Réutiliser le béton d’un site de démolition proche
À Altstetten, le site des anciens ateliers des CFF devient un terrain d’expérimentation baptisé «Werkstadt Zurich». Au-delà de la transformation des anciens ateliers de réparation en un projet phare à vocation socioculturelle de la ville de Zurich, d’autres pistes d’utilisations possibles du site sont étudiées, qui s’inscrivent dans l’économie circulaire de la construction. Le summum du projet est la réutilisation de blocs de béton provenant de chantiers de démolition.
Nul n’ignore aujourd’hui le problème posé par les hauts niveaux d’émissions de CO2 propres à l’industrie du bâtiment, ni celui de l’augmentation constante de la consommation de ressources et de la production de déchets de construction sur le territoire suisse. Une idée pour inverser cette tendance consiste non pas à faire du nouveau béton en broyant dans un premier temps du béton de chantiers de démolition avant de le réutiliser sous forme de granulats, mais à prélever des plaques de béton entières pour les réutiliser ailleurs. Ce concept a été mis en œuvre par le bureau de planification générale « baubüro in situ », avec le concours des ingénieurs spécialisés de Zirkular, dans le bâtiment A protégé au titre de monument historique sur le site des CFF baptisé « Werkstadt Zurich », à Altstetten.
À l’origine, les responsables du projet prévoyaient de fabriquer les fondations des piliers en béton recyclé, autrement dit avec des granulats de récupération et du ciment bas carbone. Mais à l’heure actuelle, ce procédé ne permet d’économiser que 10 % de CO2 et qu’une faible quantité de gravier par rapport aux procédés conventionnels. Force est de constater que la réutilisation d’éléments de démolition sans perte de valeur ou de matériau n’est pas encore inscrite dans la pratique de la construction. Or tel était l’objectif visé par l’expérimentation.
À l’étape de la réalisation, les responsables du projet ont opté pour la pose d’une paire de blocs de 120 × 80 × 30 cm chacun pour deux fondations de piliers. Ces blocs sont assemblés par liaison de force dans la direction axiale des forces horizontales des piliers obliques. L’assemblage est réalisé par comblement des interstices au moyen de béton recyclé et par le scellement de fers à béton.
Le calcul des paramètres techniques requis pour les éléments en béton a été réalisé par l’équipe du bureau d’ingénieurs civils Flückiger + Bosshard. La recherche d’un matériau de départ idoine fut loin d’être une mince affaire. Les exigences en termes de dimensionnement, d’armature minimale, de couverture en béton de l’armature et d’épaisseur des éléments ont fortement restreint la liste des éléments envisageables. Finalement, c’est l’ancien plafond d’un bâtiment d’une société d’assurance de Winterthur, démantelé dans le cadre d’un projet de transformation, qui a fait office de gisement de matériaux.
Les frais de démontage et de transport se sont avérés équivalents à ceux d’une élimination du béton selon les méthodes conventionnelles. En effet, le béton devait de toute façon être découpé en blocs dans un cas comme dans l’autre. Le stockage a eu lieu sur le chantier, c’est-à-dire sur le site même de la découpe des blocs aux bonnes dimensions et de leur préparation. Sur place, la pose n’a certes pris que deux heures par bloc de béton, à raison de deux ou trois ouvriers par bloc, mais l’exiguïté des lieux et l’absence de valeurs empiriques ont rendu les opérations délicates.
Le calendrier serré n’a pas permis de trouver suffisamment de fondations en béton de réemploi, et les équipes ont dû renforcer deux des seize piliers à l’aide de nouvelles fondations en béton coulé sur place. Cela a permis de comparer directement à la fois le bilan carbone, la consommation des ressources, le poids de la planification, le temps passé et les coûts respectifs des deux types d’application. Les fondations en béton de réemploi se distinguent surtout par des gains de fer à béton. La consommation de béton est également moindre. Toutefois, la consommation de béton maigre est légèrement plus élevée. Cela s’explique par la présence d’une fosse plus grande. Ce qui est frappant, ce sont les coûts accrus liés à l’approvisionnement, à la livraison et au transport des fondations en béton de réemploi, qui représentent au total plus de la moitié de la somme finale. Ces dernières coûtent par ailleurs presque cinq fois plus chères que les fondations en béton coulé sur place.
Il était clair d’emblée que les coûts de l’expérimentation seraient plus élevés que ceux d’une exécution conventionnelle. L’accumulation de valeurs empiriques permettra assurément de faire évoluer la technique ainsi que la mise en œuvre, ce d’autant plus que la marge d’optimisation des coûts pour les projets futurs est grande. Le développement du réseau d’entreprises aguerries aux techniques de construction faisant appel aux éléments de réemploi permet également de réaliser des projets comparables à moindres coûts, dans des délais plus courts et avec une efficacité accrue. Dans la construction conventionnelle, le prix final ignore un grand nombre de paramètres. Dans le cas de fondations conventionnelles comparables d’un coût de 300 francs environ, les quelque 250 kg d’équivalent CO2 générés ainsi que les deux tonnes de matières premières vierges n’entrent pas en ligne de compte.
Dans un scénario idéal, le réemploi d’éléments en béton permet de réduire jusqu’à 50 % les émissions de CO2. Avec cette expérimentation, les responsables du projet ont atteint leur objectif et démontré que les éléments en béton de réemploi pouvaient facilement être utilisés comme éléments de construction statiques et s’affirmaient comme une alternative plus écologique. Et chaque projet réussi accroît un peu plus l’engouement pour la réutilisation de matériaux dans la branche de la construction.
Werkstadt Zurich, bâtiment A, partie "entrepôt"
Mandant, propriétaire foncier
CFF Immobilier, Zurich
Planification générale, architecture, rédaction
Baubüro in situ, Zurich
Structure porteuse
Flückiger + Bosshard, ZurichTravaux de construction
BWT Bau, Zurich
Bilan CO2
Zirkular, Bâle