Délicatesse en lisière urbaine
La rangée de douze habitations mitoyennes en ossature bois et béton, réalisée par EMI Architekt*innen en lisière de Baden, affiche une silhouette élancée dont la concision -s’intègre aisément dans ce contexte hétéroclite.
La densification des centres-villes va actuellement bon train et la marge de manœuvre s’y amenuisera assez rapidement. Raison de plus pour inclure les quartiers péri-phériques dans ce développement et réfléchir à ce qui les distingue des zones centrales. Pour la coopérative Lägern, la plus ancienne et la plus importante d’Argovie, EMI Architekt*innen ont esquissé une réponse.
Implantées en lisière de Baden, les maisons mitoyennes avec leurs petits contrevents, jardinets d’entrée et terrasses en toiture dessinent une ligne compacte dans un environnement hétéroclite, mais sans être anonyme, animé de maisons unifamiliales et de quelques immeubles d’habitation. Avec les trois étages prescrits par le plan d’aménagement, l’espace restreint à disposition devait être exploité de façon optimale. Les architectes y ont répondu par un empilement de demi-niveaux, se jouant subtilement des limites du raisonnable dans des logements de 3.75 m de largeur. Au-delà de l’équilibrage des volumes, les coûts d’ouvrage ne devaient pas excéder 2500 CHF/m2. La réalisation s’étant déroulée en période de renchérissement de la construction, ce budget modeste a encore mis une pression accrue sur le chantier et Christian Inderbitzin d’EMI Architekt*innen précise qu’il s’agit de l’un des projets les plus avantageux menés par le bureau.
Cet article est paru dans le numéro spécial «La ville en bois - Immeubles résidentiels en bois, financement durable». Vous trouverez d'autres articles sur la construction en bois dans notre dossier numérique.
Un air de Tokyo-Paris
Une pression qui n’a pas empêché les architectes d’apporter des touches d’élégance, notamment avec des poignées en bois laqué noir aux éléments de cuisine, qui évoquent les travaux d’Eileen Gray – selon une technique que l’architecte et designer avait apprise au Japon. Bien qu’on soit en périphérie de Baden, les références à l’habitat asiatique s’affichent aussi en façade. Comparées au bâti en bois traditionnel, les fenêtres sont légèrement surdimensionnées par des allèges abaissées, avec certains battants pouvant être basculés et d’autres tournés. Les cadres de fenêtres, les volets et les entrées se signalent en rouge sur le bois mat pré-grisé des façades, allégées par une délicate modénature.
Lire également: «Surélever en légèreté à la rue Wendt, Genève, Lacroix Chessex»
En pignon, le décor change: la silhouette de la toiture y épouse une sorte de mansarde pentue en tôle finement pliée comme les chambres de bonne parisiennes. La gouttière sépare le pignon des étages et articule aussi les derniers demi-niveaux à l’intérieur. Délicatesse et légèreté soulignent l’ensemble du bâti et fondent les références en un tout.
Bois dans béton
Le sous-sol ainsi que les murs de séparation entre les logements sont en béton. Pour ces derniers, il s’agit de plaques de 9 m de haut munies de consoles sur lesquelles reposent les planchers en bois. Comme l’explique Christian Inderbitzin, «nous avons inversé l’assemblage parois/dalles, puisque la dalle s’appuie normalement sur une paroi avant de recevoir la paroi suivante». Chaque unité totalise une surface de 130 m2 incluant cinq pièces et une cave. Dans les étages, chaque demi-volée d’escalier donne accès à une pièce et aux trois espaces sanitaires répartis dans le volume. La compensation en hauteur des décalages crée une cuisine cathédrale et une mansarde.
Comme souvent dans la construction en bois, les conduites sont à la verticale sans embranchements horizontaux. Bien que la séparation des systèmes et entre matériaux ne figurait pas au cahier des charges de la coopérative, toutes les conduites sur le bois et le béton sont apparentes et les radiateurs sont directement posés contre les parois.
Lorsqu’on monte l’escalier, chaque palier donne un aperçu de la pièce au prochain niveau avec un plafond à poutres peint en gris clair. Au faîte, devant la terrasse, la toiture mansardée enjambe l’escalier. Dehors, la vue porte sur les toits adjacents, la lisière de la forêt et, plus loin, sur le Jura tabulaire. Pour de jeunes familles, ces logements représentent, en dépit des -escaliers, une alternative aux appartements en immeuble – et presque un équivalent à la maison familiale. Esthétiquement, ils constituent une mosaïque de références culturelles qui s’insèrent dans un contexte multiforme, ponctué de maisons de facture et de taille diverses, avec des éléments décoratifs variés. Dans ce sens, ils incarnent une proposition intéressante pour aborder la périphérie.
Participants au projet
Maître de l’ouvrage: Lägern Wohnen, Baden
Architecture et paysage: EMI Architekt*innen, Zurich
Statique: wlw Bauingenieure, Zurich
Construction Bois: Hector Egger, Langenthal
Statique bois: Pirmin Jung (Schweiz), Sursee
Technique du bâtiment: Lippuner-EMT, Grabs
Planification électrique: Gutknecht Elektroplanung, Au
Physique du bâtiment: Wichser Akustik & Bauphysik, Zurich
Bâtiment
Volume (SIA 416): 7838 m3
Surface nette: 1791.81 m2
Label: Minergie Standard (non certifié)
Bois et Construction
Construction: bois et béton
Bois de construction: épicea/sapin (Suisse)
Surface façade en bois: 770 m2, 65 m2 (parement en tôle, acrotère)
Eléments platfond et toit: 90 pièces
Quantité bois: (sans façade, pergola et revêtement interne) 157 m3; OSB, DSP: 83 m3
Bois lamellé-croisé: entrée et étages intermédiaires , 104 m2; DSP: 1712 m2
Dates et coûts
Réalisation: 2021-2023
Érection des modules: septembre-novembre 2022
Préfabrication des modules: juin-juillet 2022
Coûts (CFC 1-9): 8.07 mio CHF TVA incluse
Montage bois (CFC 214) : 1.54 mio CHF
Gros œuvre (structure porteuse + parois intérieures, y compris planification des travaux): env. 1 mio CHF