Un parc pu­blic et une coo­pé­ra­ti­ve d’ha­bi­ta­tion à Neu­châ­tel

EspaceSuisse | Les Cahiers 1/2023: Transformer l’espace public

Le processus mené sur une dizaine d’années dans le quartier de Vieux-Châtel a permis la concrétisation d’un projet de densification mesurée et l’aménagement d’un parc public, tenant compte des attentes des habitantes, habitants et des enjeux en matière de développement durable: au final, une opération équilibrée et des lieux où il fait bon vivre.

Data di pubblicazione
12-06-2023
Fabien Coquillat
est urbaniste communal, chef du Service du développement territorial de la Ville de Neuchâtel.

Le quartier de Vieux-Châtel, situé entre la gare et le lac, est empreint d’une grande diversité paysagère, architecturale et sociale qui lui confère une qualité assez remarquable. Le terrain sur lequel s’inscrit le projet est caractérisé par sa structure de jardins en terrasses, qui a accueilli jusqu’au début des années 1990 les anciennes serres horticoles de la Ville de Neuchâtel. Laissé à l’état de friche pendant près de vingt ans, le site a évidemment suscité l’intérêt de quelques promoteurs privés, dont le dernier, en 2008, a développé un projet relativement volumineux. Bien que conforme au plan d’aménagement en vigueur, le projet a suscité de ­nombreuses réactions négatives des habitantes et habitants et de l’association de quartier, notamment en raison de sa forte densité et de la non prise en compte des aspects patrimoniaux et environnementaux. En effet, la relation délicate avec le voisinage – et plus particulièrement avec l’ensemble de bâtiments remarquables de l’architecte Guillaume Ritter, au sud – était sévèrement critiquée, de même que l’aggravation des problèmes de circulation dans le secteur.

Une démarche qualitative

En 2009, malgré les engagements pris vis-à-vis du promoteur, l’exécutif communal a écarté ce projet et initié un nouveau processus, avec la volonté réaffirmée de construire des logements, mais en redéfinissant les objectifs en termes de programme, de développement durable et de protection du patrimoine. Pour concrétiser ces objectifs, la Ville a collaboré avec l’Université de Neuchâtel dans le cadre du module «environnement urbain 2009-2010» de la formation continue en écologie et sciences de l’environnement (ECOFOC). L’objet de ce séminaire était l’étude du quartier de Vieux-Châtel à travers la thématique «quartiers durables», abordée sous l’angle de la biodiversité, de l’économie, de l’aménagement, de la vie sociale et de l’offre de mobilité. Le rapport final a débouché notamment sur la recommandation de la mise en place d’un processus participatif, afin d’inclure dans la réflexion l’ensemble des acteurs concernés par le développement du quartier.

Lancé en 2011 par un «safari urbain» avec les habitantes, habitants, le processus participatif a été mené jusqu’en 2013 par l’association Equiterre et le Service du développement territorial de la Ville. Suite à plusieurs ateliers et séances de restitution, un cahier des charges urbanistique a été élaboré à la satisfaction de toutes les parties. Les grandes lignes du développement du site des ancien­nes serres étaient les suivantes: programme de construction diversifié (logements coopératifs et locaux collectifs favorisant la mixité sociale et générationnelle ainsi que la vie de quartier), création d’un jardin public, périmètre totalement sans voiture privée, préservation des constructions existantes en bordure du terrain, utilisation mesurée du sol (réduction de l’indice d’utilisation du sol de 1,5 à 0,8), exemplarité en matière d’intégration dans l’environnement bâti et paysager du quartier et respect des principes d’urbanisme et d’architecture durables.

En parallèle, la Ville a engagé un partenariat avec une coopérative d’habitation, la Coopérative d’en face (CDEF) pour mener à bien ce projet d’aménagement. C’est ainsi qu’en 2014, les autorités ont pu octroyer un droit de superficie à la CDEF et lancer avec elle un concours de projets sur invitation, portant à la fois sur l’aménagement du parc public (maîtrise d’ouvrage: Ville de Neuchâtel) et sur la construction de logements d’utilité publique et la réhabilitation de bâtiments existants (maîtrise d’ouvrage : CDEF). Les ­lauréats (123Architekten à Bienne / égü Land­schafts­­archi­tekten à Zurich) ont ensuite déve­loppé le projet architectural et pay­sager qui a fait l’objet d’une procédure de permis de construire en 2016, sans susciter d’opposition notable du voisinage. La construction des bâtiments de la coopérative s’est achevée en 2020, l’aménagement du parc public en 2021.

Un nouveau parc public rassembleur

Le parti architectural du projet est d’implanter un nouveau bâtiment d’habitation à l’est du site, à proximité des constructions préexistantes transformées en logements et locaux collectifs, formant ainsi une cour conviviale, favorable aux échanges au sein de la coopérative. Ce choix d’implantation permet de libérer le reste du terrain pour le parc public, bien connecté dans sa limite ouest au cheminement piéton reliant le plateau de la gare au bord du lac. L’ensemble s’adapte à la topographie très marquée du site et s’accroche habilement aux anciens points d’accès du terrain à l’espace public. L’aménagement du parc met l’accent sur la conservation des traces historiques des anciennes activités horticoles, et notamment la reconversion d’une partie des couches de culture en potagers urbains, pour la coopérative comme pour les habitants du quartier. Le nouveau parc public constitue un lieu de rencontre pour toutes et tous et, en plus des différents lieux de détente proposés, offre un espace de jeux s’écartant des modèles traditionnels et permettant de développer la créativité et l’imagination des enfants. Le parc vise également un haut niveau environnemental, en cohérence avec la politique de la Ville en faveur de la biodiversité, en réservant des espaces à la nature ou en créant des refuges pour le maintien de la petite faune et des insectes, dans une perspective plus large de sensibilisation du public. L’ensemble des amé­nagements contribue également, par la végétation et le traitement des sols, à la lutte contre le réchauffement climatique. Une atten­tion particulière a été portée à l’utilisation des ressources, en particulier à l’eau (récupération de l’eau de pluie de l’immeuble de la coopérative pour l’arrosage du parc et des potagers). Le choix des plantations s’est porté essentiellement sur des essences « vivr­i­ères » (arbres fruitiers, arbustes à baies) qui, au-delà de leurs qualités biologiques et esthétiques, laissent la possibilité d’imaginer des activités rassembleuses pour le quartier, telles que la cueillette des fruits ou des ateliers confitures.

L’opération menée à Vieux-Châtel cons­ti­tue une véritable renaissance de l’ancienne friche horticole, en offrant des espaces bâtis et paysagers de qualité pour le bien-être de la population du quartier et le renforcement de la cohésion sociale. Respectant l’histoire et le caractère original du lieu, le parc public compose harmonieusement avec les cons­tructions, existantes ou nouvelles, dans une démarche de densification mesurée et qualitative du territoire urbain.

Fabien Coquillat est urbaniste communal, chef du Service du développement territorial de la Ville de Neuchâtel. Il assure le respect des objectifs stratégiques et opérationnels dans les domaines de la planification, de l’aménagement urbain et des autorisations de construire.

Article paru dans le journal d'EspaceSuisse-romande, les Cahiers 1/2023: Transformer l'espace public. Le numéro peut être acheté sur notre shop