Wa­gon Land­sca­ping ou la re­cher­che du bon sens

Camille Bourgeois, architecte, urbaniste et paysagiste conceptrice, est venue présenter la pratique de Wagon Landscaping lors du forum Bâtir et Planifier 2022. L’agence parisienne met un point d’honneur à intervenir le plus sobrement possible dans le respect du vivant, tout en laissant l’histoire du site apparente, notamment par la réutilisation des enrobés.

Data di pubblicazione
13-12-2022

Loin d’une approche dogmatique de la discipline, les pratiques de Wagon Landscaping évoluent au fil des expériences. L’agence développe de front deux activités généralement distinctes: la conception du projet et sa construction. Ainsi, les outils du quotidien sont, tour à tour, le crayon, l’ordinateur, la pelle ou la scie circulaire. Par cette orientation, la main garde une double fonctionnalité : elle dessine et elle construit. Pendant tout le processus de projet, avant même sa conception et jusqu’à sa vie après la réalisation, elle porte la mémoire de cette dualité. Elle construit déjà alors qu’elle dessine et elle dessine encore lorsqu’elle construit. Cette main, c’est aussi celle d’un·e jardinier·ère. L’agence met en œuvre des gestes et des savoirs jardiniers sources d’inspiration et de sobriété. En ce sens, le sol, la connaissance du vivant, le réemploi des matériaux, l’économie de moyens dans la fabrication prennent toute leur importance dans le projet. À travers cette approche s’épanouissent des projets dans des lieux en marge de la ville, dans des interstices en attente. C’est ici que se retrouve l’essentiel des ingrédients à l’origine des projets : de l’espace disponible, des dynamiques végétales spontanées, des usages cachés, une certaine liberté d’intervention.

Réduire nos impacts en fabriquant la ville sur elle-même, s’appuyer sur ce qui est en place, réutiliser et transformer des matériaux sur place pour éviter des circuits interminables de matière… Jardiner, tout garder, désimperméabiliser, réemployer l’existant: ces axes servent de préceptes au travail de Wagon Landscaping, qui s’efforce de faire la démonstration que des solutions pour inventer la ville circulaire de demain existent déjà. Si ces méthodes sont mises en œuvre à l’état de prototypes dans les expériences de terrain de l’agence, dans la pratique, il s’avère complexe de les appliquer de manière systématique à l’ensemble des aménagements urbains. En effet, les freins sont nombreux: peur infondée d’un effet «bon marché»? Besoin d’entretenir une économie matérielle du neuf? Manque de volonté politique? Il reste encore à creuser, mélanger, réemployer pour trouver les causes de ces écueils. En attendant… faisons!

Jardiner

Dans le cadre du projet sur la Petite Ceinture à Paris, le relevé et l’observation de la végétation du site ont permis d’accompagner l’ouverture de cette friche vers la ville, en offrant un nouveau square aux habitant·es du 20e arrondissement. En considérant d’abord ce qui est en place, par des plantations et des aménagements sommaires, puis par un suivi dans le temps, le jardinage d’un espace oublié a mis l’accent sur une intervention à la fois minimale (dans l’effort de transformation) et radicale (dans l’ouverture d’une friche aux usages urbains). Une intervention simple qui démontre l’intérêt de la sobriété d’un aménagement, qui se fonde sur l’accompagnement des dynamiques vivantes de l’existant, et qui s’exprime naturellement dans nos espaces oubliés.

Tout garder

Comment transformer un parking, d’une surface de 2000 m2, en un jardin, avec un budget de seulement 30 000 euros? En gardant tout. Le Jardin des Joyeux à Aubervilliers est un fabuleux laboratoire d’expérimentation, qui montre la possibilité de convertir un vaste parking couvert d’enrobé en un jardin accueillant pour la biodiversité. Le faible budget des travaux a déterminé la frugalité de l’approche et ce, dès la conception du projet. Du passé du site, tout est resté dans le jardin: la couche de revêtement de surface (un enrobé de chaussée) et la couche structurante (de la grave, naturelle ou cimentée). Les seuls intrants, un amendement et des plantes (sélectionnées avec soin pour leur capacité à s’adapter aux sols secs et caillouteux) ont permis de faire l’éloge des sols pauvres et de montrer leurs richesses. Cette intervention, orientée en grande partie par son budget, a permis de faire la démonstration qu’un projet de jardin pouvait exister sans aucun export de matériaux, en partant d’un tableau noir.

Désimperméabiliser

Une cour d’immeuble entièrement recouverte d’enrobé vient d’être réalisée dans le 11e arrondissement de Paris. Depuis plusieurs étés, la chaleur se fait douloureusement sentir, même dans une petite cour parisienne. Le projet «Asphalt Jungle» consiste à implanter un petit îlot de fraîcheur en désimperméabilisant quelques mètres carrés de la cour, sans exporter de matière. Un bac permet de contenir le surplus de matière créé par le décompactage du sol, auquel s’ajoutent l’amendement, apporté en vue d’activer la résilience du sol, et le paillage composé des plaques d’enrobés prélevées. L’intervention montre l’impact (réel et ressenti) de l’arrivée d’un jardin dans une cour minérale sur la baisse des températures et l’aménité d’un lieu.

Réemployer

Le jardin Casse Dalle est constitué de bacs de production issus d’une tour maraîchère (dans laquelle leur rendement n’est pas satisfaisant) afin d’aménager une friche en espace productif et d’agrément. L’enjeu pédagogique associé au lieu conduit à faire évoluer les attentes quant à un jardin, ainsi que les manières de le jardiner. L’équipe en charge de l’entretenir est pleinement intégrée au projet, puisque ses gestes accompagneront le développement du jardin. L’utilisation d’éléments provenant d’un bâtiment ainsi que la participation des personnes qui l’habitent montre la possibilité de réemployer des savoir-faire, éléments, matériaux ; en somme, de réemployer la matière qui constitue la ville afin d’aménager un projet.

Ce contenu vous est présenté dans le cadre de l’édition 2022 du forum Bâtir et Planifier qui a pour thème «La ville circulaire». L’événement est organisé par la section Vaud de la SIA, la FSU romande et la FSAP et soutenu par la fondation CUB.

Magazine