Li­ving / Wor­king

Trois projets pour repenser le logement contemporain

Data di pubblicazione
07-02-2018
Revision
13-02-2018

Les projets de Dogma incitent im­manqua­blement au débat. Formés au Berlage Institut, Pier Vittorio Aureli et Martino Tattara invitent dans leurs travaux et leur enseignement à pratiquer la théorie et la critique par le projet, à questionner la norme en s’appuyant sur des contre-propositions qui se veulent réalistes. Ces trois projets, conçus entre 2015 et 2016 mais non réalisés, ont l’ambition d’offrir quelques alternatives au logement en milieu urbain, dont les formes sont toujours largement dépositaires de certaines conceptions datées de l’après-guerre (adaptation au modèle de la famille nucléaire, séparation habitat/travail, location versus propriété). Avec des propositions fortes, provocantes, les architectes soulèvent des questions sensibles sur l’intimité, le partage des espaces et notre relation au travail. Ils nous obligent à prendre position et contribuent à repenser la normativité du logement contemporain, chercher des pistes et ouvrir des voies.

COMMUNAL VILLA


Cette proposition se concentre sur un modèle d’habitat pour une cinquantaine d’artistes qui ont choisi de vivre et de travailler ensemble. L’intervention n’est pas un projet spécifique mais doit être interprétée comme un prototype qui pourrait être réalisé dans différents contextes, en suivant des critères spécifiques. Le critère prépondérant est que la villa doit être considérée comme une maison communale dont l’organisation est gérée selon les principes d’un « syndicat des locataires » (en allemand : « Miethäuser Syndikat »). Le second critère concerne les sites sur lesquels cette villa peut être construite. Si la villa représente historiquement la célébration de la propriété privée, dans ce projet nous recherchons à utiliser ce modèle précisément contre celui de la propriété privée, aussi bien pour la maison que pour le terrain qu’elle occupe. Nous proposons de construire la villa sur des parcelles actuellement inoccupées qui n’auraient pas même été affectées à un programme spécifique par un plan de zone. Le troisième critère concerne la technique de construction de la villa. Celle-ci est conçue comme un bâtiment industriel sommaire, avec une structure en acier préfabriquée. Nous avons essayé d’imaginer un immeuble d’habitation dans lequel la structure peut simplement être meublée pour devenir un espace confortable à habiter. De cette manière, au lieu de produire des unités habitables onéreuses, qui doivent être aménagées après achat ou location, nous pouvons fournir des espaces déjà meublés, prêts à être habités. La villa est composée de cellules individuelles et d’espaces collectifs : studios, ateliers, cuisine, sauna, studio d’enregistrement, crèche, etc. Chaque cellule est définie par un mur habitable, une structure en contreplaqué qui sépare l’espace individuel de l’espace collectif, et qui contient un dressing, une alcôve pour dormir et une salle de bain.

EVERY DAY IS LIKE A SUNDAY


Le projet s’intéresse à ces grands parcs de bureaux abandonnés ou en état de délabrement que l’on peut trouver dans la périphérie de Bruxelles et d’autres villes flamandes comme Gand ou Anvers, et à leur transformation en quartiers mêlant habitat et travail. L’objectif principal du projet est de créer des espaces totalement indifférents à la distinction entre espaces de travail et de logement. Notre proposition n’est ni un foyer ni un bureau, ni un atelier ni une usine, mais un espace à vivre ouvert à une multitude d’usages et capable d’accueillir de petites entreprises, jusqu’à six employés. Pour cette raison, la proposition est basée sur un agencement spatial qui peut être facilement divisé en petites unités sans perdre la générosité de l’ensemble. Nous voulons créer les conditions favorables pour que les habitants négocient leur espace partagé sans jamais renoncer à leur intimité. Pour cela, nous adoptons le « principe des pièces égales » : chaque nouvel espace est composé de pièces de même taille qui peuvent être réunies pour former de plus grandes pièces. Notre proposition consiste en trois stratégies différentes allant de la transformation des immeubles de bureaux existants (2a) à l’addition de nouveaux bâtiments qui participeraient à l’augmentation de la densification de ces parcs de bureaux (2b, c).

LIKE A ROLLING STONE 


La proposition traite d’un logement pouvant accueillir un locataire pour un temps limité. Cette nouvelle typologie est pensée comme une alternative à l’appartement pour famille nucléaire qui domine le marché immobilier, à Londres ou ailleurs, et qui est aussi inaccessible qu’inapproprié aux célibataires et aux locataires temporaires. Nous proposons en réponse des espaces habitables qui ne nécessitent pas d’engagement en termes d’investissement et de maintenance. Basée sur une structure modulaire et adaptable remplie d’unités individuelles, cette typologie peut être appliquée à des sites de différentes dimensions et configurations. L’unité habitable est composée d’un noyau préfabriqué de deux étages contenant une salle de bain, des rangements, une kitchenette dans la partie inférieure et une généreuse alcôve où pourront dormir jusqu’à deux personnes. Cet espace individuel peut être considéré comme un intérieur autonome, l’accès à la partie supérieure étant contenu dans le noyau, derrière une porte qui peut être fermée afin d’isoler l’habitant du bruit et des activités environnantes. La salle de bain est ainsi accessible directement depuis l’étage supérieur, conçu comme un espace calme, intime – une plateforme confortable pour lire, dormir, regarder des vidéos. Une grande fenêtre circulaire donne de la vue, de l’air et de la lumière à cet espace.

 

Notes

Communal Villa 
Recherche réalisée avec le Realism Working Group et soutenue par la Haus der Kulturen der Welt, Berlin, 2015

Every Day is Like Sunday
Projet mené avec le soutien de l’architecte du gouvernement flamand (Vlaams Bouwmeester), 2015

Like a Rolling Stone
Projet de recherche et installation pour le pavillon britannique de la biennale d’architecture de Venise 2016, avec Black Square

Ces trois projets font partie d’une recherche en cours intitulée Living and Working qui s’intéresse à l’espace domestique et à son potentiel de transformation. A l’origine de ce projet réside l’ambition de repenser l’idée même du logement, en le considérant comme un dispositif dans lequel forme, économie et domesticité convergent. Notre projet repose sur l’hypothèse d’un nouveau contrat social, dans lequel le logement ne serait plus dirigé par la conception traditionnelle de la propriété mais par une forme d’association coopérative entre les habitants, qui leur permettrait de vivre ensemble, en partageant les espaces et les équipements servant aussi bien pour le logement pour que le travail.

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