Structure de la bourse aux fleurs : entre ambition et pragmatisme
Nouvelle bourse aux fleurs, Chiètres (FR)
Pour la bourse aux fleurs de Chiètres, l'ingénieur civil Hermann Blumer avait conçu à l’origine une charpente bidirectionnelle : un concept statique initial en parfaite adéquation avec les intentions architecturales. Pourtant, les changements de planificateurs et les contraintes de mise en œuvre et de production l’ont fait évoluer vers un système monodirectionnel. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour les ingénieur·es, ça veut dire beaucoup.
Le concept structurel du projet de la bourse aux fleurs a d’abord été développé par Hermann Blumer au sein du réseau de compétences Création Holz. Ingénieur suisse renommé pour ses structures en bois sophistiquées, Blumer a imaginé une toiture bidirectionnelle au-dessus de la place du marché. Ce système avait pour but de renforcer l’effet de centralité de l’espace en évitant de marquer un sens porteur principal et en équilibrant les hauteurs statiques de la grille de poutres.
Dans cette première conception, les diagonales perpendiculaires le long de la façade nord n’étaient pas prévues. La stabilisation horizontale reposait sur des cadres rigides formés par les encastrements entre les poteaux de la façade et les poutres principales de la toiture.
Les courbures de la toiture conféraient à l’ouvrage un mouvement élégant. Les poutres cintrées optimisaient l’usage des matériaux en réduisant l’importance du dimensionnement à l’état limite de service (déformation) pour de telles portées. La trame structurelle régulière assurait une répartition homogène des efforts et permettait un dimensionnement efficace et rationnel des poutres.
La planification structurelle a ensuite été confiée au bureau d’ingénierie Bois Initial, qui a simplifié certains principes pour en faciliter la mise en œuvre. La toiture de la place du marché a alors été adaptée en un système monodirectionnel. Ce choix a permis d’éviter des assemblages complexes aux croisements des poutres. Néanmoins, bien qu’un sens porteur principal ait été défini, les poutres secondaires ont conservé leur hauteur initiale afin de préserver l’intention architecturale du projet – un choix qui a augmenté la hauteur nécessaire des éléments primaires pour des raisons architecturales et non statiques. Une plus grande quantité de bois est donc utilisée pour maintenir l’apparence d’une grille de poutres bidirectionnelle.
Pour assurer une rigidité suffisante à l’ensemble du bâtiment, chaque poutre transversale a été stabilisée par des diagonales renvoyant les charges vers le socle en béton. Initialement non souhaité par les architectes, ce système a toutefois grandement simplifié les connexions poteaux-poutres. Il est intéressant de noter qu’il a également évité le recours à un diaphragme de toiture, réduisant ainsi l’usage de colle et de connecteurs métalliques. Enfin, ces contreventements réguliers ont permis de stabiliser la structure du puits de lumière dans le plan, un revêtement en verre pouvant difficilement assurer cette fonction.
Sous la direction du développeur immobilier et entreprise totale Losinger Marazzi, JPF-Ducret a repris la responsabilité structurelle du projet, recalculant l’ensemble des éléments et adaptant plusieurs assemblages. L’utilisation de tiges scellées a notamment été privilégiée, en raison de l’expertise de l’entreprise de charpente dans ce type de connexion, produite en grande série. Ainsi, les grandes ambitions initiales du concept structurel ont été adaptées pour intégrer un objectif de rentabilité.
Les calculs structurels de stabilisation, combinés à la nécessité de simplifier les connexions du revêtement de toiture, ont rendu la mise en œuvre des diagonales en bordure de façade incontournable. En revanche, la toiture de l’atrium a pu être maintenue selon le concept architectural initial, en dépit des potentielles économies de bois qu’une entreprise totale aurait pu exiger.
Ce projet illustre la tension qui existe, dès les phases de conception, entre une structure ambitieuse et des solutions constructives plus rationnelles économiquement. Pour la bourse aux fleurs, les concepts statiques initiaux étaient en parfaite adéquation avec les intentions architecturales, mais ils ont évolué au fil des changements de planificateurs, à mesure que les contraintes de mise en œuvre et de production émergeaient. L’ambition du projet a néanmoins été préservée, trouvant son équilibre dans des compromis maîtrisés qui concilient expression architecturale et réalisme constructif.
Lisez l'article de Alexandre Barrère consacré à ce projet: Le jardin logistique.
Nouvelle bourse aux fleurs, centre logistique et de vente pour les fleuristes, Chiètres (FR)
Maîtrise d’ouvrage : Coopérative Berner Blumenbörsen
Développeur immobilier et entreprise totale :Losinger Marazzi
Architecture : Kuník de Morsier
Ing. structure : Baechtold & Moor
Ing. CVCS : MRI
Ing. E : Bering
Physique du bâtiment : Zeugin Bauberatungen
Ing. bois : Création Holz + Bois Initial
Surface brute de plancher : 17 000 m2
Coût CFC 2-4 : 35 mio CHF