Mort d’une ga­re de fret, nais­sance d’une pri­son

Avec son dernier film «Nemesis», le Zurichois Thomas Imbach documente, à travers un récit personnel et politique, les transformations urbaines et sociales de sa ville.

Publikationsdatum
30-09-2021

À Zurich, l’agrandissement du centre-ville touche tout particulièrement les zones industrielles. Suite à l’abrogation de son classement patrimonial et sous l’impulsion de pressions foncières, le site de l’ancienne gare de marchandises d’Aussersihl, du côté ouest de Zurich, proche de Hardbrücke, a entamé sa métamorphose depuis neuf ans déjà. Après des années de débats politiques, il a cédé sa place au nouveau Centre cantonal de police et de justice (CPJ), pouvant accueillir jusqu’à 300 prisonniers, qui sera prochainement inauguré. Le film «Nemesis», présenté en première suisse à Visions du Réel 2020, retrace ces événements, bien au-delà de la démolition de la gare, à travers un discours oscillant entre affliction et dénonciation. Déjà lauréat de plusieurs prix, ce long métrage sera à l’affiche du CityClub Pully et des Cinémas du Grütli dès la fin du mois. 

Poétique de l’effondrement

Durant sept ans, entre time lapse et slow motion, le réalisateur indépendant zurichois Thomas Imbach a documenté depuis la fenêtre de son appartement cette démolition à l’aide de sa caméra, sporadiquement. «Le film se lit comme une capsule temporelle», déclare le cinéaste. Malgré cet angle unique, Imbach construit, par la multiplication des perspectives, une grammaire narrative forte, capturant les scènes quotidiennes autour du chantier, à l’intérieur et l’extérieur des palissades qui en définissent les contours. Lorsque le grappin de la grue broie les façades sous ses puissantes mâchoires sur fond de bruitages, c’est le chantier et ses machines qui prennent vie, entre humour et poésie. Quand, chaque matin, dans le parking extérieur, s’étreignent un homme et une femme avant de se rendre au travail, c’est le flux de la vie qui s’écoule. La synchronisation son-image n’étant pas possible, vu la distance de la caméra avec le chantier, toute la bande-son a été réalisée a posteriori.

Dénoncer la politique sécuritaire

À la période de la friche parcourue par un renard succède celle de la construction du centre de police, dont les ouvriers deviennent les acteurs. Ces images de camaraderie et d’effort collectif sont assorties de récits poignants d’immigrés clandestins en détention, en attente d’une décision de justice prononçant leur renvoi. La mue de l’ancienne station de fret ouverte sur le monde en un centre de détention clos sur lui-même est l’occasion pour le cinéaste d’entamer une réflexion sur son propre passé, ainsi que sur l’avenir de son pays. Ainsi, le cinéaste dresse le portrait d’une Suisse amnésique à son histoire, forgée par les mains des saisonniers italiens dès le 19e siècle, ce centre proposant aux questions migratoires ou d’asile une réponse politique marquée par une préoccupation sécuritaire.

Informations pratiques

«Nemesis» (2020, 132 min) de Thomas Imbach, est visible en Romandie dès le mois d’octobre au CityClub Pully  https://www.cityclubpully.ch/ et aux Cinémas du Grütli à Genève https://www.cinemas-du-grutli.ch/ dès le 30 septembre. Dates et horaires à consulter sur le site web des cinémas.

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