«J’ai l’habitude de prendre le train en marche»
Depuis janvier, l’ingénieure en aménagement hydraulique Fathen Urso préside le groupe professionnel Environnement (BGU) de la SIA. Portrait d’une personnalité aux multiples casquettes, déterminée à faire avancer les questions environnementales avec pragmatisme et passion.
La rencontre a lieu dans le café de la Generationenshaus à Berne. L’endroit est bondé, aussi bien par des étudiants, que par des retraités et des familles avec poussettes. «C’est la maison de toutes les générations!» Malgré cette atmosphère chargée, Fathen Urso met tout de suite son interlocuteur à l’aise, et l’échange s’engage spontanément. D’origine algérienne et soleuroise, elle a grandi entre les deux pays et a commencé sa carrière professionnelle à Zurich, avant de la poursuivre en Romandie. Elle est maintenant installée en Valais. La case «nationale et polyglotte» est donc cochée, ce qui a sans doute compté dans son élection à la présidence du groupe professionnel Environnement (BGU) qu’elle assume depuis le 1er janvier 2025. Mais on se doute vite que ce n’est pas le seul atout qui a su convaincre. Le parcours de la Valaisanne est en effet marqué par une large palette d’expériences, tant dans le secteur privé que public. Celles-ci ont à la fois contribué à forger une expertise pointue dans un domaine en particulier – l’ingénierie hydraulique – et une connaissance approfondie de problématiques plus globales, telles que la durabilité, la gestion des risques naturels, l’aménagement du territoire ou encore l’innovation.
Exercer et vulgariser sa passion
C’est en sa qualité d’experte en hydraulique que Fathen Urso intègre en 2002 les cercles de la SIA, tout d’abord via la section Vaud. Elle compte alors déjà à son actif de nombreux mandats exercés auprès de divers bureaux d’études, principalement dans le cadre de projets de revitalisation des cours d’eau ou de protection contre les crues (elle mentionne notamment la 3e correction du Rhône). Puis, parallèlement à ses mandats, et animée par une volonté de transmettre sa passion aux futures générations, elle enseigne l’hydraulique à la Haute Ecole d’Ingénierie et de Gestion du Canton de Vaud (HEIG‑VD) pendant près de 20 ans. C’est dans cet établissement qu’elle a également dirigé l’année préparatoire Future ingénieure visant à promouvoir les filières de l’ingénierie au féminin, notamment via des partenariats entreprises-école. Quant à sa «quatrième casquette», c’est aussi son dada en tant qu’hydraulicienne : les barrages. Dès 2012, elle intègre donc tout naturellement le Comité suisse des barrages, où elle contribue à élaborer des bonnes pratiques pour les centrales hydroélectriques dans la gestion des bassins d’accumulation.
«Chaque membre est un missionnaire»
Et comment vit-elle sa plus récente casquette à la tête du BGU de la SIA? Comme présidente du groupe professionnel, Fathen Urso met en avant l'importance de la collaboration et de la bienveillance. «Je suis quelqu’un qui aime motiver et fédérer ses troupes.» Elle souhaite que tout le groupe adhère à une proposition commune, car «chaque membre du BGU est un missionnaire», affirme-t-elle. La SIA possède, selon elle, un grand potentiel de mise en relation avec les autorités fédérales grâce à son implication sur les sujets climatiques et énergétiques. L’association a la capacité de prioriser ces thématiques et de les porter au plus haut niveau pour une mise en œuvre efficace. Fathen Urso est bien consciente que les questions cruciales dans le domaine de l’environnement ont précédé sa présidence, mais elle a l’habitude de prendre le train en marche, confie-t-elle. Elle mise sur le professionnalisme des 778 membres qui composent le BGU et sur l’effet d’émulation, porteur de solutions concrètes pour avancer. «Le groupe professionnel Environnement traite de sujets qui concernent notre avenir. Ils sont si essentiels que l’on se doit de trouver des solutions.»
De l’art de convaincre
Un mot revient régulièrement pendant l’échange : le leadership. Pour la nouvelle présidente du BGU, il se veut inclusif et stimulant. « Quand on est un leader, on doit savoir rassembler, mettre les priorités et ensuite s’organiser ». On en oublierait presque que la principale casquette de Fathen Urso est celle de Directrice du service construction de la Commune de Conthey. Dans cette fonction, le leadership est un atout non seulement pour gérer son équipe, mais aussi pour côtoyer les politiques. « J’ai la fibre politique, je peux interpréter, faire des préavis et discuter avec eux.» Son ancienne expérience d’enseignante lui confère également un atout précieux : « Vu que je suis pédagogue, j’adapte et vulgarise ma proposition en fonction du public, et on ne peut pas présenter un projet hyper technique à un public politique. » Pour elle, le nerf de la guerre, ce n’est pas l’argent mais la durabilité. L’environnement, l’économie et le social sont les trois axes sur lesquels elle étaye ses arguments lorsqu’elle doit porter un projet politique. «J’essaye d’appliquer ce principe dans toutes mes fonctions, et cela fonctionne généralement.»
Une autre casquette qu’elle n’a pas évoquée, mais qu’on lui rappelle, est celle de membre du Cercle suisse des administratrices, dont la mission est de défendre la diversité au sein des organes de gouvernance. On ne peut s’empêcher de faire le lien avec le BGU, composé d’une écrasante majorité d’hommes, et de l’interroger à ce sujet. Sa réponse est pondérée. Elle soutient les femmes méritantes, dont les ambitions se heurtent malheureusement encore à un plafond de verre. Cependant, elle croit en un assemblage de réflexions et d’échanges, où les compétences et les motivations priment sur la question de genre.
La liste des casquettes professionnelles de Fathen Urso pourrait s’allonger, mais nous terminons sur une note plus personnelle: a-t-elle encore du temps pour elle? «Tout cela ne m’empêche pas de partir en balade avec Manga, mon fidèle shiba, avant de retrouver les plaisirs de l’équitation et de vivre pleinement ma passion pour les chevaux!», répond-elle avec enthousiasme tout en nous montrant la photo de son compagnon à quatre pattes qui l’accompagne volontiers lors de ces longues promenades. Des instants de liberté qui ne sont toutefois pas totalement déconnectés de la réalité: « Ça me permet de faire des réflexions saines!»
Pour écrire à l'auteur: romain.galeuchet [at] sia.ch (romain[dot]galeuchet[at]sia[dot]ch)