Dix réponses à vos amis qui ont vu The Brutalist
Et vous posent des questions sur votre métier
Vous n’avez pas le temps d’expliquer à vos amis ou à votre famille les nombreux clichés sur les architectes véhiculés par le film de Brady Corbet? Vous avez encore reçu un «top10 de l’architecture brutaliste»? Espazium vous rend service:
1. Non, László Tóth n’a jamais existé, c’est un architecte imaginaire. La principale inspiration est Marcel Breuer, un immigré juif hongrois qui a fréquenté l’école du Bauhaus. Mais contrairement à Tóth, Breuer ne hurlait pas en cassant tout autour de lui quand il s’agissait de faire des compromis.
2. Non, le brutalisme ne consiste pas forcément à reproduire l’expérience d’un camp de concentration. C’est plus compliqué que cela et c’est OK de ne pas aimer. Cela dit, de nombreux bâtiments brutalistes sont menacés de démolition et devraient être préservés.
3. Non, l’architecte n’a pas à choisir entre bauhaus et classicisme, des «styles» qui appartiennent à l’histoire et dont les valeurs ont été dévoyées depuis longtemps. La bonne architecture suisse, d’ailleurs, se caractérise par son attention portée au site du projet. Certes, certains architectes continuent de parachuter d’épais monolithes, mais seulement sur les clients qui le méritent.
4. Non, l’architecte ne conçoit pas son projet comme ça en quelques heures pour le livrer la semaine suivante. Même pour une modeste bibliothèque privée, il faut plus de temps. Et c’est justement ce temps qui doit être correctement rémunéré!
5. Oui, une maquette est un très bon outil de communication du projet. Mais pour concevoir puis exécuter, il faut des dizaines de dessins qui prennent des mois à être tracés, en général par une équipe entière d’architectes et de dessinateurs.
6. Et donc, non, l’architecte ne travaille pas tout seul, en fait. Même quand il est très connu, il (ou elle, d’ailleurs) conçoit en réalité un projet avec ses collègues puis collabore avec de nombreux professionnels (représentés par la SIA): ingénieur·es civil, ingénieur·es CVSE, physicien·nes du bâtiment, architectes du paysage, etc. mais aussi avec une quantité d’entrepreneurs et d’artisan·es qui connaissent mieux leur métier que l’architecte.
7. Hé non, enfoncer le bâtiment plus profondément dans le terrain n’est certainement pas une mesure d’économie, bien au contraire. Sur ce coup-là, l’architecte aurait dû consulter le géotechnicien.
8. Des clients riches et cruels, des architectes pauvres et chevronnés. Là encore, ce n’est pas tout à fait exact. Ce qui est vrai en revanche, c’est que les architectes doivent souvent investir des heures non rémunérées pour atteindre la qualité qu’ils exigent de leur propre projet.
9. Non, de nos jours le client ne confie pas une commande de plusieurs dizaines de millions à l’architecte comme ça, sur un coup de tête. Ça arrive aux archistars, mais il faut compter avec de gros dépassements de budget. Dans la vraie vie, pour gagner une commande publique, les architectes sont mis en compétition. Voilà pourquoi ils exigent un peu de respect et que le règlement SIA142 soit appliqué.
10. The Brutalist est un film poignant sur l’immigration. Pas sur l’architecture.