Autour de la maison ou comment traduire Heinrich Tessenow aujourd’hui
Une traduction française qui était attendue. Alors professeur de la Kunstgewerbeschule de Vienne, l’architecte allemand Heinrich Tessenow (1876-1950) débute l’écriture de son essai Autour de la maison dès 1909, après plusieurs années de pratique. Parmi ses architectures reconnues, on peut notamment citer la Cité-jardin d’Hellerau, près de Dresde, et son école de gymnastique rythmique (1911-1912).
Du titre original d’Hausbau und dergleichen (1916), son essai a été traduit en italien : Osservazionni elementari sul costruire (1974), puis en anglais: House-building and such Things (1989), et cent ans plus tard, en français: Autour de la maison (2019). Ce recensement est important car il établit l’héritage du discours de Tessenow, centré sur une architecture où chaque maison est un objet tendanciellement autonome, porteur de son propre langage, et issu de stratégies de composition et de construction précises. Ainsi se développe son essai, dans l’Allemagne du début du 20e siècle, pour une architecture s’adressant à des communautés de faible densité.
Chaque traduction, chaque réédition nourrit et renouvelle l’actualité de ses arguments. Luca Ortelli, qui signe la préface de cette édition, replace l’architecture dans la juste mesure de ses moyens: «Il est bien de souligner l’actualité d’un discours qui se préoccupe du projet en tant que pratique incontournable en architecture (…), de la nature spécifique et exclusive du projet et de son obligation à mettre au centre de ses questionnements la forme et ses significations. »1 En effet, pour Tessenow rien n’est plus important, même si elle est déstabilisante, que l’étape du projet: «Le laboratoire est plus important que l’atelier.»2
Son architecture sans détour, s’exprime dans cette étape projective par des dessins qui se veulent pratiques, épurés, révélant un savoir-faire technique sur l’équilibre des formes architecturales. «Tessenow n’est pas le seul architecte engagé dans cette quête d’intemporalité au début du 20e siècle, écrit Luca Ortelli. Pour lui, comme pour Peter Behrens et Josef Hoffmann, la recherche d’une architecture affranchie de toutes connotations stylistiques historiques passe par une sorte d’exaltation de la dimension tectonique, dépourvue de références directes et littérales à l’héritage classique.»3
Enfin, le discours autour de ce livre se poursuit tel un passage de relais d’une culture constructive à une autre à chaque nouvelle traduction de l’ouvrage. Cette hypothèse peut être testée dans l’architecture de la Tendenza de Milan, notamment celle de Giorgio Grassi, auteur de la préface de la traduction italienne de 19744. Également avec les architectes britanniques gravitant autour du magazine 9H5, qui en a publié la traduction anglaise en 1989. Qu’en sera-t-il désormais pour l’architecture dans le monde francophone?
Notes
1. Préface de Luca Ortelli, p. 15
2. Introduction, p. 27
3. Préface de Luca Ortelli, p. 8
4. L’architettura come mestiere. La postérité de sa préface entraînera une traduction française: L’architecture comme métier et autres écrits, en 1983. Grassi a notamment reçu en 1992 le prix Heinrich-Tessenow.
5. On peut citer entre autres Caruso St John, Tony Fretton et Sergison Bates.