d’une pompe à chaleur hydrothermique de 28° C ou refroidissement direct par nappe phréatique). En cas de fort rayonnement solaire direct, le système de commande intervient indépendamment des températures ambiantes pour garantir des conditions de travail agréables à proximité de la façade en adaptant la valeur g.
Tout se fait en arrière-plan. Il n’y a pas d’interrupteurs de régulation à l’intérieur du bâtiment. En cas de besoin, le responsable du bâtiment intervient manuellement dans le système de commande, avec la possibilité de réguler certaines zones de la façade ou le débit TABS par étage.
Un succès dont on peut tirer des enseignements
En revenant sur la planification et la réalisation de ce bâtiment innovant, Daniel Dittli, architecte et directeur général du «SisCampus», évoque les grands défis de la planification en dehors du terrain habituel. Comme il existe encore peu d’expériences avec le verre électrochrome dans notre pays, il a fallu d’abord trouver des entreprises compétentes et les convaincre du concept énergétique prévu, sans redondance ni surdimensionnement. Au final, le «SisCampus» a réuni plus de 40 corps de métiers liés à l’électricité, qu’il a fallu coordonner. En outre, au début de la planification, Daniel Dittli avait d’autres idées en réserve pour faire jouer un rôle actif aux matériaux constituant l’ouvrage. À l’origine, il voulait aussi que le parapet soit en TABS. Pour des raisons de construction et d’exécution, il a dû renoncer à ce projet.
Depuis l’emménagement il y a un peu plus de trois ans, Sisag supervise l’exploitation du bâtiment sous sa propre responsabilité. Erich Megert, ancien directeur général et actuel responsable des bâtiments de Sisag, se montre tout à fait satisfait. Avec Daniel Dittli et une équipe d’experts, il recense et surveille les indicateurs énergétiques depuis la mise en service fin mars 2020. Et les résultats sont impressionnants: avec les valeurs mesurées selon la norme SIA 2031, il peut afficher un besoin en chauffage/refroidissement de 6,6 kWh et un besoin en chauffage/refroidissement par ventilation pour le 8e étage de 4,7 kWh/m2 de surface de référence énergétique et par an. Des valeurs qui feraient pâlir d’envie bien des bâtiments certifiés selon un label énergétique reconnu. En raison des restrictions possibles lors de la planification, l’obtention d’un tel label n’a cependant jamais été recherchée. Pour Erich Megert, seuls ces chiffres sont déterminants. Ils expriment une durabilité vécue en matière de consommation d’énergie. En fin de compte, l’exploitation du bâtiment, malgré l’automatisation intelligente, reste un processus d’apprentissage permanent et Erich Megert s’efforce toujours d’adapter les subtilités du système aux besoins. Le bâtiment et lui sont encore en train de faire connaissance, dit-il avec un clin d’œil.
Tout compte fait, le maître d’ouvrage et l’architecte ont joué la bonne carte: ils ont concrétisé un concept énergétique innovant impressionnant à des coûts de construction relativement faibles. C’est un art qui n’a pas échappé à d’autres. Ainsi, Schattdorf a récemment accueilli un groupe d’architectes intéressés par la mise en œuvre d’un concept similaire dans un bâtiment public de Bellinzona accompagnés du maître d’ouvrage.
Cet article a été publié dans le numéro spécial «Fassaden | Façades | Facciate – Approches durables».
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SISCampus, Schattdorf
Maître d’œuvre
Sisag
Architecture et planification générale
Drost + Dittli Architekten, Zurich
Construction porteuse
Synaxis, Altdorf
Direction locale des travaux
Siebzehn13 Architekten, Altdorf
Conception de la façade
Fachwerk F+K Engineering, Berne
Construction de la façade
4B, Hochdorf
Ingénieur électrotechnique
EWA-energieUri, Altdorf
Planification de la technique du bâtiment
Marty, Altdorf
Planification des espaces libres
Studio Bürgi, Camorino
Automation domotique
Jobst Willers Engineering, Rheinfelden
Facts & Figures
Planification
2017-2018
Fin des travaux
mars 2020
Valeurs des coûts SIA 416 (CFC 2)
631 CHF/m3GV; 2070 CHF/m2GF
Système et matériau de la façade
façade poteaux-traverses en métal avec SageGlass Climatop Classic