Bibliothèques #1: des livres et des villes
Editorial du 09/2017
TRACÉS publie deux dossiers thématiques qui abordent l’actualité de l’architecture des bibliothèques publiques (n° 09/17) et universitaires (n° 11/17) au travers de quelques réalisations récentes. Afin d’exposer certains enjeux de l’intéressante évolution que connaît cette typologie, la parole a été donnée simultanément aux bibliothécaires et aux architectes – deux professions qui se sont souvent disputé l’autorité en la matière à travers l’histoire. Il s’agit d’aborder le problème par les deux bouts : d’une part, la traduction architecturale d’un programme en un espace et, de l’autre, l’influence de nouveaux dispositifs architecturaux sur l’évolution des usages.
Ce sont les échanges qui nourrissent les disciplines. Si l’analogie au texte et au langage est fréquente chez les architectes, notons que les bibliothécaires multiplient volontiers les métaphores architecturales pour décrire leurs collections, évoquant des ponts, des passerelles et des portails pour les relier. Ainsi il nous sera proposé d’appréhender la bibliothèque – et donc l’espace où se déploient ses collections – comme une véritable entité urbaine, avec ses places, ses quartiers et ses rues. Le succès récent des «bibliothèques troisième-lieu»1 repose en grande partie sur leurs qualités spatiales et physiques, sur la manière dont elles ont été conçues en terme d’ergonomie et d’ambiance.
Contrairement aux pronostics alarmants de la décennie précédente, le numérique, l’internet et les tablettes n’ont pas eu la peau du livre, ni ébranlé les socles des grandes bibliothèques. «Ceci n’a pas tué cela», aurait conclu Victor Hugo (qui écrivait dans Notre Dame de Paris que le livre imprimé aurait raison de l’architecture, avec ses façades narratives). La lecture se pratique donc encore dans l’espace réel. Non seulement les livres se vendent mieux que jamais, mais le nombre de bibliothèques est en croissance constante depuis vingt-cinq ans. Rien que ces derniers mois, Sion, Caen, mais aussi Brest et Gant ont inauguré de nouvelles bibliothèques d’importance régionale.
Après l’effet Bilbao, vivons-nous un positif effet Beaubourg? Le Centre Pompidou est en effet le premier projet de «troisième-lieux» de la francophonie: un espace ouvert à tous, avec bibliothèque, musée, librairie et cafés. Ces espaces d’un troisième type se multiplient, sans que l’on sache très bien s’ils relèvent du centre commercial, de l’espace en coworking ou du café littéraire. Dans tous les cas, ces projets sont les pièces maîtresses d’une politique culturelle qui vise à revitaliser des morceaux entiers de ville. Il ne s’agit plus de bibliothèques, mais de dispositifs urbains qui fédèrent, autour des livres, un public diversifié.
Note
1 Inspiré des bibliothèques du nord de l’Europe, le terme « bibliothèque troisième lieu » est apparu dans la littérature professionnelle depuis quelques années pour désigner un espace convivial fédérant différentes offres: lecture, expositions, café, animations. Voir Amandine Jaquet [dir.], Bibliothèques troisième lieu, Association des Bibliothécaires de France, Paris, 2005.