Rot­ter­dam, ville ou­verte

Editorial paru dans Tracés n°10/2012

Date de publication
26-02-2013
Revision
19-08-2015

Pour ce dixième Tracés de l’année, nous faisons peau neuve, avec une nouvelle maquette conçue par l’Atelier Poisson. Afin d’accentuer ce renouvellement, nous avons choisi de consacrer ce numéro à la scène architecturale néerlandaise. Cela non pas pour encenser aveuglement ce qui se fait ailleurs, mais pour comprendre et éventuellement perfectionner ce qui est en train de se faire chez nous. En effet, la culture urbaine des Pays-Bas peut nous aider à enrichir l’effort actuel autour du développement des villes suisses. 
Pendant le voyage de la rédaction à Rotterdam en mars 2012, un terme est revenu dans les différentes discussions : celui d’une « architecture intégrée ». Il est vrai que la culture urbaine néerlandaise repose en grande partie sur ce principe. Déjà dans les années 60, des architectes comme Aldo van Eyck et Jaap Bakema ont voulu penser la ville comme un continuum ; un ensemble où tout communique et tout fonctionne en synergie. 
Quand l’architecture ou l’urbanisme sont intégrés, l’école est ouverte sur l’espace public, l’université fait partie de ville, l’espace d’habitation se mélange à l’espace de travail, la ville ancienne fusionne avec la ville nouvelle, les quartiers pauvres se mélangent aux quartiers riches, les loisirs aux zones d’activité et les commerces aux infrastructures de transport. Autant dire que l’architecture intégrée est la bonne formule à appliquer. Celle qui préserve la mixité sociale et garantit la vitalité des nouveaux quartiers. 
Pour mesurer l’importance du concept, mieux vaut commencer donc par ce qui n’est pas intégré. Les ensembles pavillonnaires périurbains et ennuyants ne le sont pas. Les quartiers d’affaires désertés à sept heures du soir non plus. Les villas cossues au bord du lac qui coupent l’accès aux rives ne le sont pas. Les centres commerciaux à la périphérie des villes pour consommateurs motorisés, non plus. Ni les gated communities qui pullulent dans la région Paca, ni le tracé ségrégationniste du tramway de Jérusalem, ni les ghettos paupérisés du centre d’Athènes où paradent des jeunes écervelés en chemises noires. 
Si le principe d’urbanisme intégré déborde de bon sens, il est loin d’être la norme en matière de planification. Il doit donc être défendu là où il existe, et prescrit là où il n’est pas encore instauré. L’architecture intégrée est finalement comme la démocratie : une habitude d’une telle évidence qu’on oublie qu’il faut très peu pour qu’elle cesse tout simplement d’être.

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